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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 22:44

   Ainsi donc on se souviendra de ce triste soir où l'on a vu chanceler l'Europe comme un boxeur sonné par les directs de l'extrême-droite. KO debout, pétrie de blues avec des étoiles autour du front. Allez, relève-toi, vaillante lutteuse, il te reste quelques rounds à mener. N'écoute pas trop tous ces commentateurs qui, une fois de plus, ressassante machine à paroles, parlent de "séisme", de "choc", de "leçons à tirer". Ecoute plutôt eux, là, tout au fond de la salle. Muets d'éloquence. Sages  comme les gravures d'un livre d'histoire qu'on garde dans l'armoire familiale. Lui, Jean Monnet, et puis lui Robert Schuman. Lui encore Konrad Adenauer. Et quelques autres... Même s'ils ne s'agitent plus beaucoup, même s'ils ne courent pas les plateaux télé, tu ne peux pas les laisser tomber comme ça.

   Ne te laisse pas abattre trop vite par les uppercuts des populismes qui ne prennent pas de gants pour cogner à tout va. Tu ne vas pas crever comme ça au temps des cerises et d'un 21 avril qui tombe en mai. Ah! faut les écouter tes managers, qu'ils soient à gauche ou à droite du ring. Cette fois-ci, ils disent qu'ils ont compris, qu'ils n'ont pas su te booster et que, bien sûr, "il faut tout changer". Ne les écoute pas trop, reste toi-même, fais le dos rond, planque ta monnaie, tu vas t'en tirer.
   Et puis, tiens, pour te requinquer un brin, tu l'as bien mérité, je vais te lire, c'est peu courant j'en conviens, un quatrain de Jean-Claude Pirotte qui vient de partir pour sa dernière cavale à 74 ans. Pirotte était Belge, il avait vécu aux Pays-Bas, au Portugal, en Suisse, en Espagne, en France... Pirotte était un grand poète de l'Europe buissonnière. J'aurais pu en chercher d'autres, mais voilà, c'est comme ça, quelque chose me dit que ces quatre vers te feront du bien: "les tempêtes  du dimanche / ne sont pas celles du lundi / leurs robes ne sont pas blanches / et pas même en organdi" (in Cette âme perdue, La Castor astral, 2011). D.P.
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21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 21:20

   DSCN2349.JPG   On connaissait le célèbre incipit de Blondin: "Un jour nous prendrons des trains qui partent". Or, voici qu'il convient de lui rajouter une condition: "Encore faut-il qu'ils aient le bon gabarit". Bref, comme on pouvait s'y attendre, cette histoire de TER trop larges pour des centaines de gares est tellement farfelue qu'elle a affolé à grande vitesse les réseaux sociaux. Evidemment, dans un monde moins virtuel, elle prête moins à ricaner. Car la bévue, révélée par Le Canard enchaîné, pourrait coûter 50 millions d'euros. A qui? Non, il paraît que ce n'est pas le contribuable qui va casquer. Mwouais, on veut bien le croire. En tout cas, pendant que la SNCF et RFF se renvoient le bébé ferroviaire trop bien nourri, il y en a un qui n'est pas super bien dans ses petits souliers de PDG. C'est Guillaume Pépy dont certains demandent la tête. S'il est quelqu'un pour qui cette éventualité ne doit pas faire de doute, c'est bien la rapporteuse PS du budget à l'Assemblée nationale. Et devinez comment elle s'appelle... On vous le donne en mille: Valérie Rabault. D.P.    Photo © D.P.

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21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 20:51
Communiqué de presse
21 mai 2014
www.lapasseduvent.com
Ouvrir ce message dans une fenêtre
 
 
Un beau soir l'avenir, Didier Pobel
VIENT DE PARAÎTRE

UN BEAU SOIR L'AVENIR

DIDIER POBEL


Éditions La passe du vent
Mai 2014

118 p. / 14 x 20,5 cm / 13 €
ISBN : 978-2-84562-254-8
Genre : Récit
 

La retraite. Pour un journaliste. Pour un homme.
Un élément déclencheur pour Didier Pobel qui livre, au travers de souvenirs, d’anecdotes à l’humour incisif ou désenchanté, une réflexion pertinente sur un métier « pas comme les autres » et sur « l'après», à l'heure de « franchir le pas ». 
Restent alors les nouvelles pages à écrire, restent les mots. Ceux du poème d'Aragon qui prête à ce récit son titre et son cheminement. Ceux de Marcel Arland que l'auteur ne cesse de relire. 
Avec une écriture fluide, Didier Pobel nous entraîne de la salle de rédaction du Journal à son bureau, 
« véritable capharnaüm à la gloire de tout ce qui est imprimé », des reportages à l’exercice des nécrologies, de l'universel des soubresauts de la planète à l'intimisme des évocations plus personnelles. Jusqu'au terminus en Bresse. Où tout a commencé. Où tout recommence. 
Une vie de passion portée par un puissant amour des livres : « Oui, on peut avoir faim de livres, envie de mordre, de dévorer, de mastiquer, de remâcher, d’oublier le reste ». 
Un texte autobiographique en forme d'hymne à la lenteur retrouvée, et aux beaux soirs d'un avenir à réinventer.
QUATRIÈME DE COUVERTURE
Je reprends mon carnet de l’époque. « Mercredi 30 juin. Quelle drôle de date ! Ce soir, j’arrête. Ce soir, je passe à autre chose. À quoi ? Bien difficile de le dire avec exactitude. J’écris seul dans la cuisine. 
À travers la baie donnant sur la cour, j’entends le chant pur d’un oiseau. Mélange de frénésie et de crainte. Je perçois un choc dans la rue. Un carambolage sans doute 
». Il était huit heures trente lorsque j’ai noté ces mots. À mon retour, à minuit moins le quart, j’en rajoutais sept : « J’ai quitté le Journal ce soir. Torpeur ».
 
