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1 octobre 2024 2 01 /10 /octobre /2024 16:38
Lors de la remise du Prix, trois mois après l'attribution, en mars 2014. Ci-dessus Jacques Réda (assis) et Jean Pérol. Et, en bas,, Réda entouré de Jean-Pierre Colombi, Jean Pérol et Didier Pobel. Photos archives Didier Pobel

Lors de la remise du Prix, trois mois après l'attribution, en mars 2014. Ci-dessus Jacques Réda (assis) et Jean Pérol. Et, en bas,, Réda entouré de Jean-Pierre Colombi, Jean Pérol et Didier Pobel. Photos archives Didier Pobel

Pour saluer Jacques Réda
Pour saluer Jacques Réda, qui vient de disparaître à 95 ans, reprise de l'article que je lui avais consacré sur ce même blog en décembre 2013, lors de l'attribution du prix Kowalski dont il venait d'être le lauréat.
 
 
   Le prix Roger Kowalski-Grand prix de la Ville de Lyon, le plus doté dans sa catégorie, a été attribué ce mardi 10 décembre 2013 à Jacques Réda dont le nom rejoint donc, au sein d'un riche palmarès, ceux de Philippe Delaveau (2012), d'Yves Bonnefoy (2011), de Jean-Claude Pirotte (2008) ou de William Cliff (2007).
   Né en 1928 à Lunéville, Réda s'est fait connaître vers la quarantaine avec Amen, chez Gallimard (1968), suave expression d'un "lyrisme ordinaire",  à quoi se sont ajoutés quelque soixante-dix titres - parmi lesquels Les Ruines de Paris (Gallimard, 1977), L'Herbe des talus (id., 1984), Le Sens de la marche (id., 90) ou Ponts flottants (id., 2006) - mêlant vers et proses, récits de flâneries en solex et de déambulations pédestres, arpentages de Paris et remontées aux sources des rivières, odes aux grands aînés nomades et aux jazzmen frères.
   Bougonneux comme une contrebasse et remâcheur de vers de quatorze pieds, celui que l'on a l'habitude d'inscrire dans le sillage de Fargue, de Follain et de Cingria fut également le successeur de Georges Lambrichs à la rédaction en chef de la Nouvelle revue française dont nous sommes quelques-uns à ne pas avoir oublié les sommaires, entre 1987 et 1995. Membre du comité de lecture de la maison Gallimard, celle-ci a tout naturellement publié la majeure partie de son oeuvre, ce qui n'a toutefois jamais empêché l'adepte des chemins détournés de confier ailleurs des manuscrits souvent un peu plus "décalés", que ce soit chez Verdier, chez Théodore Balmoral, au Temps qu'il fait et chez Fata Morgana (1) d'où les critiques recevaient les services de presse rehaussés d'un malicieux carton portant l'"Hommage de l'auteur absent de Montpellier".
   C'est d'ailleurs, précisément, pour un ouvrage paru à cette enseigne languedocienne que Jacques Réda a été récompensé par le jury du prix Kowalski. Drôle d'opus, à la vérité, que ce Prose et rimes de l'amour menti, sorti simultanément avec un Petit lexique amoureux. Dans un registre qu'on ne lui connaissait pas vraiment, celui des élans syncopés du cœur, le "vieux volcan maussade (...) sorti de sa léthargie"  tient une sorte de chronique de ses émois tardifs. Au détour de quelques métaphores cupidonesques, vinicoles ou fluviales (là où cogne parfois "le ressac du possible"), Réda, embarqué dans ce qui fait songer à un vaudeville entrecoupé de voix-off aux sonorités blues, apparaît tout à coup sous nos yeux comme le marcheur désenchanté accueillant "la folle au pas léger qui danse", le flâneur de l'île qui opte in fine pour les transports affectifs, l'incarnation d'une certaine pesanteur existentielle soudain en proie à l'attraction universelle. Et qu'importe si l'éphémère "danseuse" croisée n'a finalement offert qu'"une espèce de strapontin" à l'égaré qui précédemment s'en allait "au bras d'une mélancolie", il s'agit bien là d'un "moment qui ne pourra jamais être achevé", définition, parmi d'autres, qui sait, de la poésie. "Tout recommence sans arrêt comme si, à chaque reprise, le commencement avait raté son entrée en scène et remettait ça avec l'obstination d'un vieux cabot" (p. 45).
   Rarement, en tout cas, ce fumeur de "Bovary sans filtres" qu'est Jacques Réda aura, non sans quelque habile duplicité d'expression, aussi judicieusement associé volutes lexicales et toussotements intimistes, physique et métaphysique, virtuosité et humour. Bref, osons les mots fût-ce en extrapolant un brin, corpus du texte et jeux de langue.
 
