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9 août 2012 4 09 /08 /août /2012 22:01

   Heureusement, vraiment, qu'il y à Londres. Son effervescence, ses cocoricos, ses directs à la télé. Oui, heureusement qu'il y a les Jeux et ce tintinnabulement de médailles à nos oreilles qui nous rappelle Montand réveillant son maître dans La Folie des grandeurs: "Il est l'or, mon seignor!"  Mais dans quelques jours, finie la comédie, c'en sera fini de la grande fête british qui tout à la fois nous euphorise et nous anesthésie et il nous faudra redescendre sur Terre.

   Un ici-bas qui - qu'on nous pardonne l'expression - fait obstinément du sur-place. En Syrie, bien sûr, où le pire paraît désormais routinier. Mais en France aussi. Pendant que nos esprits se divertissent outre-Manche, une visiteuse s'est introduite en douce chez nous. Ou du moins a-t-elle envoyé ses émissaires pour préparer le terrain. Cette intruse s'appelle la récession et on la sait rôder dans la banlieue interlope de notre économie, traînant sa valise (vide) de vieux cuir cabossé, comme le plus louche des personnages de Modiano.
   Pas facile à expulser, celle-là. Pas comme les Roms. Parce qu'enfin, s'il a une autre ombre à notre été, c'est bien celle-là. On se frotte les yeux. On croit rêver. Ou cauchemarder. Sommes-nous encore en 2010 au temps détestable du "Discours de Grenoble" ou sommes-nous en 2012? Avouons que, face à ces démantèlements de camps et ces envols de charters, on ne sait plus trop. Non pas que l'angélisme soit en pareil contexte l'attitude qui convient, ça on l'a bien compris, mais tout de même... On a le sentiment qu'à quelques nuances près, "les choses" recommencent. Les opérations médiatisées. La vision à court terme. Bref, le malaise.
   Rassurez-nous, dites-nous que ce n'est qu'une impression. Qu'on a été victimes d'une hallucination. Ou d'un assoupissement. Réveillez-nous, réveillez-nous. "Il est l'or, mon seignor!" D.P.    
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8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 21:40

   Mais où était-il donc passé? On le disait au Cap Nègre. On croyait l'avoir vu à Marrakech. Bref, il était ici. Ou ailleurs. Autant dire nulle part. A la trappe Sarkozy!, comme au pays d'Ubu Roi. Après tout, c'est la dure loi de l'alternance. Et puis voilà que, tout à trac, au coeur d'un été français de quasi récession, il resurgit. Pas en personne, mais en parole. Pour causer de quoi? Mais de la Syrie, pardi!

   Eh oui, l'ex-président de la République a réclamé ce mercredi une "action rapide de la communauté internationale". Rien de moins. Sous-entendu: il faudrait qu'il se bouge un peu, le Corrézien qui se plaît à prendre des bains de foule du côté de Brégançon. Un sous-entendu que les fidèles Thierry Mariani ou Nadine Morano ont  immédiatement traduit en langage des petites phrases du mois d'août pour dénoncer un "président normal qui prend des vacances pendant qu'on massacre à Alep". Et de rappeler qu'en 2008, le chevalier blanc de l'Elysée avait, tout seul sur sa monture de plans com', arrêté la guerre en Géorgie.

   François Hollande, heureusement, n'a ni cette prétention, ni cette vanité. C'est son style qui, on l'aura compris, est aux antipodes de l'autre. Le drame syrien ne s'accommode pas de quelque attitude gesticulatoire, fût-ce au creux le plus profond de l'actualité. Le sursaut de Nicolas Sarkozy entendait prouver que le vaincu du 6 mai bougeait encore. Elle a précisément montré l'inverse. Que la sagesse passe aussi parfois dans l'humble silence d'une trève estivale sans esbroufe. D.P.

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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 21:24

         Bon, promis, on ne va pas passer ce qui reste d'été avec ce robot qui aurait pu être nommé "Désir". N'empêche, elle ne pouvait que nous intriguer cette histoire de fous volants modernes avec leur drôle de machine. Pas étonnant si l'attraction martienne a si bien su rivaliser avec le show olympique londonien. Par sa prouesse spaciale, certes, mais pas seulement. Ce qu'il y avait de plus fascinant encore, c'était l'aspect paradoxalement rudimentaire du fleuron technologique.

