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1 novembre 2015 7 01 /11 /novembre /2015 10:37
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31 octobre 2015 6 31 /10 /octobre /2015 23:59

Ce qui nous frappe tous à l'annonce d'un crash comme celui qui s'est produit hier dans le Sinaï, c'est bien sûr l'idée même d'une mort aussi massive et de sa foudroyante instantanéité. Quelque chose qui, avant même qu'il soit question des causes, fait songer à un acte de guerre. Ainsi donc le moyen de transport "le plus sûr du monde" est aussi celui qui peut faire "ça". Cet anéantissement, ce choc. La veille encore, les vacances au bord de la mer Rouge pour des hommes, des femmes et des enfants qui attendaient sans doute ça depuis longtemps avant de rentrer chez eux affronter la crise du rouble et le grand hiver russe de Tourgueniev ou de Pouchkine.

Et ce qui nous interroge plus que tout, c'est bien évidemment l'origine d'une telle tragédie ou plus encore sans doute, dans certains cas, l'absence de raison précise. Mais lorsque surgit, comme cette fois-ci, l'hypothèse d'un attentat, aussi fragile soit-elle - Daech revendique, Le Caire et Moscou nie -, c'est le spectre de la folie destructrice, que l'on feint parfois d'oublier, qui nous rattrape dans toute son absurdité et son horreur. C'est Lockerbie et le 11-Septembre qui tournent en boucle dans nos mémoires à vif.

On saura peut-être bientôt, grâce aux boîtes noires retrouvées, ce qui a provoqué la mort des 224 passagers de l'Airbus A321-200 de la compagnie charter Kogalyavia/Metrojet ce samedi entre Charm El-Cheikh, en Egypte, et Saint-Petersbourg. Mais en attendant, en ce jour particulier, à nos morts familiers, ceux de la Terre et du souvenir, se rajoutent ceux de là-bas, ceux du sable et des questions. Ceux de la Toussaint noire du Sinaï. D.P.

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30 octobre 2015 5 30 /10 /octobre /2015 11:19
Sur FC Radio
Sur FC Radio

Jean-François Debat, le maire socialiste de Bourg-en-Bresse, vice-président du Conseil régional Rhône-Alpes, est cette semaine l'invité de l'émission "Agora-Parlons vrai" sur FC Radio. À écouter ce vendredi 30 octobre de 18h à 19h et à retrouver demain samedi sur voixde l'ain.fr. Avant le débat proprement dit animé par Jean-Marc Perrat et Ghislain Gros, portrait de l'invité par votre serviteur blogueur.

(http://fcradio.radio.fr/)

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29 octobre 2015 4 29 /10 /octobre /2015 23:38
Quand la Chine s'enverra en l'air

Du fait d'un vieillissement tout à la fois de la flotte et de la population, la Chine manque d'avions et de bébés. Pour remédier à la pénurie des premiers, il a suffi à Pékin de passer commande. Et pas question d'y aller avec le dos de la baguette. Le contrat porte carrément sur cent Airbus A320. Pour les seconds, c'est un peu plus compliqué et, dans ce cas précis contrairement au précédent, la visite à Pékin d'Angela Merkel à Pékin n'y peut rien. Comme les enfants ne tombent pas du ciel, eux, la seule solution est d'autoriser les couples à procréer deux fois, décision qui met un terme - si l'on ose dire - à trente-cinq ans de politique mono-reproductrice du Parti. Au moins, quand ils auront l'âge de fréquenter les aéroports, tous ces rejetons issus de ce grand bond en avant démographique pourront-ils trouver place dans un appareil qui, pour n'être plus flambant neuf, aura encore belle allure. Sans compter qu'auparavant les plus aventureux des parents voyageurs pourront, au bénéfice de quelque hardiesse, profiter du confort d'un long-courrier pour répondre favorablement aux nouvelles largesses du Comité central. Quand la Chine s'enverra en l'air, le monde se repeuplera. Et la croissance redécollera. D.P.

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26 octobre 2015 1 26 /10 /octobre /2015 22:46

Elle est trop forte, quand on y pense, Myriam El Khomri. Même pas deux mois qu'elle est en poste et elle réussit là où ses prédécesseurs ont échoué. On l'imagine tout étonnée se demandant ce qui se passe. "Dites, j'ai appuyé quelque part, j'ai déréglé la machine, j'ai prononcé un mot magique?" Ou même osant un défi du genre: "Et v'là l'travail!". Évidemment, le sujet est trop grave pour autoriser ce genre d'humour, d'autant que la nouvelle ministre n'y est forcément pas pour grand-chose dans cette quasi miraculeuse baisse du chômage en septembre ( - 0,7%). Mais on ne nous empêchera pas d'imaginer le sourire grinçant de François Rebsamen qui préféra les courbes de ses paysages bourguignons à celle qui semblait définitivement refuser de s'inverser sous ses beaux yeux.