Didier POBEL
 
 (1) Prose et rimes de l'amour menti, Fata Morgana, 64 p., 12 €. Petit lexique amoureux, id., 40 p., 9 €.
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17 février 2022 4 17 /02 /février /2022 16:51
Tombeau de Michel Deguy
Tombeau de Michel Deguy
Tombeau de Michel Deguy
Tombeau de Michel Deguy
Tombeau de Michel Deguy
Tombeau de Michel Deguy

Ah! quelle émotion lorsqu'on n'a guère plus de vingt ans et que l'on reçoit une lettre de Michel Deguy estampillée de La NRF... En apprenant aujourd'hui la disparition (1930-2022) du créateur de la revue Po&sie, on n'exhume pas seulement le courrier ancien, on rouvre aussi ses livres, bien sûr : Fragments du cadastre (Gallimard, 1960), Biefs (id., 1964), Tombeau de Du Bellay (id., 1973), Gisants (id., 1985), La Vie subite (Galilée, 2016)... Et plus particulièrement encore À ce qui n'en finit pas, le poignant "thrène" écrit après la mort de sa femme Monique (Seuil, 1995). Peut-être son plus beau livre... D.P.

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8 juin 2021 2 08 /06 /juin /2021 13:58
"Quelque chose..." en nous de De Cornière
"Quelque chose..." en nous de De Cornière
"Quelque chose..." en nous de De Cornière
Le nouveau livre de l'ami François a comme d'habitude un titre "cornièrien" : Quelque chose de ce qui se passe. Un recueil d'instants, de vibrations familières, de "trésors cachés", de "joies invisibles" et de "petites choses de la mort". De compagnonnages, déterminants ou plus furtifs, avec Georges Mounin et Bashung, Alice Rivaz et Erroll Garner, François Truffaut et le cher Luc Bérimont. Tant d'autres. D'affinités électives aussi comme, aux pages 66 et 67, ce texte qui s'intitule "Une écriture de papier" mais qui aurait pu tout aussi bien s'appeler "Le lien", à l'instar du poème qu'on lit un peu plus en avant. Ou de cet autre encore au doux murmure intimiste : "Ça reste entre nous".
N'en doutez pas, au bout de la jetée, sous la tonnelle du jardin, sur une table au soleil juste après avoir nagé, au sommet de la falaise ou tout simplement au creux des jours poreux, François de Cornière, son "petit sac d'émotions mal fermé" sur son dos, n'est là que pour vous et moi, que pour nous qui avons tous en nous quelque chose de cette vie. Avec la "petite vrille de bonheur [qui] s'enfonce" parfois dans l'existence .Dans "l'imperfection parfaite / de la beauté". Dans le pérenne éphémère du poème. D.P.
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Quelque chose de ce qui se passe de François de Cornière, Le Castor Astral, 168 p., 14 €.
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23 mai 2021 7 23 /05 /mai /2021 09:54
La "Pentecôte" de Jean-Pierre Lemaire
La "Pentecôte" de Jean-Pierre Lemaire

Le nouveau recueil de Jean-Pierre Lemaire, Graduel, vient de paraître chez Gallimard. On y retiendra évidemment en ce jour le poème intitulé "Pentecôte" (p. 81).

