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26 août 2013 1 26 /08 /août /2013 21:11

  

   Dommage qu'il n'était pas français, John Mainstone. Son cas aurait pu illustrer fort opportunément le débat sur les retraites. A 78 ans, l'âge auquel il est décédé récemment, chez lui, du côté de Brisbane, il n'avait toujours pas raccroché. Sans compter que son job relevait d'une pénibilité bien particulière. Depuis 52 ans, il était chargé d'observer la chute des gouttes de poix dans un sablier. Ne souriez pas, c'est scientifiquement très sérieux. L'expérience, commencée dans les années vingt sous le regard de l'un de ses prédécesseurs, avait d'ailleurs permis à notre chercheur de l'université du Queensland  d'obtenir, en 2005, le prix de physique de la fondation igNobel récompensant des études d'apparence farfelue mais qui, si elles "font d'abord rire, font aussi réfléchir". Ce qu'il faut préciser, c'est qu'une goutte de poix, ça s'abat moins vite qu'une taxe sous nos doux cieux. Depuis 1927, date du début de l'initiative, il n'en a chu que huit. Juste avant de mourir, John Mainstone se réjouissait: la neuvième n'allait pas tarder, il en était sûr. Zut! C'est lui qui est tombé avant. Et, à sa place, on a mis quoi? Eh bien tout simplement trois caméras chargées de ne rien perdre du grand "ploc" annoncé. En Australie aussi, les boulots traditionnels se perdent. D.P.  

 

 

 

 

 

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21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 20:55

    Au début de l'été, on s'en souvient, la consigne fut claire pour les ministres. Limiter les vacances au minimum et s'exposer sur le terrain plutôt que sur les plages. Si tous les membres du gouvernement ont respecté la très studieuse règle,  l'un d'eux a fait mieux encore. Ou pire. On l'a vu partout et tout le temps. Sûr que François Hollande doit s'en vouloir. A ce niveau, une exception s'imposait. Pas de congé prolongé pour les autres, sauf pour lui. Au moins le chef de l'Etat aurait-il eu ainsi sa propre trêve sauve.
    Bref, on l'aura compris, l'"activiste" en question ne cesse d'agacer, aussi bien à l'Intérieur qu'à l'extérieur. Ce mercredi encore, lors du premier conseil de la saison,  le président de la République a demandé expressément, en fixant une personne bien précise, qu'on "cesse d'inventer des sujets qui n'existent pas, de faux sujets comme le regroupement familial".

   Un recadrage dès la rentrée, voilà qui, une fois de plus, fait désordre. L'intéressé - c'est le cas de le dire - devrait en prendre ombrage. Au contraire, il y voit sans doute une occasion supplémentaire d'être dans la lumière. Cette fameuse lumière qu'aimait tant son hyper-précédent place Beauvau. Avant de s'y glorifier. Puis de s'y brûler. D.P.

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26 juillet 2013 5 26 /07 /juillet /2013 10:26

th-7-.jpg    Sa filmographie est une guirlande, une volute de cerf-volant, une valse endiablée dans un bal de province. Elle a tourné avec Chabrol, Truffaut, Eustache, Nelly Kaplan, Mocky, Malle, Doniol-Valcroze, tant d'autres... Elle fut tour à tour solaire et ombrageuse, fiancée, amante et voyante, vamp de village, pirate et dealeuse, jeune fille, maman ou putain. Elle fut tout cela. Elle fut beaucoup plus. Elle fut surtout elle-même. Casanière et fêtarde. Docile et indomptable. Tendre et gouailleuse. Belle et rebelle.

   Avec Gérard Blain, elle eut de la foudre et des coups au coeur.  Avec le sculpteur hongrois Diourka Medveczy, elle eut trois enfants. Le corps de l'une des deux filles, Pauline, disparue en août 1988, fut retrouvé trois mois plus tard à l'à-pic des rumeurs imbéciles et d'un été en pente pas douce, au fond d'un ravin des Cévennes. Ce pays escarpé des Camisards était le sien, le leur, comme celui de Brel était le Plat pays. Née à Nîmes le 28 octobre 1938, elle y est morte ce 25 juillet 2013.
   A l'annonce de cette disparition, les plans, les scènes et les raccords affectifs ont afflué sous nos front. Nouvelle vague d'images écumant d'une vivace nostalgie. Lesquelles retenir? Celles du Beau Serge tournées à l'aube des années soixante dans la campagne creusoise de Sardent. Ou mieux encore celle-là. Affaire de sensibilité, d'émotion, de tourbillon. C'est au tout début d'un court-métrage de vingt-trois minutes sorti en 1957. Une jeune fille roule à vélo dans sa ville gardoise, sur une musique de bastringue de Maurice Leroux. Sa jupe vole au vent et, comme le dit la voix off, la cycliste au corsage blanc est "assurément sans jupon". Une bande de gamins se gaussent. On les appelle là-bas Les Mistons.
   C'était le premier film d'un certain François Truffaut. Il avait vingt-cinq ans. Bernadette Lafont à peine dix-neuf. Chouette, une histoire commençait. La leur, la nôtre. Ils ne savaient pas encore qu'après leur mort ils seraient éternels. D.P.
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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 22:36