L'AUTEUR : DIDIER POBEL
Didier Pobel
Didier Pobel, qui publia ses premiers textes à l'âge de vingt-deux ans, est un poète, romancier et critique littéraire français, né en 1952 dans l'Ain. Il collabora à Esprit, puis à La Nouvelle Revue française de 1988 à 1995 sous la direction de Jacques Réda, après avoir enseigné quelques années. Trois décennies durant, il s'est parallèlement consacré au journalisme et à la critique littéraire dans un grand quotidien du Sud-Est. Membre du jury du prix Kowalski de la Ville de Lyon.
Dernières publications : Un long silence pâle (Pré#Carré éditeur, 2013), Couleur de rocou (Le Temps qu'il fait, 2012).
 
LA PASSE DU VENT
Maison d'édition indépendante fondée en 1999 et implantée en Rhône-Alpes, 
La passe du vent tisse des liens entre différents genres littéraires (poésie, nouvelles, entretiens...), d'autres disciplines artistiques (arts visuels et sonores) et les sciences humaines et sociales.

« Du souffle ! C'est ce que nous voulons. Et le souffle n'attend pas »
Thierry Renard, responsable littéraire des éditions La passe du vent.
 
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CONTACT PRESSE :

Marie-Caroline Rogister / Éditions La passe du vent
04 72 50 14 78 / editions@lapasseduvent.com
Pour toute demande de service de presse, de photographie haute définition
ou de mise en relation avec nos auteurs.
 
Suivez La passe du vent sur Facebook et sur Twitter @Lapasseduvent.
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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 21:52

   DSCN2347.JPG  A en croire Le Canard Enchaîné, qui révèle l'affaire, les Trains express régionaux peuvent aller se rhabiller. Prière désormais de considérer que TER, ça veut dire Tronquer et raboter. 1300 quais sur les 9000 recensés en France devront en effet être soumis aux marteaux-piqueurs afin d'accueillir prochainement les rames flambant neuves créées dans le cadre d'un vaste renouvellement du réseau. Mais quai, mais quai, mais qu'est-ce que c'est?, comme chantait Bécaud.

   Nos ingénieurs ont tout simplement vu un peu trop large. Au siècle des nanotechnologies, cette ubuesque erreur d'aiguillage fait à coup sûr désordre. Sans compter - ou plutôt si - que cette mauvaise mesure va coûter cher. Impossible d'y échapper. Sauf à penser qu'il suffirait d'imposer une cure d'amaigrissement aux wagons pour qu'ils gardent la ligne. Ou, plus improbable encore, d'implorer l'essieu. D.P.

Photo © D.P.


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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 13:29

  DSCN6841  Deux récents billets parus dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain: "Hêtraie en Bresse" (semaine du 2 au 9 mai) et "La dame en rouge" (9-16 mai). Celui de cette semaine, "Le Moineau s'est envolé" (journal actuellement en kiosque), sera lisible dans quelques jours sur ce blog.

   (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

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19 mai 2014 1 19 /05 /mai /2014 16:40

 GetAttachment-copie-2.jpg  Mon récit Un beau soir l'avenir, dans lequel se croisent, sur fond de douce mélancolie de l'après-journalisme, l'amour des livres et le retour à une terre natale aux inflexions arlandiennes, vient de paraître, aux éditions La Passe du vent (118 p., 13 €). On peut le demander à son librairie ou s'adresser directement à l'éditeur:

http://www.lapasseduvent.com/

 

   Cet extrait, p. 20: 

    "Les journées qui suivirent mon départ eurent un goût étrange. Je m'asseyais à ma table. J'allumais mon ordinateur. Je buvais du café. J'attendais le passage du facteur dont les viatiques quotidiens diminuaient à vue d'œil. J'écoutais dans les arbres le grésillement des oiseaux: la rumeur faisait songer à une station de radio mal réglée. Des fois, je ne sais pas pourquoi, me revenait une complainte de Cyrus Bassiak - alias Rezvani – chantée par Jeanne Moreau: «On s'est connu au creux du vague-à-l'â-â-me / d'un commun cafard...» Je n'avais plus d'horaires, j'étais un puzzle en charpie.