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5 mai 2021 3 05 /05 /mai /2021 14:24
Roubaud ∈ Goncourt de la poésie

Le prix Goncourt de la poésie/Robert Sabatier 2021 a été attribué hier, mardi 4 mai, à Jacques Roubaud, pour l'ensemble de son œuvre. Le jury a rappelé la polyvalence de ce "grand poète", par ailleurs mathématicien, essayiste, écrivain et membre de l'Oulipo (l'Ouvroir de littérature potentielle). Né en 1932 à Caluire-et-Cuire (Rhône), Jacques Roubaud avait été accueilli par Raymond Queneau chez Gallimard en 1967 pour son recueil sobrement intitulé "∈". De nombreux autres livres, de vers ou de proses, ont suivi.

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"Tour Eiffel cesse de me dévisager comme ça

Si je t'offre un sonnet en vers de quatorze syllabes

(Un mètre assidument cultivé par Jacques Réda)

Ce n'est pas pour que tu me toises de cet œil de crabe..."

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(Premier quatrain du SONNET VII, À la tour Eiffel, in La forme d'une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains, Gallimard, 1999).

 

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14 avril 2021 3 14 /04 /avril /2021 10:08
Et maintenant Bernard Noël. Oui, Bernard Noël, après Jude Stefan, Pierre Oster, Philippe Jaccottet... C'est, en quelques mois, toute une génération de poètes qui s'en va, qui s'en vont. Ceux qui nous furent si précieux à nous autres nés après la guerre, dans les années 50 ou 60, ceux qui nous permirent de croire que d'autres mots que ceux de l'école étaient possibles, qu'un autre frôlement de la vie était à notre portée, qu'un dédain de la mort pouvait suffire à être au monde. Hier soir, en apprenant la disparition de Bernard Noël, à 90 ans, j'ai repris ses livres dans ma bibliothèque en désordre, murmuré à nouveau Les Premiers mots, psalmodié des bribes de Messe blanche, réinvesti ce Château de Cène que les bulldozers de la "sensure" n'ont pas entamé... J'ai retrouvé sur des enveloppes jaunies qu'on ouvrait en tremblant cette fine écriture si attentive, si fraternelle. J'ai songé à ce plateau de l'Aubrac parcouru en cherchant au bout d'un chemin au bord de l'Argence, la ferme natale de Sainte Geneviève. Je me suis remémoré ces brèves rencontres ici ou là, à table à Lyon avec Charles Juliet, dans une galerie à Paris ou ailleurs, à la Bibliothèque de Grenoble... Bernard Noël, visage mi-clown blanc mi-Cocteau, avait une voix étrangement apaisée. Les syllabes qui s'en détachaient avaient la fragilité des yeux et l'inentamable des pierres : "on va aux murailles / noircir la pupille des mots". D.P.
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(Sur les photos : Bernard Noël lors du "Printemps du livre" de Grenoble en 2014, entouré notamment de Thierry Guichard, le directeur du Matricule des anges et de Sylvie Fabre G. dont Bernard aimait l'écriture). © D.P.
Bernard Noël, les derniers mots
Bernard Noël, les derniers mots
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8 mars 2021 1 08 /03 /mars /2021 14:25
En ce 8 mars, "Journée de...", ce poème pour une
Femme en vert sur la plage
Un matin de juillet à Kusadasi,
une femme en paréo vert est venue sur la plage
et tournée vers la mer immobile et quasi
semblable à une statue de sel,
elle a regardé longtemps le large,
l'île bleue de Samos, l'écume des nageurs.
Que pouvait bien ainsi scruter celle
dont je ne savais ni la nature des yeux
cachés derrière des lunettes noires,
ni le motif de sa simple détresse
qui fit d'elle pour moi ce matin de juillet
non pas une déesse venue à pied d'Ephèse
mais une femme belle d'être énigme à jamais?
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(In anthologie de Jean Orizet, La Poésie française contemporaine, Le Cherche Midi, 2004).
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5 décembre 2020 6 05 /12 /décembre /2020 11:59

Michel Deguy, l'auteur de Biefs (Gallimard, 1966), de Donnant, donnant (id., 1981) ou encore du Comité (Champ Vallon, 1988), vient d'obtenir le Prix Goncourt de la Poésie (rebaptisé Goncourt de la Poésie/Robert Sabatier). Sur la vidéo ci-jointe, on le voit - et l'entend - lire un tout récent poème intitulé "Coronation" (et initialement publié dans sa revue Po&sie).

