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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 23:32

   Triple perquisition hier au domicile de Nicolas Sarkozy, dans son bureau et dans celui de son avocat. Il s'agissait, pour les enquêteurs chargés de l'affaire Bettencourt, de faire toute la lumière sur le financement de la campagne présidentielle 2007. Dans le même temps, ou presque, Jean-Marc Ayrault prononçait à l'Assemblée nationale son discours de politique générale.

   Rien à voir entre les deux faits, bien sûr, sinon qu'il y a décidément des jours où l'actualité fait un drôle de bruit de chassé-croisé. Pendant que l'ex-président ne disait rien - il séjourne actuellement au Canada -, le nouveau Premier ministre prônait, lui, un "redressement dans la justice", domaine dans lequel il voit un "facteur de croissance et de progrès".
   A croire que les investigations menées par le juge Gentil - qui ne l'est peut-être pas autant que ça - avaient été programmées pour donner du relief au "grand oral" de l'hôte de Matignon. On y mesurait, en tout cas, l'abîme qui peut, en moins que rien, séparer deux époques. Deux époques et deux hommes. Le citoyen redevenu "ordinaire" et le chef d'un gouvernement "normal". D.P.
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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 22:06

  Ouvrez  la bouche et dites trente-trois. Voilà exactement ce qu'a fait Didier Migaud en remettant ce lundi son rapport annuel de la Cour des comptes. Trente-trois comme trente-trois milliards d'euros. Tel sera en effet le montant des économies que l'Etat devra réaliser l'an prochain pour respecter les objectifs de réduction du déficit budgétaire.
   C'est grave, docteur? Plutôt oui. En prononçant tout à l'heure un discours de politique générale d'une rigueur qui ne dit pas son nom, Jean-Marc Ayrault sait qu'il n'y échappera pas. En préconisant les vieux remèdes drastiques d'antan, il devra lui aussi prononcer le chiffre propice aux diagnostics abyssaux. Mais le plus dur pour lui sera sans doute de... ne pas tousser. D.P. 

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 21:40

   Douce-amère chronique d'été après quelques jours d'éloignement. D'été? Façon de parler. Dans le ciel d'ici, les nuages qui nous pigeonnent pondent des grêlons gros comme des oeufs. Sur terre, les annonces de fermetures d'usines, de PSA à Iveco, se succèdent. Entre les deux, la famille de l'UMP se déchire. Pas de vacances annoncées pour elle. Ni pour le gouvernement. Mardi, en effet, Jean-Marc Ayrault n'a pas piscine, il a discours de politique générale.
   Mais de quoi juillet est-il le nom, non de non? Heureusement, il reste les Festivals. A Belfort, les Eurockéennes mangent du lion pour mieux défier les orages. A Vienne, le jazz, cette si moderne "antiquité",  continue à faire vibrer, comme si de rien n'était, les gradins du vieux théâtre.

   Les Festivals et le sport. Les Espagnols, en glorieux toréadors du foot, sont entrés ce dimanche soir dans la plus historique arène du ballon rond. Sans oublier le Tour de France, toujours aussi populaire, nous répète-t-on en un bel envol de casquettes publicitaires. Le vainqueur de la première étape s'appelle... Sagan. Si si, on a bien entendu, mais que l'on se rassure. Ce n'est pas le fantôme du "charmant petit monstre"  mauriacien qui a vaillamment enfourché un vélo en Belgique. Le coureur ainsi nommé - Peter de son prénom - est un Slovaque de 22 ans.
   N'empêche, ce clin d'oeil du cyclisme à la littérature - à moins que ce ne soit l'inverse - nous amuse et nous rassure tout à la fois. Juillet est encore capable de ça. Ouf, tant mieux, sinon ce serait vraiment "Bonjour tristesse"  et compagnie, ce début d'été 2012, non vous ne trouvez pas? D.P.

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 23:51

   Pendant que la France célébrait hier en fanfare l'arrivée de l'été, François Hollande s'adonnait de son côté au petit jeu des chaises musicales. Cela s'appelle un mini-remaniement. On pourrait tout aussi bien parler, quatre jours après les législatives, de simple réajustement de raison. Pendant que les tréteaux à décibels jonglaient avec les orages hexagonaux, le président "normal"  avait, lui, pour mission de déjouer les susceptibilités et de préparer la symphonie de la rigueur dite "Ayrault-ique". La petite sonate du pouvoir n'est pas, loin s'en faut, toujours simple à composer. Il faut s'accommoder des doubles-croches, des silences, des soupirs...
   Mais qu'importe, à vrai dire, qu'on tire à dia plutot qu'à Hue, dans la mesure où l'on respecte la parité. Tout ce petit monde posera à nouveau, tout à l'heure, à la sortie du conseil des ministres. On ne remarquera qu'à peine les changements. Chacun sourira plus qu'il n'en faut. Les lendemains de 21 juin adoucissent les moeurs jusqu'au perron de l'Elysée.
   Il restera ensuite au chef de l'Etat à régler la partition des fonctionnaires. Pourvu que le synthétiseur soit à la hauteur! Cela promet, on l'a bien compris, quelques jolis choeurs discordants. Y compris à l'Assemblée nationale, cette salle Pleyel de la République où Claude Bartolone est attendu sous peu, baguette fictive en main, perché au-dessus de son pupitre. Allez, musique maestro! D.P.