   Sacré engin, en effet, que celui qu'on a vu cahoter ce lundi matin sur un arpent de "planète rouge". Il tenait tout à la fois de l'insecte mutant, genre cancrelat kafkaïen, du scraper de chantier de sf et même, avec un brin d'imagination agricole, de la moissonneuse-batteuse. Mais avouons-le, là où on a été le plus émus, ce fut lorsque le spectre boulonné nous a renvoyés à nos "Meccanos"  d'autrefois. Il fallait au moins une boîte numéro 10 pour assembler "Curiosity"...
   Merci aux ingénieurs qui l'ont mis au point de nous avoir incidemment fait frôler, dans l'orageuse torpeur aoûtienne, la plus inaccessible des planètes. Celle de l'enfance envolée dont aucune caméra savante ne restituera jamais l'exacte isotopie. D.P
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5 août 2012 7 05 /08 /août /2012 23:03

Vue d'artiste de la manœuvre d’atterrissage que Curiosity doit accomplir lundi matin, suspendu sous une grue maintenue au-dessus du sol par des rétrofusées.   Qu'est-ce qu'on va lui décerner à "Curiosity"  s'il réussit sa performance? Ben tiens, une médaille d'or! C'est tendance et ce sera amplement mérité. "Curiosity"  n'est pourtant pas un athlète comme les autres. S'il est rapide et costaud lui aussi, il n'a pas l'humour de la "fusée"  jamaïcaine qui a époustouflé Londres hier soir. Faut lui pardonner: "Curiosity"  n'est qu'un robot. Mais attention, il entend bien, à sa manière, atteindre la plus haute marche du podium.

   Un podium un peu particulier puisque pour lui, ce sera Mars. Il devrait s'y poser ce lundi matin tôt avec tout son matos au sein duquel on trouve des appareils français hyper-pointus mis au point à Toulouse. Inutile de préciser que la Ville rose a déjà l'oeil tourné vers la "planète rouge".
   Et à quoi ça sert, cette petite balade dans l'espace, me direz-vous? Tout simplement à mener une exploration historique. Et peut-être, qui sait, à envoyer bientôt un homme là-bas. Je ne sais pas s'il y a des volontaires, mais qu'on me permette une suggestion. Usain Bolt ferait parfaitement l'affaire. A la vitesse où il va, il blufferait même la Nasa. Il ne lui reste plus qu'à passer du 100 mètres au 248 millions de kilomètres. Allez, encore un effort, Usain! D.P.
 

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28 juillet 2012 6 28 /07 /juillet /2012 21:51

       C'est toujours pareil, à la très médiatique intersection de juillet et d'août, il n'est question que de week-end noir, de chassé-croisé géant, de bronzés et de visages pâles qui se toisent sous l'oeil vigilant d'un Bison Futé un peu moins tendance qu'autrefois, il est vrai. Mais une double cohorte peut en chasser une autre. Celle des Français qui, eux, ne partent pas. Pour cause de chômage, de crise, de solitude, sinon les trois à la fois.

   S'ils représentaient 35% de la population en 1995, leur taux atteint aujourd'hui  42%, à en croire le dernier chiffre du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie. Et, foi de Credoc, ça en fait du monde, 42%! Fermons les yeux un instant et imaginons le fantomatique ruban que dessine leur absence sur les routes qu'ils n'empruntent pas. Baissons la radio et écoutons le silence que font leurs enfants qui ne demandent pas si on arrive bientôt ; si on va la voir enfin, la mer ; si c'est encore loin le bonheur estival, fût-il réduit à ces instants d'insouciance où l'on a le fugace sentiment juvénile de ressembler aux autres.

   Ceux qui ne partent pas en vacances forment aussi des bouchons. Pas aux péages, non, mais dans la conscience de notre société en panne aux bords des itinéraires bis où s'échoue le trafic las de nos pauvres désirs d'évasion. D.P.  

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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 23:33

Londres-132.jpg   C'est bien, des Jeux à la fin juillet. Un calendrier idéal. Le Tour de France est terminé. Les Festivals sont plus qu'entamés. Ouf, la relève est assurée. Pas de risques de somnolence dans les gîtes ou les campings enfin écrasés de soleil. Les postes de télévision des vacanciers vont se mettre à l'heure anglaise jusqu'au 12 août.

