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25 mars 2015 3 25 /03 /mars /2015 20:51
DSCN1129.JPG   Ce qui frappe dans les premières images de lendemain de crash, c'est que précisément il n'y a pas d'images. En tout cas aucune de celles qu'on s'attend à découvrir en pareil cas. Un fragment fumant de réacteur. Un pan de carlingue déchiquetée. Un hublot égaré comme le lorgnon d'un géant maléfique. Non, rien de tout cela ou presque, mais un amas de débris, un saupoudrage de confettis macabres, une poussière de dernier jour sur la Terre, des milliers de points noirs qui furent des êtres vivants avec des sourires, avec des histoires, avec des avenirs. Un peu comme si les sédiments de cette bulle d'humanité low cost, suspendue  l'instant d'avant dans le ciel d'un monde sans frontières et des voyages pour tous, étaient, en un éclair, venus se fondre à jamais au grès rose d'Annot, au calcaire du crétacé et aux marnes bleues de ce versant de Préalpes du Sud soudain devenu, entre Bléone, Ubaye et Verdon, funeste ligne de partage des os.
   Et c'est bien sûr de là que naît l'effroi pour nous tous qui, en "temps normal", aspirés que nous sommes alors par la destination de vacances inscrite sur nos cartes d'embarquement, franchissons la passerelle d'un jet avec ce mélange de légèreté, sinon d'allégresse, et de petit pincement au cœur anticipateur de turbulences redoutées. Les 150 victimes de la tragédie de l'Airbus de Germanwings, près de Barcelonnette, ne changeront évidemment rien à nos habitudes. Nous continuerons à voler vers le soleil, l'oubli supposé des contraintes, les rivages et les visages lointains de l'exotisme ou des retrouvailles.
   L'avion, qu'on le veuille ou non, fait partie de nos vies quotidiennes. Que ce soit à l'heure de prendre place soi-même à bord de l'appareil, d'embrasser les rejetons de la génération Erasmus devant un guichet d'enregistrement ou, plus ludiquement, de lever la tête vers ces poissons d'argent qui fraient aussi dans nos imaginaires. Absurde, "camusien" comme tous les accidents, le mystérieux crash du Barcelone-Düsseldorf vient nous rappeler que le plus sûr des moyens de transport - une vérité qu'un drame, aussi traumatisant soit-il, ne peut remettre en cause - possède aussi, paradoxalement, ce pouvoir d'anéantissement massif qui est en principe l'apanage des faits de guerre.
   Et puis, avouons-le, qui n'a pas songé parfois, en proie au vertige du miracle de la technologie et du "Comment ça tient en l'air?",que le plus surprenant, ce n'est pas que les avions tombent, mais qu'ils puissent voler aussi rapidement et majestueusement? Oui, qui n'a pas été le petit garçon des premières pages du Livre des fuites de Le Clézio (Gallimard, 1969) qui pense "qu'un jour, soudain, sans raison, il y aura cet instant où le long cylindre pâle va éclater en une seule explosion, allumant sur la surface du ciel invisible une tache rouge et or, vulgaire, silencieuse fleur de feu, qui reste là suspendue quelques secondes, puis est effacée, disparaît au milieu de milliers de points noirs"?  D.P.
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23 mars 2015 1 23 /03 /mars /2015 22:21

cigare.png   Savez-vous ce qu'a fait Manuel Valls en découvrant les premiers résultats des élections départementales dimanche soir? Il a allumé un cigare. Si, si. C'est France Info qui nous l'apprend, sans nous dire si c'est un Cohiba ou un Montecristo. Un geste, paraît-il inhabituel pour lui, mais qui se voulait une manière de clin d'œil. Il s'agissait pour le Premier ministre d'envoyer un signal de fumée. Juste quelques volutes gris-bleu soufflées au nez d'une France pas encore entièrement revêtue de son habit marine. Havane que pourra!

   Alors, évidemment, cette pétunante histoire a aussitôt fait le tour des réseaux sociaux, avec commentaires, sarcasmes et détournements en prime. Ceux qui croient aux symboles se diront que ce n'est sans doute pas par hasard si l'hôte de Matignon a brandi un objet à combustion lente en apprenant que son parti n'était pas entièrement cramé. Au moins reste-t-il ici ou là une petite flamme...