    C'est bien l'été, on tombe la cravate, on s'entiche de terroir et de vieilles charrues, on s'offre une échappée à la campagne, histoire de retrouver la famille, de saluer les anciens. Un rituel auquel on sacrifie même quand on est président de la République. Ainsi François Hollande s'en est-il allé, samedi, faire son tour au marché de Tulle. "Je suis là de manière amicale. C'est toujours un plaisir..." a-t-il confié. Mais le chef de l'Etat avait également programmé une visite. Un peu plus tôt, il a rencontré le plus corrézien de ses prédécesseurs dans sa résidence de Sarran.
   C'est bien l'été, on "descend" en province, on prend des nouvelles des aînés, on s'assure qu'ils tiennent le coup sous la canicule. Et comment se porte-t-il, Jacques? François l'a trouvé "alerte et plaisantant". Ouf! la France, qui l'aime comme un grand oncle un peu patraque, est rassurée. Elle n'en demande pas davantage. D'ailleurs, on n'en sait guère plus. "Nous avons parlé de questions internationales, des pays arabes et de la Russie notamment (...), mais nous n'avons pas beaucoup évoqué les affaires intérieures".

   Voilà, c'est tout. On aurait rêvé que ces deux-là abordent d'autres sujets. Les températures qui ne cessent de grimper, y compris du côté du plateau de Millevaches. Le Tour de France qui s'est offert ce dimanche un final so british. Le tabac qu'on va bientôt interdire partout, ce qui ne doit pas manquer de faire tousser l'ex-fumeur de Winston. Le roi des Belges qui vient d'abdiquer. Bref, les choses de la vie. Mais non rien. Ce qu'on a eu, c'est juste ça. Un petit geste intergénérationnel. Un infime signe dans l'été. Quelque chose, toute proportion gardée, comme Froome qui se tourne vers Merckx. "Allez, à l'année prochaine, Papy. Et couvrez-vous bien!". D.P.

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20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 08:14

   th-5--copie-1.jpgth[4]Henri Alleg (Londres, 20 juillet 1921- Paris, 17 juillet 2013), qui révéla - ou confirma - l'utilisation de la torture pendant la guerre d'Algérie, dans son livre La Question (Minuit, 1958), est mort mercredi, à trois jours de ses 92 ans. Pour saluer sa mémoire, ces mots de Sartre:

  "Jusqu’ici, ceux qui osaient porter témoignage, c’étaient des rappelés, des prêtres surtout... Ils nous montraient des sadiques courbés sur des loques de chair. Et qu’est-ce qui nous distinguait de ces sadiques ? Rien, puisque nous nous taisions...
Avec La Question, tout change: Alleg nous épargne le désespoir et la honte parce que c’est une victime et qui a vaincu la torture... Nous nous fascinions sur le gouffre de l’inhumain... L’inhumain n’existe nulle part, sauf dans les cauchemars qu’engendre la peur. Et justement le calme courage d’une victime, sa modestie, sa lucidité nous réveillent pour nous démystifier: Alleg vient d’arracher la torture à la nuit qui la couvre.
   En intimidant ses bourreaux, il a fait triompher l’humanisme des victimes et des colonisés... Et que ce mot de “victimes” n’aille pas évoquer je ne sais quel humanisme larmoyant: au milieu de ces petits caïds, fiers de leur jeunesse, de leur force, de leur nombre, Alleg est le seul dur, le seul qui soit vraiment fort. Nous autres, nous pouvons dire qu’il a payé le prix le plus élevé pour le simple droit de rester un homme parmi les hommes. Mais il n’y pense même pas". (Jean-Paul Sartre, 1958).