Gageons, en revanche, que le président de la République n'a cure de savoir d'où vient exactement ce répit. Ce qui importe pour lui, c'est que celle qu'il n'attendait plus est là, encore bien fragile certes - seule la catégorie A, c'est-à-dire les personnes sans aucune activité, est bénéficiaire -, mais prometteuse, semble-t-il, d'un avenir un peu moins bouché, surtout pour les jeunes. François Hollande s'en réjouira beaucoup pour eux, n'en doutons pas. Mais aussi un peu pour lui. 2017, c'est (presque) maintenant. D.P.

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24 octobre 2015 6 24 /10 /octobre /2015 21:18
Pas besoin de changer l'heure sur la pendule de pierre et de laiton sans aiguilles ni cadran ("Clock rock"), née de l'imagination de l'artiste allemand Klaus Weber et visible actuellement à la 13e Biennale de Lyon. © D.P.

Pas besoin de changer l'heure sur la pendule de pierre et de laiton sans aiguilles ni cadran ("Clock rock"), née de l'imagination de l'artiste allemand Klaus Weber et visible actuellement à la 13e Biennale de Lyon. © D.P.

Dans "heure d'hiver", il y a "hiver". Et c'est bien ça le vrai problème, au fond. Le reste, on s'en fiche un peu, avouons-le. Certes, il faut retarder les montres, nous rabâche-t-on. Mais on sait bien qu'aujourd'hui presque tous les instruments qui servent à mesurer le temps franchissent le pas eux-mêmes. Oui, mais que faites-vous des horloges biologiques?, rétorquera-t-on. Pauvres machines de chair et de sang qui ne sont plus à ça près, il y a si longtemps qu'on joue avec leur organisme. Broutilles de circonstance, rien de plus, on s'en balance. Alors que l'hiver, lui, c'est autre chose.

Mine de rien, pendant que nous dormons soixante minutes de plus au cours de la plus longue nuit de l'année, il prépare son long tunnel de fins d'après-midi crépusculaires, il concocte sa mixture de frimas, de givre et de neige, il s'affuble de "son manteau de vent, de froidure et de pluie", comme disait le poète. Sans compter qu'avec cette vieille échéance aux relents de choc pétrolier, c'est aussi la Toussaint qui rapplique, le portail grinçant des cimetières, l'odeur acide des chrysanthèmes, le chuchotis du souvenir en stèles.

Non, rien ne sert de réclamer la suppression du passage à l'heure d'hiver. Ce qu'il faut, c'est abolir l'hiver, pour rester à jamais blottis dans un entre-deux en suspens où la lumière d'octobre a des remords d'éclats d'or et de feu. S'imaginer que le temps ne passe plus en écoutant Raphaël et Louane chanter Tous les garçons et les filles dans "Taratata" de retour. Mais quoi, que nous dit-on? Que tout cela n'est qu'illusion? Bah! qu'importe. Leurre d'été, leurre d'hiver, qu'au moins le rêve, lui, reste à jamais hors saison. D.P.

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22 octobre 2015 4 22 /10 /octobre /2015 22:36
La loi de la Marine

Des actes peut-être, mais pas de paroles. L'émission politique phare de France 2 a finalement dû être déprogrammée hier soir faute de combattante, générant un de ces psychodrames médiatiques comme la France les aime. Après plusieurs jours de polémique, Marine Le Pen a en effet planté toute l'équipe en dénonçant "une mascarade". David Pujadas, l'animateur dépossédé, s'est aussitôt défendu d'être à l'origine d'une controverse motivée par les "changements orchestrés" des intervenants. Selon lui, c'est "pour tenir compte de l'avis du CSA" que fut introduite au dernier moment l'ultime séquence, la plus véhémentement dénoncée par l'invitée, au cours de laquelle celle-ci devait se trouver confrontée à ses adversaires lors des prochaines élections régionales, à savoir Xavier Bertrand chez Les Républicains et Pierre Saintignon côté socialiste.