   Nicolas Sarkozy, on le sait, ne fume pas. C'est lui pourtant qu'on aurait bien vu avec un barreau de chaise à la bouche. Le soir où l'UMP fait un tabac, ça ne devrait pas se refuser. Surtout quand, par ailleurs, on se shoote à la nini-cotine. D.P.

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22 mars 2015 7 22 /03 /mars /2015 22:14

   Sauf à considérer qu'on y gagne un relief particulier lors des soirées qui suivent, il faudra peut-être qu'on arrête un jour de faire les élections avant qu'elles n'aient eu lieu. Car enfin quoi, ce qui s'est passé ce dimanche, au terme d'un premier tour des départementales, dément, ou du moins rectifie largement, les résultats annoncés. D'abord du fait d'une abstention, à 49,4 %, moindre que celle qui paraissait inéluctable. Ensuite parce que si, avec 36% des voix, la droite est bien la gagnante comme prévu, la majorité, sous le coup d'un probable "effet Valls" (28,5 %), a résisté beaucoup mieux que les sondages ne le prédisaient et, surtout, le Front National, autoproclamé "premier parti de France"  lors des dernières européennes, est tout de même, à 24,5 %, loin du triomphe claironné par Marine Le Pen. Ce qui est sûr, en revanche, et cela sans réelle surprise, c'est que le second tour devrait bel et bien confirmer une volonté de changement. Au fond, on peut dire que, contrairement à Paris qui rechigne à appliquer ce lundi les consignes routières anti-pollution, notre pays, lui, se déclare favorable à une conduite alternée, en tout cas sur le réseau départemental. Un coup pour les plaques gauches, un coup pour les droites. Et cela, bien sûr, sans que les particules fines du FN n'aient dit leur dernier mot. D.P.

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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 22:20

 DSCN7152  Lors de leur sauvage attaque ce mercredi dans le quartier du Parlement tunisien, les assaillants - sans revendication et non encore identifiés -  avaient manifestement un triple objectif. Frapper le tourisme, première ressource économique locale. Stigmatiser la culture et l'histoire incarnées, dans la capitale, par le musée du Bardo où se sont déroulés une partie des faits. Et bien sûr saper la jeune et fragile démocratie du seul pays qui semble enfin avoir réussi sa transition après le départ de Ben Ali. S'ils sont parvenus à semer la mort - 22 personnes auraient perdu la vie et on déplore de nombreux blessés dont six Français - et à susciter un énorme choc, ils n'ont néanmoins pas atteint leur but. La réaction sur place, sous la forme d'un immédiat sursaut unitaire, n'a pas manqué, en effet, toute proportion gardée, de faire songer à ce qui s'est passé chez nous au lendemain des attentats de Paris. Et c'est bien évidemment la seule attitude à afficher face au terrorisme, d'où qu'il vienne. Les tueurs du premier printemps arabe ont fait couler le sang mais, à l'avant-veille du 20 mars, ils n'ont pas saccagé le jasmin de la belle résolution d'un peuple auprès duquel nous sommes tous en ces moments tragiques. D.P.    

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2 mars 2015 1 02 /03 /mars /2015 23:35

 telechargement--2--copie-3.jpg   En France, la fessée, c'est presque un mythe. Brassens, jadis, en fit une chanson: "Retroussant l'insolente avec nulle tendresse / Conscient d'accomplir, somme toute, un devoir / Mais en fermant les yeux pour ne pas trop en voir / Paf ! j'abattis sur elle une main vengeresse!". Pareil pour la gifle qui donna, en 1974, son titre à ce film de Pinoteau où Lino Ventura, à cran, en retourne une, sonore à souhait, à sa fille incarnée à l'écran par la jeune Adjani. Vieille histoire, direz-vous, en rappelant qu'en théorie nul, ou presque, ne défend plus ces "corrections"  d'un autre temps. Sauf qu'en pratique, il n'en va pas encore tout à fait de même. Et pour cause. Si 27 des 47 pays membres du Conseil de l'Europe ont banni ce type de violence, le droit de la France, lui, est "trop flou". Selon la décision des instances strasbourgeoises, attendue pour mercredi mais déjà dévoilée par le site du Monde, notre législation "ne prévoit pas d'interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels". Même si l'on peut se demander si l'Europe n'aurait pas mieux à faire que de réfléchir à cela par les temps qui courent, applaudissons des deux mains - plutôt que de les utiliser à autre chose - à tout ce qui fait barrage à nos archaïsmes éducatifs, fussent-ils très populaires. Il n'y a que les imbattables partisans du sacro-saint "ça n'a jamais fait de mal à personne" que la paume démangera à la lecture de cette information. Quant à Brassens et Pinoteau, ils s'en tapent. La mort, cette petite frappe, leur a depuis longtemps administré sa dernière rouste. D.P.