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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 21:55

DSCN2095.JPG DSCN2098.JPG       Vingt ans, c'est une chanson de Ferré. L'une des plus belles peut-être, l'une des plus poignantes. "Pour tout bagage on a vingt ans / On a l'expérienc' des parents / On s' fout du tiers comm' du quart / On prend l'bonheur toujours en r'tard...". Vingt ans, c'est un bail aussi. Un sacré bail. Celui qui nous sépare de la disparition du chanteur. Ultime pied de nez aux Institutions que d'avoir ainsi tiré sa révérence sans même prendre le temps de dire une ultime fois Tank you Satan "pour la prise de la Bastille / même si ça ne sert à rien".

   Vingt ans sans lui. Sans sa tendresse canaille, sans sa clameur anar, sans ses cheveux gonflés "comme des voiles de thonier". Vingt ans sans sa poésie, sa musique et sa mélancolie, sans ses coups de gueule et ses coups de coeur. Vingt ans sans le rafiot luisant de son piano noir sondant la solitude, la mémoire et la mer.

   En apprenant sa mort, ce jour de grand départ de l'été 93, on a tout vu redéfiler, comme on dit, en un instant. La Jolie môme "qu'on éteint comme une lamp' au matin". La barmaid d'Ostende aux yeux en amandes. "Les copains d' la neuille, les frangins d' la night". La guenon aux oreilles de Gainsbourg et les sanglots dans la mélopée qui la pleure: "Ma maman m'a cousu une gueul' de chimpanzé / Si t'as la gueul' d'un bar j'm'appell' Pépée Ferré". Le chien qui se "décolliérise et qui pose son os comme on pose sa cigarette quand on a quelque chose d'urgent à faire...". Le naufrage lotois de Perdrigal et la Renaissance toscane...
   Mais, au juste, aura-t-on vraiment  le coeur à saluer un saltimbanque en ce jour de Fête nationale, alors qu'un accident de train bouleverse la France? Pourtant, si l'on osait, c'est cette chanson-là qu'on préconiserait. Elle date de 1967 et elle commence comme ça: "Les gar's c'est con / S.N.C.F / J' préfère les trains / d' La NRF  / Et les bouquins / Qu'ont pas d'horaire / Qui roul'nt sous la lampe familière...". Allez, célébrons Léo. Sur ce réseau Ferré-là, il n'y a pas de catastrophe à redouter. D.P. I    Images d'archives ressorties du tiroir: inoubliable concert de Léo le 30 janvier 1981 au Creusot. Photos D.P. (Cliquez pour agrandir).
 
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9 juillet 2013 2 09 /07 /juillet /2013 08:24

DSCN1933.JPGDSCN1927.JPG   DSCN1926.JPGQuelles nouvelles?, comme disait l'autre. Celles-ci qui bourdonnent à nos oreilles. L'Egypte plonge dans la guerre civile. Sarkozy revient. Les vacances commencent... Il y a dans le rosaire des infos qui s'égrènent quelque chose qui, non sans une certaine indécence, joue à mêler la tragédie, le vaudeville et le banal. Echappons-nous, fût-ce quelques instants, fût-ce avec un brin de lâcheté. Ici, à Vienne, le temps d'un concert ou deux, plus rien ne compte vraiment, se persuade-t-on. Ou alors simplement ceci. La foule qui fait corps avec les millénaires gradins surchauffés du Théâtre antique. La rousseur d'une fin d'après-midi de juillet sur le Rhône et le Pilat.  Le ballet des martinets qui swingue dans le ciel. Des cocottes en papier volant soudain de travée en travée.

   Et puis la musique. Ce soir-là, en ouverture, la légende vivante s'appelle Johnny Winter. Figé sur la scène, doigts reptiliens sur le manche de sa guitare, bras tatoués comme des parois rupestres, le spectre albinos attaque avec du Chuck Berry. Goog, Johnny be good! La clameur salue celui qui, même au coeur de l'été des festivals, porte le frisson dans son nom. Sous le chapeau de M. Hiver, les mèches tombent toujours blondes, alors que la voix s'écorche aux aspérités de l'âge. Woodstock, c'était hier? Oui, mais l'Antiquité de Vienne en jazz est toujours neuve.
   Place à la chanteuse Shemekia Copeland (et son magnifique final a capella) ou au Robert Cray Band. D'autres encore. Présences, absences... Cette année, Sonny Rollins ne viendra pas. L'heure tourne. About midnight, ou quelque chose comme ça. Un solo de chauve-souris tente déjà de ramener silence.   D.P.