Au terme des multiples rebondissements assez peu glorieux pour personne, il faut bien le dire, le premier constat qui s'impose, c'est que Mme Le Pen, tout en s'adonnant à ce qui s'apparente à un acte de déni de démocratie, a réussi, en théâtralisant sa défection, à occuper le terrain presque aussi pleinement qu'en étant là. Terrible paradoxe pour ceux qui, depuis des semaines, déploraient la place démesurée qu'on lui accorde. Reste que si l'absente très présente a pu prouver qu'elle était capable par le vide d'occuper l'espace, elle a aussi révélé très clairement ses limites. Son esclandre ne peut se revendiquer d'aucun panache : n'est pas Maurice Clavel qui veut. Car enfin quoi, la faiseuse d'écume a montré qu'elle ne supporte que les vagues qu'elle génère elle-même, ce qui est tout de même, on en conviendra, contraire aux lois élémentaires de la marine. D.P.

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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 20:31

Il y a de l'eau sur Mars, nous annonce-t-on d'un bulletin d'information à l'autre. De l'eau sur Mars? Tous ceux qui aiment Moustaki le savaient déjà.

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18 septembre 2015 5 18 /09 /septembre /2015 22:01

Les journées du Patrimoine? Bientôt ce sera au quotidien. Ce monument historique de la pédagogie qu'est la dictée s'apprête en effet à être célébré chaque jour à l'école. C'est Najat Vallaud-Belkacem qui l'a annoncé hier en présentant les futurs programmes du CP à la troisième. Si l'on ne peut pas lui donner tort dans sa lutte contre l'illettrisme et son combat pour la maîtrise de la langue, on peut s'étonner en revanche de l'étonnant sort qu'a connu la fameuse épreuve d'orthographe tour à tour assimilée, au fil des époques, à un pensum incontournable ou à un rituel ringard. Pour tout dire, on la croyait devenue objet de musée, tout juste bonne à rassembler, façon banquet des anciens, une poignée d'inconditionnels de la règle des participes et des plumes Sergent Major, suspendus à l'énoncé annuel d'un malicieux maître, ouvreur de guillemets et champion des Apostrophes.

Bon, cela dit, on l'aura compris, le retour annoncé de ce napoléonien exercice n'est pas une mauvaise chose en soi. À condition qu'il ne soit plus comme trop souvent jadis un "simple" florilège de pièges. Au diable Mérimée avec ses "cuisseaux de veau" et ses "cuissots de chevreuil"! La dictée de demain, futur pivot d'une pédagogie inscrite dans une époque où le moindre logiciel fait la nique à Bescherelle, se doit avant tout de ne pas être un vulgaire gage offert aux radoteurs du "C'était mieux avant" ou autres nostalgiques du bon vieux certif'. Bref, la dictée de demain se doit de revoir son texte. Un banal retour au passé serait une erreur. Pardon: une faute. D.P.

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4 septembre 2015 5 04 /09 /septembre /2015 21:34
Le dormeur du mal

Ce n'est pas un trou de verdure où chante une rivière. Il n'y a pas le soleil de la montagne fière qui luit. Il n'y a pas un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, et la nuque baignant dans le frais cresson bleu. Et pourtant, pourquoi le taire, c'est au fameux sonnet écrit en hommage au plus paisible des suppliciés que l'on a songé en découvrant, horrifié, ce petit bonhomme qui dort, pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Mais oui Aylan est lui aussi un dormeur. Un dormeur qui éveille nos consciences. Aylan, trois ans, est notre dormeur du mal, de ce mal qui s'appelle l'impuissance ou pire encore l'indifférence. Les pieds dans le sable de Bodrum il dort, souriant comme sourirait un enfant malade.

Il nous faudrait un Rimbaud pour dire ce que l'on a ressenti. Il nous faudrait un chant d'amour universel pour clamer: "Nature, berce-le chaudement : il a froid". Il nous faudrait des mots qui se gravent à jamais dans nos mémoires pour qu'on n'oublie jamais la petite victime de la guerre, des salopards de passeurs, du mauvais sort qui fait basculer les trop fragiles embarcations flottant comme des funestes jouets sur l'écume déchaînée devant les parapets de la vieille Europe. Le rafiot d'Aylan, de son frère Galip, de leur maman et de leur père qui les a vus couler s'est, comme tant d'autres, retourné. Et c'est nous qui sommes tout chavirés. Pourvu que cette soudaine compassion ne sombre pas aussi vite qu'elle a surgi. Il en va du sort de cette entité un peu démodée qui s'appelle l'humanité.

Les parfums ne font pas frissonner la narine d'Aylan. Il dort le visage dans l'écume. Tranquille. Mais c'est nous tous qui avons deux trous rouges au côté droit. D.P.

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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