   On vibrera aux performances des athlètes, bien sûr. Mais il n'y a pas que les médailles dans la vie, il y a aussi les revers. Et gageons que cette XXXe Olympiade de l'ère moderne ne manquera pas de coups de Trafalgar. Le budget de la manifestation, le dopage, l'attitude de Lakshim Mittal... Tout y passe déjà et tout y passera. Au pays de Pierre Coubertin - comme ailleurs, ne rêvons pas -, nous somme tous à notre manière des champions de la polémique.

   Cela dit, il y a tout de même, dans cette histoire, un facteur qui doit nous réconcilier. Lequel? Mais Londres, pardi! Plus q'une ville, un mythe. Nous reviennent déjà en mémoire des souvenirs de séjours linguistiques, des baisers volés comme dans A nous les petites Anglaises, des parfums de fish & chips, un riff des Stones, les Beatles traversant Abbey Road en file indienne, une page de Dickens jadis connue par coeur...

   Mais oui, que ces deux semaines frappées du drapeau Union Jack servent aussi à ça. A nous faire voyager. Dans l'espace et le temps. La nostalgie n'est pas encore une discipline olympique, mais au train où vont les choses ça ne devrait pas tarder. D.P.

 

Photo D.P.

 

 

 

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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 21:29
    "Messieurs et chers administrés..." Du temps d'Alphonse Daudet déjà, le sous-préfet ne paraissait pas particulièrement menacé de burn-out. Il méditait longuement sur le discours qu'il devait prononcer devant les habitants de la Combe-aux-Fées, les yeux posés sur sa "grande serviette en chagrin gaufré"  calée sur ses genoux. Certes, les choses ont bien changé. Les fauvettes ne s'arrêtent plus de chanter lorsque l'anachronique représentant de l'Etat se déplace. Pas plus que la Muse des Comices agricoles ne le salue. Le sous-préfet d'aujourd'hui est un homme pressé, inscrit sur Facebook, et qui tweete.
   Reste une vraie question. Est-il plus utile que le flâneur bucolique des Lettres de mon moulin? Aiguillonné par la Cour des comptes, le nouveau gouvernement, en quête d'économies tous azimuts, semble avoir tranché. Ce n'est pas le personnage en soi, bien sûr, qui est en cause mais la fonction qu'il assume. Pas question sans doute pour Manuel Vals de supprimer les 242 figures de proue des arrondissements français mais quelques-unes - voire davantage - pourraient bien passer à la trappe, à condition bien sûr que cela se fasse "avec intelligence, écoute et discernement".
   Sauf qu'il n'est pas si simple de toucher à ce qui ressort tout à la fois de l'imagerie d'Epinal et de l'ethnologie rurale. La droite dénonce une atteinte aux services publics de proximité. Les Républicains intransigeants déplorent un couperet brandi à la veille du 14-Juillet. Les nostagiques de la communale d'antan se demandent pour qui ils ânnoneront bientôt la liste des chefs-lieux concernés. Bref, seul l'immortel héros de Daudet jubile. Il va enfin pouvoir, sans scrupule aucun, retourner faire des vers. "Messieurs et chers administrés..." D.P.  
 
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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 21:14

  Fallait-il? Fallait-il diffuser, comme TF1 l'a fait dimanche soir dans son émission 7 à 8, une large partie des conversations que Mohamed Merah a eues avec les policiers du Raid? Non, bien sûr. Cette apologie de la violence et de la mort ne relève que d'un abominable délire destructeur.
  Fallait-il? Fallait-il que ce lundi, pour mieux vilipender (?) les propos du tueur de Toulouse, tous les JT de France les reproduisent en boucle? Avouons que nous sommes saisis d'effroi face à tant d'hypocrisie.
  Fallait-il? Fallait-il que les sentences du sanguinaire émule d'al-Qaïda s'inscrivent sur les écrans en caractères gras comme les citations d'un philosophe à la mode avec, au-dessous, en lettres soulignées, le nom de leur "auteur"?
  Non, dix fois non. Cette polémique de l'été débutant nous plonge une fois de plus au coeur même du paradoxe de notre société de l'image à outrance où l'on ne croit pouvoir dénoncer ce qui a été montré qu'en le montrant à nouveau, fût-ce sous le sceau illusoire de la mise à l'index et de la mine effarouchée.
  Une "vision"  de cette nature ne se "conjugue"  jamais au négatif. N'oublions pas que, quand bien même elle paraît désigner l'innommable, elle reste pour certains incitatrice. Les rushes du "Merah show"  ne sont pas seulement insupportables pour la douleur qu'ils réactivent au sein des familles de victimes. Ils le se sont d'abord par les rémanences "justificatives"  dont ils sont, qu'on le veuille ou non, imprégnés.
   Fallait-il? Non, non et non. Cent fois non, mille fois non. Il ne fallait pas brader ce qui nous reste de conscience et d'humanisme pour les trois sous d'audience du pire "terrorisme-spectacle" raccoleur. D.P. 