Avant que la chaleur n'atteigne son apogée, j'enfourchais mon vélo et filais au marché sous le pont du chemin de fer. Je revenais avec des abricots, des cerises, des radis et, parfois, une bouteille d'un vin rosé très léger provenant, selon l'étiquette, de la «cuvée de l'Amitié», une désignation qui suffisait à justifier mon choix. Je croisais des connaissances. Nous parlions de peinture, des vacances, des orages, de la vie. Les gens paraissaient jeunes et insouciants. Les femmes avaient des robes légères comme leurs paupières après l'amour. Les hommes enfonçaient leurs poings dans les poches de leurs bermudas bariolés. Ils avaient des casquettes, des lunettes, d'ineffables arrogances. Ils ressemblaient tous aux acteurs d'une pièce dans laquelle je n'avais plus de rôle défini".

 

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18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 20:58

   DSCN6815.JPG   C'était où ces images surréalistes, ce dimanche, en ouverture de tous les J.T.? A Cannes, devant le Palais du Festival? Non, mais pas loin de là. Ni en distance, ni par l'ambiance. Dans une étrange sélection officielle, suivie par une horde de journalistes, Jérôme Kerviel a projeté à sa manière son Welcome to Menton. Avec une dramaturgie réglée au millimètre près et un suspense de surenchère, l'ancien opérateur de marchés s'est transformé en très médiatique opérateur de marche. Parti de Rome, il y a quelques semaines, le trader "fou"  de la Société Générale, condamné à trois ans de prison et mué depuis en piéton  moraliste, était attendu en quasi-héros dans la cité des citrons. Allait-il là-bas se rendre à la police? Bien malin qui se serait risqué à donner la fin du film avant l'heure. La seule chose qui paraissait sûre, c'est que les membres du "jury" ne semblaient pas très sensibles à cette incroyable parodie de "meilleur acteur". D.P.

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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 21:22

"Tu as volé, as volé, as volé, l'orange du marchand..." Il faudrait peut-être songer à remettre au goût du jour le vieux refrain choral de Bécaud. Car les chapardeurs de fruits font désormais, en effet, dans la cybercriminalité. Pour la deuxième fois en trois mois, les détrousseurs ont fait main basse sur des millions de données personnelles des clients du premier opérateur français au joli nom d'agrume. Que veulent-ils? Comment s'y prennent-ils? Qu'avons-nous à craindre? On entend déjà la défense du soupçonné. "Vous êtes fous, c'est pas moi, je n'ai pas volé l'orange / J'ai trop peur des voleurs, j'ai pas pris l'orange du marchand..."

   Quoi qu'il en soit, nous voilà tous devenus, vulnérablement soumis au web et à ses dérives, de très potentielles proies du "phishing", appelé encore"hameçonnage". Et le pire dans tout ça, c'est que les malfrats sont aussi virtuels que dans le tube aux 100 000 volts cité plus haut: "Oui, ça ne peut être que toi / Tu es méchant et laid / Y avait comme du sang sur tes doigts / Quand l'orange coulait / Oui c'est bien toi qui l'as volée / Avec tes mains crochues / Oui c'est bien toi qui l'as volée / Y a quelqu'un qui t'a vu..."

   Une seule chose devrait nous rassurer. C'est la dernière fois, a promis l'entreprise piratée. Tu parles, on connaît la chanson. D.P.

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4 mai 2014 7 04 /05 /mai /2014 21:23

   aire-de-retournement.jpgFrançois Hollande n'est pas seulement le spécialiste de l'anaphore que l'on sait, il affiche également un vrai goût pour la géométrie dans l'espace. On avait appris à connaître son obsession de la "courbe"  et le voilà qui, dans un idéal de flexibilité réitéré, ne jure plus que par le "retournement". Bon, c'est vrai, la première de ces figures, promise à inversion avant la fin 2013, dut in fine se satisfaire d'une dimension virtuelle. Mais la deuxième, là pas de doute. C'est même le cadeau d'anniversaire que le Président - sans doute conscient que, vu sa cote de popularité, on ne lui en fera pas -, s'offre à lui-même pour ses deux ans - Putain, deux ans! - à l'Elysée. Oui, un beau retournement, bien empaqueté, avec grosses ficelles & Cie.

   Un retournement de quoi, au juste? Eh bien, de l'économie, pardi. Et cette fois-ci, c'est sûr. Il le voit, il le sent, ce retournement. Accompagné d' "une croissance plus forte, d'une compétitivité plus importante et d'une redistribution du pouvoir d’achat par une baisse des impôts”. Doit-on croire à cette belle perspective annonciatrice, pour le coup, d'un "redressement"? On voudrait bien, évidemment. Mais que le grand assouplisseur en chef nous pardonne. On va encore attendre un peu. Prudemment. Attentivement. Histoire de voir... de quoi il retourne.  D.P. 

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2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 10:36

   DSCN6487.JPG   Pour saluer l'entrée de l'oeuvre de Philippe Jaccottet dans la collection de La Pléiade, chez Gallimard, cet article publié dans les hebdomadaires Drôme Hebdo et L'Hebdo de l'Ardèche du 24 avril.

   (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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