 

« “Le coronavirus”… déjà un hémistiche !
              L’épigramme peut cadencer !

La contamination descend des Contamines
               Tes confins mes confins se confinent
Mais nos confins débordent le confinement
               Nousnous se contamine
J’entends l’économie décroître dans les bourses […] »

Dix millions de Chinois auront perdu la face
Masques et vidéos se toisent en chiens de faciès

Le gros Trump a tweeté
               “No virus in the States”
Poutine a remis Dieu dans la constitution
Marine avec sa clé rouillée
               Verrouille les frontières
Son compère Boris en bouffon Victoria
               Repeint sa City en Singapour sur Tamise » 

 

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13 novembre 2020 5 13 /11 /novembre /2020 19:09

Toute une génération de poètes s'en va doucement. Il y a quelques jours, c'était Pierre Oster (6 mars 1933 - 22 octobre 2020) qui nous faussait compagnie. Et ce soir on apprend la disparition de Jude Stéfan, à 90 ans. Oui, toute une génération, celle qui aura tant compté pour quelques-uns d'entre nous dont je suis. À ma tristesse s'ajoute le constat que nulle part ou presque, dans notre société qui déteste la poésie, on ne salue ces grands écrivains. Bah! Jude Stéfan ne s'en serait pas étonné, lui qui écrivit ces vers dans son tout premier recueil, Cyprès ("Le Chemin", Gallimard, 1967) :

 

Il suffit du trépas d'un singe / savant pour apitoyer la société / ayant revêtu son habit de gala / gisant sur un lit d'auberge / n'ayant pu résister moribond / à l'extrême élan de son cœur : / se donner en spectacle / à un groupe de misère / sous un préau délabré. / Ainsi le poète du Médiocre / obscur en son temps / un jour est étendu au sol / ayant perdu son être / il entend chanter / les anges du Néant. / (La mort du poète)

 

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9 décembre 2019 1 09 /12 /décembre /2019 19:02
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond
Photos D.P. et Marik Froidefond

Photos D.P. et Marik Froidefond

Dans la continuité de l'annonce du lauréat 2019 du prix Roger-Kowalski / Grand prix de poésie de la Ville de Lyon (attribué à James Sacré pour Figures de silences chez Tarabuste), un bel et fervent hommage à François Montmaneix, fondateur du prix disparu un an plus tôt, s'est déroulé sous forme de "veillée", mercredi dernier, 4 décembre, à la galerie Mandon, rue Vaubecour, dans le 2e arrondissement de la capitale des Gaules. Beaucoup d'émotions lors des évocations, témoignages et lectures de Jean-Louis Mandon (dont la galerie fut trop petite), Jean-Yves Debreuille (auteur de Laisser ouvert - Lire François Montmaneix, La Rumeur libre, 2019), Roger-Yves Roche, Marik Froidefond, Didier Pobel, Béatrice de Jurquet, Roland Cuer (qui connaissait les poèmes par cœur), Claude Burgelin, Gabriel Vartore, Michel Ménaché, Guillaume Dreidemie... Sans oublier, point d'orgue de la soirée, Isabelle Montmaneix, très touchée comme on l'imagine, qui a ajouté à ces voix plusieurs textes inédits de François. Tout cela dans le magnifique environnement pictural des "Œuvres sur papier" (Horizons, nuages, marées, paysages mentaux à peine esquissés...) de Richard Hadorn. D.P.

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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