Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 22:19

    "Débranche!", comme chantait France Gall. Au moment où chacun prétend faire la lumière sur tout, Delphine Batho prône l'extinction des feux. Gonflée, la ministre! Certes, ce n'est pas la première fois qu'un membre du gouvernement entend faire ainsi des économies d'énergie. Depuis le 1er juillet dernier, un décret de Nathalie Kosciusko-Morizet contraint déjà les villes de moins de 800.000 habitants à renoncer à leurs publicités lumineuses la nuit. Mais Delphine Batho veut aller plus loin encore en ciblant notamment les vitrines des magasins et les bureaux. "Ma volonté est très claire" clame-t-elle sans sourire.

   Difficile, en fait, de lui donner tort tant le gaspillage est récurrent. Mais il est fort probable qu'un pareil défi à la veille des Fêtes scintillera aux yeux de beaucoup comme une provocation. Flamboiement et brillance font partie de nos vies quotidiennes. L'homme, ce drôle d'insecte mélancolique aux yeux pourtant si fragiles, a appris depuis longtemps à tenter de repousser le crépusculaire et ses dérivés. Tout voir à chaque instant, y compris le néant, est devenu la norme.

   Bon vent, madame Batho! Pas sûr que votre mesure soit aisée à appliquer. Mais bon, nous sommes quelques-uns à trouver cela très bien. Pourvu que, à l'heure où rôdent les ombres, il nous reste, sinon une clarté intérieure, du moins une lanterne pour lire. Par exemple, le superbe roman d'Antoine Choplin, qui était ce jeudi soir l'un des invités de "La Grande librairie".

   Le titre du roman de Choplin paru à La Fosse aux ours? La Nuit tombée. Allez, débranchons... D.P.  

Partager cet article
Repost0
27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 22:08

   Vous avez dit "sortie de crise"?  Drôle d'expression quand on y pense. Evidemment, c'en est bien une à sa manière puisque pour la première fois depuis dix jours, le psychodrame de l'UMP s'avance vers un possible dénouement. Mais, tout de même, ça fait bizarre d'entendre tout à coup parler, un peu partout, de "sortie de crise"...

   Parce que, l'autre, la grande, la vraie, on n'en voit pas le bout, loin s'en faut. Parce que, au moment où, précisément, on annonçait ce mardi soir la "sortie de crise"  Copé-Fillon, tombaient les nouveaux très mauvais chiffres du chômage. N'y aurait-il donc, alors, qu'on seul mot pour désigner un vaudeville politique et une déflagration mondiale? A croire, vraiment, que, côté vocabulaire, c'est aussi la crise. D.P.
 

Partager cet article
Repost0
26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 21:15

  Un de ces quatre c'est sûr, il va falloir tourner la page. Parce que, mine de rien, il se déroule tout de même des trucs pendant ce temps. Arnaud Montebourg s'énerve contre Mittal. Les tracteurs mènent la manif à Bruxelles. La Sacem donne ses prix à Catherine Ringer et à Camille. Mais bon, pour l'instant, reconnaissons que tout ça ne pèse pas lourd face au super immense grand sujet du moment. D'autant plus que ce lundi fut une journée importante. On a appris le nom du président du premier parti d'opposition. Si, si. Et c'est qui? Eh bien, c'est... le même que la semaine dernière. Sauf que ce serait trop beau si cet épilogue en était un.

   F.F., l'ennemi de J.-F.C., reste farouchement opposé à ce nouveau décompte et dénonce un "coup de force". Bref, sale histoire dont nul ne semble pouvoir se défaire. Même Nicolas Sarkozy, qui a tenté de s'immiscer retour de Shanghai, a peur que l'affaire lui colle aux basques. Ce feuilleton-là n'est plus seulement la patate chaude de la droite, c'est carrément devenu le sparadrap du capitaine Haddock de notre actu.

   Qui, dites, nous débarrassera enfin de l'encombrant et très gluant chewing-gUMP? D.P. 