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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 21:49

   Comment ne pas y voir un signe des temps? En ce début de vacances estivales, ce n'est pas sur les routes que la paralysie s'est manifestée, ni même dans les gares ou dans les aéroports, mais sur le grand réseau de la téléphonie mobile. En lieu et place du traditionnel bouchon géant de circonstance, la journée de vendredi aura en effet été marquée par le gigantesque bug  d'un célèbre opérateur au nom d'agrume méditerranéen. Le trou noir, le vide, le manque pour quelque vingt-six millions d'abonnés qui, tout à coup, ne pouvaient plus demander "T'es où?"  à un correspondant inatteignable. Un vrai calvaire pour tous ceux qui, douze heures durant, sont restés sans voix. On les a vus ce dimanche à télévision exprimer leur désarroi: "C'était vraiment la galère!"  Le mot "enfer"  n'a pas été prononcé mais sans doute, dans les esprits, n'en étions-nous pas très loin.
   Les responsables, eux, sont penauds. "C'est une panne aussi exceptionnelle qu'imprévisible"  ont-ils déploré face à un gouvernement qui demande des comptes. En "toile"  (!) de fond de l'Affaire d'Etat, place maintenant à la question des indemnisations. Certaines "victimes" se verront offrir une place de cinéma, d'autres vingt-quatre heures de communications à l'oeil. Les plus chanceux (?) auront carrément droit à un gigaoctet gratuit. De quoi faire rêver...

   Au-delà de la fragilité technologique de notre monde moderne ainsi exacerbée, ce  décrochage "historique" a au moins un mérite: celui de nous rappeler à quel point nous autres humains sommes dépendants d'un univers que nous maîtrisons à merveille jusqu'au moment où... il nous échappe. Que cette journée Orange marquée de noir nous incite à la modestie. Sinon à la grande vertu des plages de silence par-dessus le gazouillis de nos vies tout à la fois magiques et tributaires d'une petite boîte. Et d'un forfait existentiel. D.P. 

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 22:26

  Pas de quotidiens nationaux ou régionaux chez votre marchand de journaux ce jeudiUne journée sans journaux (*), on nous a prévenus. Une journée sans froissements de papier mêlés à l'odeur du café matinal. Sans taches d'encre sur les doigts. Une journée sans paroles, sans images, sans messages? Mais non: depuis longtemps déjà se sont partiellement substitués à l'invention de Théophraste Renaudot une multitude d'autres "médias". Celui-ci en est un. Parmi d'autres.
   Marqueurs d'une époque en déclin, les journaux ne vont pas très bien. Pour la première fois depuis peu, le Financial Times et le New York Times ont vu leur nombre d'abonnés à la version web dépasser celui du support traditionnel. Par les temps de crise économique qu'on court, la transition généralisée paraît inéluctable, même si nul ne se risque à évaluer avec précision un délai. 

   N'empêche, imaginer une "presse"  sans rotos, sans gros titres, sans kiosques relève encore de la science-fiction. Les jours de grève, il n'y a même pas besoin de fermer les yeux pour se projeter dans cet univers. Et pour mesurer le vide, quelle que soit la puissance des succédanés du moment.
   Ah! comme elles nous manquent, ce jeudi matin, les manchettes sur la découverte du boson de Higgs, sur la polémique au sujet des éthylotests pour les tracteurs ou sur le gisement de bouteilles de vin cachées pendant la guerre au pied d'un arbre alsacien que la tempête vient de déraciner.
   Ne l'oublions pas, au risque de passer un pacte avec une certaine forme d'enténèbrement: dans "journal", il y a "jour".  D.P.     

 

(*) Note du 5 juillet: je suis allé un peu vite en besogne en rédigeant ce billet hier soir. Tous les journaux ne sont pas absents des kiosques. Quelques titres régionaux - dont Le Dauphiné Libéré - sont bien là. Bonne nouvelle, évidemment.   

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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