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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 22:11

      Même quand on se fiche du foot, on aime bien ce bruit qu'il fait parfois les soirs d'été. Une clameur qui soudain se propage de baies ouvertes en jardins où l'on dîne à la fraîche. A cette intense vibration collective, on sent que le solstice approche et que, dans le meilleur des cas, les vacances ne sont plus très loin. Mais cette fois-ci rien. Ou alors des cris qu'on sentait de dépit. Il n'y avait même pas besoin de fixer l'écran. On pouvait tenter de lire un livre, fixer les étoiles, écouter les grillons.

   Ce qui frappait, c'était le silence. Le silence des autres. Les voisins, les proches, les supporters, les vrais de vrais, ceux qui n'en perdent pas une miette. On a vite compris qu'une découvenue se préparait, là-bas en Ukraine. Sale temps pour les Français qui ont joué comme des pieds. Enfin, c'est une façon de parler parce que ce serait plutôt l'inverse. Certes, on s'en remetttra mais tout de même...

   Le bruit que fait le foot les soirs d'orage préfigure ordinairement la Fête de la musique, les festivals et les barbecues de quartiers. Le silence des humiliations, lui, ne dit vraiment rien qui vaille. Hier soir, les Bleus se sont vraiment fait marcher sur les crampons par les Scandinaves. Pour s'en remetttre, tiens, une seule solution. Ecouter Eddie Cochran chanter Blue Suede Shoes, fenêtres béantes sur la nuit de juin. D. P. 

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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 21:04

  François Hollande assis seul au premier plan. Immédiatement derrière lui, parmi d'autres, Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d'Estaing. Puis les chefs de gouvernement. et les ministres... Tout cet improbable petit monde soudé dans le recueillement et l'émotion. Belle scène que celle qu'on a pu voir ce jeudi, lors de l'hommage solennel aux soldats français morts en Afghanistan. Une scène d'autant plus captivante qu'on la sait furtive.
   On est là, on regarde, rassérénés et perturbés. Et l'on se dit tout à la fois "Tant mieux!" et "Dommage!". Tant mieux s'il existe encore des grandes causes niveleuses d'idéologies et transgénérationnelles. Mais dommage, mille fois dommage, qu'il faille quatre cercueils recouverts du drapeau tricolore pour que des bulles d'unité nationale se forment à la surface trouble d'une actualité convulsée de tirs de campagne et de tweets de compagne.

   Dommage que seule la mort rassemble. Ce serait bien si, un jour, la vie, la vie toute simple, la vie "normale", offrait enfin les mêmes vertus. Voilà à quoi nous songions en regardant la retransmission de la cérémonie des Invalides. En redoutant que s'inscrive sous l'image l'info tordue du jour qui fera le buzz en nous rendant, une fois de plus, tristes, abasourdis, sinon carrément honteux. D.P.

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12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 20:51

      Il aura suffi d'un tweet pour que la triangulaire de La Rochelle se transforme à sa manière en une quadrangulaire. Aux trois personnalités en lice, voilà qu'il faut, en effet, ajouter la participation pour le moins détonnante de Valérie Trierweiler. Mais à quoi songeait-elle donc en apportant hier son gazouillant soutien au candidat dissident du PS refusant de se désister au profit de Ségolène Royal? A réaffirmer sa volonté de s'afficher en tant que femme libre? A rappeler qu'elle n'est pas, elle même, présidente de la République mais une citoyenne encore davantage "normale"?
   Allons, ne soyons pas dupes. On ne fera croire à personne que la compagne de François Hollande, rompue à l'univers des médias auquel elle vient de réitérer sans ambiguïté son appartenance, a pu minimiser un instant la portée de son message éclair. Et quand bien même elle aurait voulu s'inscrire dans une indépendance d'esprit inspirée, disons, de Danielle Mitterrand, elle se serait fourvoyée. C'est, en réalité, à une autre précédente première dame qu'elle fait songer. En introduisant la sphère privée - car c'est bien de cela qu'il s'agit, fût-ce indirectement - dans les affaires publiques, Valérie Trierweiler s'est tout simplement "céciliaïsée". Et on sait ce qui en a résulté dans le passé...
   Le nouveau président de la République, embarrassé par cette collusion inattendue, ne peut pas l'ignorer. Les Français verront d'un très mauvais oeil la moindre rémanence de ce qui pourra s'apparenter aux dérives "vaudevillesques"  de son prédécesseur, auxquelles il doit d'ailleurs pour une part son élection. Face aux multiples difficultés du moment, il serait pour lui dévastateur d'avoir soudain une crise supplémentaire à gérer. De jalousie, celle-ci. D.P.           
     