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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 21:50

    Évidemment, tous ces gens rassemblés ce dimanche dans les rues de Moscou et de plusieurs autres villes nous rappelaient quelque chose. La foule, les slogans, le recueillement, la dignité... Mais oui, on aurait juré que ce 1er mars de la Place Rouge adressait une manière de clin d'œil à notre historique 11-Janvier. Un sursaut aussi massif après l'assassinat du leader de l'opposition Boris Nemtsov, dans la nuit de vendredi à samedi, à deux pas du Kremlin, ne pouvait, en effet, que dépasser les clivages habituels. Mais gare à l'effet d'optique! La Russie de Poutine, dont on attend maintenant - sans illusions - qu'il tienne ses promesses de traquer les tueurs, n'est pas la France. La soumission, dans les heures qui viennent, reprendra ses droits là où une très large majorité de la population soutient son président. Ce n'est pas parce que nous fûmes Charlie que la Russie est Boris. Comment dit-on "Je suis Vladimir"  dans la langue de Tolstoï?  D.P.


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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 00:34

 images-copie-4.jpg Martin est mort. Oui mais lequel? Des Martin, il y en a des tonnes. 230 000 rien qu'en France, paraît-il. Et là on ne parle que du nom de famille. Parce que si on ajoute les prénoms, ce n'est même plus la peine d'essayer de compter. Dans cette hypothèse, la moindre commune a son Martin, sinon plusieurs. C'est le cas de La Roche-Mabile. Vous ne savez pas où est La Roche-Mabile? Moi non plus. Enfin si, maintenant je sais. C'est un patelin de l'Orne qui compte 163 habitants. Et hier là-bas, Martin est mort. Quel Martin? Martin Bouygues, selon une dépêche diffusée dans l'après-midi. L'info paraissait en béton. Elle ne l'était pas. Martin Bouygues va bien. On dit même qu'il n'a jamais résidé là-bas, allez-y comprendre quelque chose. Mais Daniel Martin, lui, est bien mort. C'était un habitant de ce village de Basse Normandie dont on aurait parlé à peu près nulle part s'il n'y avait pas eu cette embrouille. Le maire de Saint-Denis-sur-Sarthon - c'est juste à côté - parle d'un "quiproquo incroyable". La morale de cette histoire? Eh bien c'est qu'il n'y en a pas. Sauf qu'il vaut mieux ne pas s'appeler Martin. C'est le coup classique pour mourir à la place d'un autre, ne serait-ce que quelques minutes. À la limite, il est encore préférable de s'appeler Corne d'Auroch, étant entendu que, comme Brassens l'a si bien chanté, tout le monde peut pas (non plus) s'appeler Durand. D.P. 

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26 février 2015 4 26 /02 /février /2015 22:38

   En emportant Marion Cotillard et Mélanie Laurent dans ses bagages de com' aux Philippines, François Hollande a, d'une certaine façon, réussi un assez joli coup. Toutes les caméras se sont en effet braquées sur ces ambassadrices de charme du climat et le déplacement présidentiel n'aurait jamais connu pareil retentissement sans ces aguichantes présences. Voilà, du moins, pour l'apparence. Car à y regarder de plus près, il y a tout de même quelque chose d'assez affligeant dans cette "schwarzneggerisation" de la diplomatie. D'autant plus que, tant qu'à imiter Barack Obama, habile récupérateur du charisme du héros de Terminor, il y avait sans doute un meilleur choix possible pour le chef d'État français.