 

 

Le Théâtre antique de Vienne juste avant que le soir ne tombe. En vignettes, zooms sur Johnny Winter. Photos D.P.

 

(Cliquez sur les images pour les agrandir).

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5 juillet 2013 5 05 /07 /juillet /2013 23:11

    Sa voix de papy enroué était celle de la sagesse. Avec lui, ça ne mouftait pas. A peine avait-il prononcé le mot "averse" que la France entière s'armait de pébroques. Sans doute annonçait-il aussi l'embellie mais c'est fou comme,  lorsqu'on se souvient de lui, c'est à la flotte qu'on songe. D'ailleurs, même ses "l" et ses "i" étaient mouillés. Radio ou pas, quand il avait fini de parler, on s'essuyait le visage. C'est qu'Albert Simon ne se contentait pas de causer dans le poste. Il entrait sans frapper chez les gens. Il tapotait le vieux baromètre mural. Il déposait un dicton sur la table.

  Ses recommandations de grand-père étaient bon enfant. "Pensez bien à prendre un gilet ou un imper!" Pour ne pas oublier, on faisait un noeud à son mouchoir. Albert Simon n'avait ni ordinateur ni souris. Juste une grenouille. Et s'il avait enregistré un 45 tours ou si on l'avait aperçu dans un film de Lautner, ça n'était pas assez pour qu'on le reconnaisse dans la rue. Laisse aller la célébrité, c'est une mauvaise valse...

   Bah! On vous parle d'un temps (qu'il fait) que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. On n'avait pas encore inventé les "températures ressenties", les "épisodes neigeux" n'étaient que des flocons et les millibars ne s'appelaient pas des hectopascals. C'étaient les années 70 et 80. Albert Simon faisait la pluie et le beau temps sur Europe 1. Il est mort hier à 93 ans. Et c'est toute notre mémoire collective qui a soudain la voix qui chevrote. D.P.
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4 juillet 2013 4 04 /07 /juillet /2013 21:04

      Non, à aucun moment Madame Batho n'a manqué à la solidarité gouvernementale. La preuve, c'est elle qui le dit. La verte de rage laissée-pour-compte a même cru bon convoquer une conférence de presse post-"limogeage" pour dénoncer l'autoritarisme du Premier ministre et son allégeance aux lobbys du gaz de schiste. De vrais dictateurs, assurément, que les représentants de l'exécutif à qui l'on reprochait pourtant, il n'y a pas si longtemps, de ne pas savoir prendre une décision.

   En réalité, les "méchants" François Hollande et Jean-Marc Ayrault n'ont fait qu'ajuster à leur manière la cinglante sentence de Jean-Pierre Chevènement, façon: un ministre, ça ferme sa gueule ou on le démissionne. Vieille rengaine. Tiens, en parlant de chanson, savez-vous ce que faisait l'hôte de Matignon lundi, à 18h12, au moment où tombait le communiqué annonçant le remplacement de Delphine Batho par Philippe Martin? Il remettait la légion d'honneur à Hugues Aufray.

   Bon sang mais c'est bien sûr, c'est le chanteur qu'il aurait dû nommer à l'écologie. Lui au moins, il aurait été fier d'y être matelot. Hisse et ho, santi-a-a-no! D.P.

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 20:30

   Alors, ça vient ou ça vient pas?  Voilà des semaines que les bookmakers nécrophiles guettent, en direct live, la fin annoncée du vieux résistant qui vainquit l'apartheid. Pas facile de surfer sur d'elliptiques autant que contradictoires bulletins de santé, de sonder les silences et les prières d'un peuple, d'analyser les mouvements, parfois imperceptibles, devant l'hôpital de Pretoria.

   Dans certains organes d'informations dites continues - mais aussi ailleurs parfois -, las d'attendre, on a conjugué, au présent du passé du médiatique, d'indécents verbes arrachés à des portraits posthumes à peine démarqués. Et puis soudain, ce vendredi, au coup d'envoi des journaux de treize heures, il y a eu ce frémissement attendu de linceul sur l'écran.

   Go! La bonde pouvait être lâchée pour de bon. Mais non, décidément, ce n'était pas Lui, c'était un autre. Alain Mimoun venait de battre Nelson Mandela au grand sprint final de l'existence terrestre. Décidément, faire ce boulot-là, inscrit dans l'obscène compte-à-rebours d'un dernier souffle, fût-il historique, non, vraiment, ça n'est pas une vie. D.P.

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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