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 21:29

   Au lendemain de l'acte 1 des législatives, dans le sempiternel bric-à-brac de l'entre-deux-tours, avec ses cartes et ses "camemberts", ses roses au poing et ses bleus à l'âme, ses projections et ses petits calculs, ses accommodements et ses trahisons, il y a toujours un nom ou deux qui se détachent. Ce ne sont pas, en général, ceux qui ont gagné. Ni ceux qui ne perdront pas au scrutin suivant. Non, ce qui fascine et interroge plus sûrement, ce sont ces figures qui, autant qu'elles ont brillé un jour, se retrouvent soudain en proie au grand vertige des destinées en charpie.
   On songe à François Bayrou, bien sûr, lui qui, après avoir vécu à diverses reprises dans l'espoir communicatif du pouvoir suprême, se retrouve une nouvelle fois sur la ligne de départ d'une traversée d'un désert plus insondable que les gouffres pyrénéens. Mais davantage qu'au Béarnais encore, on pense à Ségolène Royal. Comment a-t-elle pu passer aussi vite de son madonesque zénith de la campagne présidentielle de 2007 à la cascade de désaveux qui ont suivi? Affaire de personnalité, de caractère, de maladresses sans doute, dans un univers où, de surcroît, le misogynie agit en pareil contexte comme un broyeur. Mais cela ne justifie pas tout. Si elle perd dimanche, l'ex-compagne de François Hollande restera bien comme une "mater dolorosa"
 de la politique dont on n'aura jamais fini de démêler les parts d'ombre et de lumière, ni d'expliquer comment au rayonnement d'un visage triomphant peut s'adjoindre aussi vite le masque de larmes des tragédies antiques. D.P.           

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10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 21:42

    Alors, elle est comment cette victoire socialiste telle qu'elle se profile au lendemain du premier tour des législatives? Ni riquiqui - bien loin de là -, mais ni, non plus, "vague rose"  façon exhubérance 1981. Elle est, lâchons le mot, "normale". Un tel résultat ne peut évidemment que satisfaire François Hollande en attente d'une majorité "large et cohérente" que, "normalement", il obtiendra. Ses amis l'ont répété tout au long d'une soirée au cours de laquelle les ministres affichaient un large sourire - à commencer par le chef du gouvernement réélu d'emblée dans son fief nantais - puisqu'il est fort probable qu'aucun(e) d'entre eux (elles) ne sera contraint(e) à la démission.
   Voilà pour l'enseignement essentiel de ce scrutin marqué également par une inquiétante abstention - on a un peu tendance à l'oublier -, par un tassement en trompe-l'oeil du Front national et par une droite qui, ayant sauvé l'honneur, prépare son délicat "ni-ni"  dans la perspective des triangulaires.

   Restent les deux échecs les plus marquants de ce 10 juin: celui de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont et la position très difficile de François Bayrou à Pau. Des situations qui, au demeurant et vu le contexte, n'auront probablement pas surpris grand monde. Bref, que du "normal", on vous l'avait bien dit...
   Pour trouver de l'"anormal", il fallait, en ce dimanche pluvieux, rejoindre une autre joute. Sur la terre battue de Roland-Garros, Novak Djokovic et Rafael Nadal se sont en effet retrouvés en ballottage, avec avantage à ce dernier. Mais là, le second tour, c'est maintenant. Ou presque... D.P.

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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 21:15

Photo AFP   Ce qu'on voit de chez nous, c'est ça, entre un reportage sur la campagne des législatives en France, les préparatifs de l'Euro en Ukraine et les commentaires sur l'excès de vitesse de François Hollande. Des images qui tremblent un peu. Des plans panique qui se succèdent. L'écran de la télé qui se diffracte. Et soudain ces visages. Petites bouilles de bambins empaquetés dans des draps blancs. On dirait qu'ils dorment. Mais non, là-bas chez eux, en Syrie, on ne ferme plus l'oeil. Ou alors si on le ferme, c'est pour toujours. Voilà, c'est ça qu'il leur est arrivé. Ils ont clos leurs paupières. Eux, les enfants morts sous les obus et les couteaux des miliciens. Elles, les femmes, leurs mamans, leurs voisines. Eux, les hommes, les pères, les aînés, leurs protecteurs réduits à leurs rôles de cibles mouvantes d'un régime plus sanguinaire que jamais.
   Cela s'appelle un massacre. Un de plus. Dix jours après l'horreur de Houla, c'est à celle de Al-Koubei, province de Hama, centre du pays, que l'on assisté. Choqués, révoltés, honteux, impuissants. Impuissants comme Ban Ki-moon, comme Kofi Annan, comme l'ensemble de "la communauté internationale"  de laquelle on n'ose plus rien attendre face au tyran Bachar suspendu au criminel soutien de la Russie et de la Chine.

   Le secrétaire général des Nations unies s'est "contenté", cette fois-ci, de dénoncer une "barbarie invisible". Invisible? Oui, sans doute. Surtout à qui, à l'instar du peuple supplicié, jour après jour ferme les yeux. D.P.    

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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