Partager cet article
Repost0
25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 20:50

 

   Aucun scénariste, aussi imaginatif soit-il, n'aurait pu concevoir un feuilleton comme celui qu'est en train de vivre l'UMP et, au-delà, de gré ou de force, la France entière. Alors que tout semblait presque écrit au préalable, nous sommes parvenus à un point où plus le temps avance, plus la situation s'enfonce dans la confusion et le rocambolesque. Et ainsi donc l'un des plus navrants spectacles de l'histoire politique entame allégrement - si l'on ose dire - une deuxième semaine encore plus riche en promesses d'imbroglios que la précédente.
   Nul n'était à même d'envisager qu'avec une "accroche"  aussi minimaliste que celle qui opposait les deux acteurs principaux, les épisodes puissent s'enchaîner à ce rythme. C'était sans compter avec ce que l'on pourrait appeler les personnages secondaires, ressorts malgré eux de l'absurde dramaturgie. Après le sourire pincé de Patrice Gélard, président de la commission de contrôle des opérations électorales aux allures de VRP de province ("Avez-vous goûté à ma Cocoe?"), c'est Alain Juppé qui a capté toute la lumière ce dimanche. Véritable star annexe de l'affaire, ses faits et gestes ont été scrutés à la loupe et on l'a même vu pourchassé en voiture par la presse comme un nouveau chef d'Etat une nuit de second tour. Jusqu'à ce qu'il jette l'éponge. "Les conditions de ma médiation ne sont pas réunies". Et toc!

   Point final? Mais non. Plus question désormais de minimiser les ressources des très bouffons duettistes du premier parti de l'opposition. Stan Copé et Oliver Fillon se prennent à coup sûr pour des grandes figures burlesques. Ils n'ont, hélas, ni la prestance, ni le talent des deux compères d'En plein méli-mélo. D.P.   

Partager cet article
Repost0
21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 22:07

  Vous avez aimé Les élections à l'UMP 1? Vous raffolerez des Elections à l'UMP 2. A peine le premier épisode semblait-il (laborieusement) clos que le second a déferlé. Encore plus acadabrantesque que le premier. En cause: 1304 voix qui auraient été oubliées dans trois fédérations d'Outre-Mer. Grâce à elles, François Fillon, le perdant du lundi, deviendrait alors le potentiel président qu'il dit pourtant ne plus vouloir être. Un litige que conteste non seulement François Copé mais aussi Patrice Gélard, le désormais célèbre patron de la non moins très tendance commission de contrôle répondant à l'exotique abréviation de Cocoe.
   Bref, autant dire qu'on en est revenu au point de départ. Avec, à l'évidence, un surplus d'absurde et de ridicule qui frappe de plein fouet la droite la plus piètre du monde. Sollicité pour une médiation salvatrice, Alain Juppé, pour autant qu'il accepterait ce rôle, aurait fort à faire pour tirer d'une lamentable mascarade à répétition l'image restaurée d'un parti droit dans ses votes.

   En attendant, on aura assisté ce mercredi soir à la guerre des "20 heures", TF1 et France 2 ayant chacun son invité de la bande de l'UMP, présences croisées reléguant au second plan la trêve à Gaza. Comment en sortir? Certains en appellent désormais à l'arbitrage de l'ancien chef d'Etat, c'est dire si la situation est grave. Un Sarkozy qui reçoit sans doute comme du pain bénit cette attention qu'on lui porte à l'heure où la justice le rattrape dans l'affaire Bettencourt.

   La solution? Ce serait peut-être carrément de réorganiser le scrutin. L'hypothèse est envisagée. Vous avez aimé Les élections à l'UMP 1 et 2? Soyez-en sûrs, vous vous délecterez des Elections à l'UMP 3. D.P.