   Hormis leurs minois et leurs starisations, les deux actrices n'ont, il faut bien le dire, pas apporté grand-chose. Surtout pas lors de leurs interventions respectives. Les textes, assez banals, qu'elles ont lus sur un ton monocorde, sans presque lever les yeux de leurs papiers, sonnaient comme des fragments de catéchisme écolo mal appris. Comme quoi il ne suffit pas d'être sincèrement engagé en faveur d'une cause - ce dont on ne doute pas, en l'occurrence - pour faire passer le message de manière efficace. À neuf mois de la 21e Conférence sur le climat de Paris, l'appel du 26 février restera tout au plus comme un sympathique aparté people égaré sur l'échiquier de l'avenir de la planète. Marion Cotillard, qui a prononcé le discours coécrit par François Hollande et son homologue Benigno Aquino, est sans doute déjà repartie prolonger la bonne parole sous d'autres sunlights porteurs de réchauffement. Allez, tchao, la belle de Manille! D.P. 
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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 16:42

 220px-Drone_Flying_Eye.jpg   Ce qui est fascinant - et par là même inquiétant, les deux vont de pair -, c'est qu'on ne sait rien d'eux. Ni d'où ils viennent, ni pourquoi ils s'agitent ici plutôt que là, ni où ils s'en retournent. Les années 50 avaient les soucoupes volantes. Nous voici, toute proportion gardée, à l'ère des drones. Étymologiquement faux bourdons, ils ressemblent plutôt à de grosses araignées, véhiculant sans doute malgré eux une part de la phobie qui colle à ces velues bestioles. Mais ce n'est pas le seul point qui renvoie à l'enfance. L'évocation de ces gros "jouets", la nuit dernière au-dessus de Paris, n'a pas manqué de nous ramener aussi à nos rêves de gosses qui convoitions le plus rutilant des avions téléguidés du Grand Bazar de l'avenue.

   C'était en un autre temps, assurément. Et il n'est pas tout à fait certain que ceux qui actionnent aujourd'hui ces aéronefs sans pilote au-dessus des "zones sensibles" de la capitale aient simplement envie de se divertir. Dans la situation d'extrême tension actuelle, la vigilance est, en tout cas, plus que jamais de rigueur. N'oublions pas que, dans l'histoire, le rôle premier des ces engins est lié au combat. Reviendront-ils? Jusqu'où iront-ils? Quelle est leur mission? En ont-ils une au moins? Joujou ou arme? Épouvantails à moineaux modernes ou oiseaux de malédiction? Voilà bien des questions. En suspens, elles aussi. Drone d'époque, décidémentD.P.

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23 février 2015 1 23 /02 /février /2015 22:16

   Pour ces chiffres-là, pour le tournis qu'ils nous donnent, pour le malaise qu'ils génèrent, pour la façon dont ils nous laissent tous plus ou moins sonnés, aucun laboratoire n'a encore inventé de médicament. Même pas Sanofi. Sanofi, dont Olivier Braudicourt, le nouveau patron, médecin de son état, se retrouve précisément au cœur d'une bien légitime polémique. Car ces chiffres agressifs comme des microbes dévastateurs, ce sont les siens. Ceux de sa prime d'arrivée. Il paraît qu'on appelle ça un "golden hello" ou un "hello bonus". Deux millions d'euros en avril et autant au 1er janvier 2016 si le successeur de Chris Viehbacher est toujours en place. Une bagatelle à laquelle s'ajoutent un salaire fixe annuel d'1,2 million d'euros ainsi qu'une part variable plafonnée à 250 % du fixe. Sans oublier 66 000 actions gratuites "sous condition de performance sur trois ans"  à la signature et, enfin, last but not least, une "attribution annuelle de 220 000 options de souscription d'action et 45 000 actions de performance".

   Attention! qu'on ne nous accuse pas de populisme. On sait bien que piloter un groupe comme Sanofi, ce n'est pas un divertissement. Qu'il faut des qualités exceptionnelles - et nul doute que l'homme les possède - pour respecter le passé, gérer le présent et inventer l'avenir. Mais tout de même... Un tel niveau de rémunération n'est à la mesure d'aucune fonction quelle qu'elle soit, à plus forte raison dans le monde en crise que l'on connaît. Et ce qui est le plus choquant dans cette histoire, ce n'est pas qu'un système permette ce genre de hold-up légal, mais c'est que l'intéressé - oh! le joli mot - accepte sans ciller, à moins que, comme toujours en pareil cas, les hypocrites cris d'orfraie de nos dirigeants le contraignent à renoncer.

   On connaît les cachets aptes à remonter le moral, mais qui donc fabriquera la pilule qui sauvera la morale? Un beau défi pour Olivier Braudicourt. Chiche, docteur Abuse?  D.P.  

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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