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L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)

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Leny, le migrant

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Honte à nous, on l'avait un peu oublié, celui-là. Il y a quelques semaines tout juste, en évoquant Guy Béart qui venait de partir on saluait l'un des derniers grands de la chanson française. Ne restait plus guère qu'Aznavour, se consolait-on. C'était assurément faire peu de cas de Leny Escudero. Il fut pourtant un type bien et une magnifique voix. Le problème, c'est que tout commença pour lui par un incroyable coup de chance qui fut aussi un handicap. Aux yeux des gens - à leurs oreilles surtout -, Escudero c'était Pour une amourette, point barre. Une rauque mélopée qui s'imposa par miracle dans le tourbillon yéyé des années soixante pourtant plus friandes d'onomatopées "dadouronesques" que de couplets romantico-réalistes.

Certes, l'auteur-compositeur-interprète aux airs de gitan avait lui aussi un blouson noir et des cheveux longs et on le vit en tournée au côté de Richard Anthony, mais toute autre similitude ne pouvait que forcer le trait. Même avec le fric de ses premiers cachets, l'ancien carreleur restait un artisan. Toujours soucieux de mettre sur ses notes les mots d'amour et de combat qui résument toute sa vie. Le petit immigré espagnol n'oublia jamais la lutte des siens pour conquérir la liberté, ni ce qu'il devait à la France qui les accueillit. Leny Escudero était un migrant fuyant le franquisme et la misère. Un frère de ceux qui naviguent aujourd'hui sur leurs radeaux de fortune. Que ce soit à la Fête de l'Huma ou bien, plus tard, lors de ces tournées "Âge tendre" un peu niaises où il faisait magistralement figure d'intrus, il ne cessa de chanter les destins ballottés, l'angoisse du lendemain, la rage de s'en tirer et, dans le meilleur des cas, les bras qui s'ouvrent,

À l'heure de sa disparition, à 82 ans, il y a bien, outre la fameuse "amourette qu'il faut prendre comme ça / un jour ou deux peut-être / longtemps quelquefois", deux ou trois autres couplets qui nous reviennent en mémoire. Ceux de la Balade à Sylvie, d'À Malypense, de Vivre pour des idées ou de Van Gogh. Mais s'il y a une chanson d'Escudero qui doit nous accompagner, nous secouer, c'est celle qui commence comme ça: "J'ai vécu / Au siècle des réfugiés / Une musette au pied de mon lit / Avec la peur au ventre / Des humiliés / des sans logis / Qui tremblent". Elle date de 1982 et s'appelle Le siècle des réfugiés. Les paroles sont de Leny et la musique de Julian, son fils. Elle dit encore: "Ils ont des trous à chaque main / C'est ce qui reste du naufrage / Ils n'ont pas l'air d'être en voyage..."

Vous avez dit, voyage? Vous avez dit naufrage? D.P.

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