Partager cet article
Repost0
20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 20:38

     Mais que se passe-t-il donc? Lassitude? Résignation? Je-m'en-foutisme? Toujours est-il que cette nouvelle perte de notre triple A n'a pas l'impact de la précédente. Lors de la première sanction, prononcée au tout début de l'année par Standar & Poor's, le traumatisme, on s'en souvient, fut aussi contagieux que ravageur. Rien qu'à prononcer la fatidique voyelle, un communicatif désarroi mêlé de honte nous saisissait.

   Or, il faut bien l'admettre: dix mois plus tard, l'analogue verdict d'une seconde agence, Moody's, tombé, il est vrai, en plein coeur du psychodrame de l'UMP, nous laisse au mieux indifférents, au pire perplexes. Le bon peuple s'en tape et, plus éloquent encore, la bourse s'en bat la corbeille. Seuls nos responsables politiques ont bien dû commenter l'information. Les uns, à gauche, en accusant leurs prédécesseurs ; les autres, dans l'opposition, en pourfendant davantage encore les réformes annoncées. 

   Même si l'affolement généralisé n'est sans doute pas de rigueur, reconnaissons qu'il y a pourtant bel et bien un danger dans cette espèce d'Accoutumance aux alertes. Celui qui consiste à minimiser les preuves réitérées de notre vulnérabilité nationale. C'est en matière de crise comme dans la fable. A force d'entendre crier au A, on risque tout simplement d'oublier de se méfier du loup. D.P.  

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 22:11

     On l'attendait dimanche soir. On l'attendait hier matin à l'heure du premier pain au chocolat. On l'a attendu tout au long de ce lundi de psychodrame à droite. Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir? Non, on ne voyait rien venir. Sinon, la confusion, sinon l'imbroglio, sinon le chaos au sein du premier parti d'opposition. Et puis voilà que, soudain, sur le coup des 22h40, ça y est, c'était fait. L'UMP avait, ouf!, un président.

   Un président ou, du moins, quelque chose qui y ressemble. Car enfin quoi, de quelle légitimité peut se prévaloir l'homme qui a finalement été désigné - on n'ose pas dire "élu" - avec une avance de 98 petites voix et, surtout, au terme d'un tel micmac que le "rescapé"  ne semble devoir son "privilège"  qu'à la Cocoe et à son patron, Patrice Gélard, vedette inattendue de la soirée?

   Ainsi jouée sur le fil et entachée de pitoyables gesticulations et de soupçons d'irrégularités, la victoire à l'arraché de Jean-François Copé pose assurément plus de questions qu'elle n'en résoud. Non, s'il y a de vrais gagnants dans cette "affaire", il faut les chercher ailleurs, que ce soit du côté de François Hollande, de Nicolas Sarkozy ou de Marine Le Pen.

  Quoi qu'il en soit au terme - provisoire, même si François Fillon ne va pas jusqu'au recours - de la mascarade, le bilan est lourd. Avec un bateau à deux capitaines ennemis touché de plein fouet. Avec une UMP qui reste plus que jamais à écoper, si tant est qu'elle ne soit pas déjà coulée.  D.P.  
 

Partager cet article
Repost0
18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 22:41

       Sacrée soirée ce dimanche, comme dirait l'autre! Alors que le suspense de l'élection du nouveau patron de l'UMP était à son comble, la dépêche est tombée, sans ménagement aucun pour nous autres, pauvres auditeurs/téléspectateurs/internautes & Cie. Selon des premiers résultats très serrés, Arnaud Montebourg et Audrey Pulvar se séparent. Cette dernière, qui a elle même avisé l'AFP par SMS, a également mis en garde. Elle poursuivra quiconque s'aviserait de commenter sa vie privée et celle de ses proches. Ben voyons!
   On n'ira pas jusqu'à dire que l'annonce de ce "redressement affectif"  a perturbé la longue attente au pied des urnes du premier parti d'opposition. Mais tout de même, il y avait quelque chose d'étrange, sur les chaînes d'info continue notamment, à lire au-dessous des images de l'interminable décompte des voix, le "faire part intimiste" concernant la journaliste et son "inrockuptible"  (ex)-compagnon en marinière.

   Une fois de plus, l'actualité politique la plus sérieuse s'offrait donc ainsi des échappées du côté de Feydeau. On n'a pas oublié que c'est en plein coeur de la soirée du second tour des législatives de juin 2007 que Ségolène Royal avait cru bon de confier à la France entière qu'elle n'était plus en couple avec François Hollande.

   Rassurons-nous, François Fillon et Jean-François Copé ne sont pas allés jusqu'à commenter la rupture Pulvar-Montebourg. Il faut dire qu'ils avaient bien assez à faire de leur côté. Plus les heures passaient et plus la tension montait, à coup d'intox dans chaque camp et de soupçons d'irrégularités.

   A l'UMP aussi, ce dimanche soir, il y avait, plus que jamais, au-delà du fiévreux coude-à-coude, du divorce dans l'air... D.P.  

Partager cet article
Repost0
15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 22:10

   Oh! évidemment, c'est trois fois rien. Juste une histoire de "r"  et de "u"  baladeurs. Deux lettres qui se sont vaguement bousculées dans la bouche d'un Français s'exprimant ce jeudi à Berlin dans la langue de Goethe et d'Angela Merkel. Sauf que, manque de bol, le lapsus a eu lieu lors d'un colloque officiel. Et que, pire encore, l'homme qui l'a commis s'appelle Jean-Marc Ayrault et qu'il était, avant d'être Premier ministre, professeur d'allemand.

   Attention, on ne doutera pas un instant de ses capacités dans cette discipline - même au-delà du Rhin, on confond parfois, paraît-il, "fruchbar" (fructueux) et "furchtbar" (effroyable) - mais avouons tout de même qu'avec notre chef du gouvernement - à cause de l'émotion, sans doute -, c'est un peu bévue sans frontières.
   On se gardera bien, toutefois, d'en faire tout un plat (de choucroûte ou d'autre chose). Si le "dialogue" ("Austausch") entre nos deux pays a à souffrir, ce ne sera pas à cause de cela. D'ailleurs, aux dernières nouvelles, les relations vont plutôt mieux. Danke schön, Jean-Marc Ayrault! Et puis, après tout, quoi de plus humain qu'un tout petit lapsus?

   Ah! comme on aimerait qu'entre Irael et Gaza, il n'y ait qu'un différent de cette nature... D.P.

Partager cet article
Repost0
14 novembre 2012 3 14 /11 /novembre /2012 22:03
    Ah, hé, oh... L'actualité ne saurait donc être que ça, une suite d'exclamations? Exclamation d'effroi, d'abord, ce mercredi soir, à Ajaccio, après l'assassinat, dans son magasin, de Jacques Blacer, le président de la CCI de Corse du Sud. Un nouvel acte de violence insoutenable dans cette île que nous aimons.
    Exclamation d'étonnement aussi, dans un tout autre domaine, avec le rebondissement de l'incroyable affaire d'adultère qui a couté son poste au patron de la CIA, David Petraeus, et qui atteint désormais le chef de la coalition en Afghanistan.
   Exclamation de soulagement, par ailleurs - pour ses adeptes, en tout cas -, au lendemain de la première conférence de presse de François Hollande, plutôt réussie, aux dires des "observateurs".
   Ah, hé, oh... Le monde, décidément, est roman. Roman de mort et d'amour, roman noir d'aventures ou érotique... En obtenant il y a quelques heures, comme une espèce de lot de consolation,  le prix Interallié pour son livre "Oh..." (*), Philippe Djian a, en quelque sorte, mis un terme à la série des prix d'automne.
  Oui, le marathon (si court) s'achève. Avec son lot de satisfaits et de malheureux. Mais l'autre roman, celui de la vie, jalonné de tragédies et de psychodrames, eh bien, soyons sûrs, celui-là, il continue. Ah, hé, oh... D.P.
(*) Gallimard.
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
  • Contact

Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

Recherche