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16 mars 2018 5 16 /03 /mars /2018 21:09

"La poche des p'tits vieux". Elle est drôle cette expression. D'un autre temps, à coup sûr. Mots surannés qui nous ramènent à une France qu'on croyait disparue, facebookée, "enmêmetemptisée"... Et puis tout à coup elle a resurgi. C'était l'autre soir. "La poche des p'tits vieux", voilà ce qu'elle venait de murmurer Simone, appelons-là ainsi. Retraitée depuis quelques bonnes années déjà, elle regardait son "JT" favori (Elle, elle dit : "J'écoute les informations", mais qu'importe). Un "JT" qui montrait Emmanuel Macron lors de son voyage en Inde.

   Simone, elle, n'y est jamais allée, en Inde, et quand bien même, il n'y aurait eu personne pour la filmer. Mais ce n'est pas ça son problème. On vit très bien sans visiter le Taj Mahal, pense-t-elle. Et que le président s'y déplace en délégation officielle ou en couple, grand bien lui fasse. D'ailleurs, elle n'a rien contre lui. Elle aime sa jeunesse, son sourire, son énergie, elle aime qu'il ressemble au fils qu'elle aurait voulu avoir. Et puis, comme elle dit, "moi je trouve qu'il ne se débrouille pas si mal, même si je n'y connais pas grand-chose". Elle dit aussi : "Lui au moins, il fait bouger les choses".

   Et pourtant il y a eu cette formule qui lui est venue : "La poche des p'tits vieux". Parce que, là, tout à coup, en voyant le président, elle a pensé à cela. À ce sentiment qu'elle aurait sans doute souhaité taire, elle qui a fait de l'effacement un principe, elle qu'on n'a pas conditionnée à se plaindre ("moi je ne suis pas de cette génération-là", s'agace-t-elle souvent). Oui, elle a songé à cette chose qu'elle vit un peu comme une honte. Depuis le début de l'année, sa retraite a diminué (Elle ne dit pas "pension", elle dit "retraite"). Oh! pas un énorme manque à gagner mais juste assez pour qu'au fond d'elle elle se sente plus humiliée qu'apprauvrie. Alors, elle l'a dit, ou simplement murmuré mais bon, on a bien entendu : "Ça il n'aurait pas dû. Je n'aurais pas cru cela de lui, on ne fait pas la poche des p'tits vieux, moi on ne m'a pas appris ça". Elle a lâché ces mots comme ça, pour elle, pour rien. Pas de risque, d'ailleurs, que le président ("Jupiter qu'il se fait appeler, moi ça me fait rire, vous pensez", s'amuse-t-elle parfois) ne l'entende. Il était de l'autre côté de l'écran, loin là-bas au Taj Mahal, auprès de son épouse.

    Quelques jours plus tôt, munie d'un crayon et d'un papier, Simone s'était livrée à un petit calcul évocateur de ses lointaines années d'école. Je pose tant, je retire... Quelques larmes avaient perlé à ses paupières. Elle a alors pensé à ce mot qu'elle avait entendu quelques mois plus tôt dans la bouche de celui qu'elle a contribué ("un peu au hasard, je ne savais pas trop", se souvient-elle) à élire : le "ruissellement". Des explications souvent entendues lui sont également revenues : il va d'abord falloir faire un effort mais... Un "mais"? Simone a passé l'âge des "mais". Les "mais" c'est pour les jeunes. Le président ne manque jamais de préciser aussi que tout ce qui se passe, il l'avait annoncé. "Ah! c'est donc que je dois être dure d'oreille", ricane-t-elle doucement.

   Elle est comme ça, Simone. Elle a l'âge de ne pas se bercer d'illusions. Elle n'est plus une gamine depuis belle lurette."D'abord, elle paiera un peu puis elle sera gagnante plus tard". Plus tard, vraiment? Simone soupire. "La poche des p'tits vieux, c'est pas bien, il ne faut pas faire la poche des p'tits vieux". Voilà ce qu'elle lui dirait à Emmanuel Macron. Sauf qu'elle ne lui dira rien, évidemment. On n'apostrophe pas comme ça le président. Surtout quand on ne va pas au Taj Mahal. Surtout quand on est meurtrie. Meurtrie à cause d'une simple petite soustraction de dignité. Meurtrie par une infime dévaluation de reconnaissance.

   Non, Simone n'osera jamais dire au président : "Vous êtes bien gentil monsieur mais moi on m'a toujours dit que quand on est bien élevé, on ne fait pas les poches des p'tits vieux".

D.P.

 

 

 

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23 février 2018 5 23 /02 /février /2018 00:07
Un 23 février qui ne manquait pas de caractère(s)

  Cette année-là, le Pape Calixte III se préparait à être élu, François Villon jouait du surin au Quartier Latin et la peste rôdait aux portes de la Champagne. Mais quel temps faisait-il le 23 février, pile comme ce vendredi? Faisait-il doux, faisait-il froid? Un air sibérien menaçait-il, comme en ce moment, nos contrées? Allez savoir. Ce que l'on n'a pas oublié, en revanche, c'est l'événement qui eut lieu ce jour-là. Le 23 février de l'an de grâce 1455, naissait rien moins que le premier livre imprimé en Europe à l'aide de caractères mobiles en métal. 563 ans aujourd'hui, un fichu bail. Happy birthday la Bible de Gutenberg!

   Car c'est d'elle qu'il s'agit. 42 lignes par page. 180 exemplaires. Le Premier et le Second Testament (mieux que celui de Johnny, non?). Le début, en tout cas, d'une formidable avancée de la culture et de l'esprit. Ayons donc une pensée, en ce jour anniversaire, pour l'homme de Mayence, génial père de la typographie, cette invention, sans cesse menacée par des technologies dites plus modernes, mais qui a encore assurément, cerise sur le Didot, de très beaux jours devant elle. Une preuve parmi d'autres : on parle actuellement d'ouvrir les bibliothèques le soir et le dimanche. Ah! si tu voyais ça, Johannes, sûr que ça te ferait une drôle d'impression. D.P.

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12 février 2018 1 12 /02 /février /2018 22:54
Leg coup

   Bigre! La voilà désormais bien loin la si touchante union face au cercueil blanc du rocker. Souvenons-nous : la France entière avait été bouleversée par la dignité d'une famille éclatée que le chagrin semblait avoir à jamais scellée. Las! deux mois plus tard, la belle photo a jauni. Un peu comme si le héros s'était mué en salaud. Allons donc : un patriarche qui déshérite ses enfants au profit de sa dernière épouse, on n'aime pas ça tellement tellement.

   Avec la demande d'annulation du testament paternel par Laura jadis chantée sur un album, tous les regards sont à nouveau tournés vers le clan. Pas très glorieuse, sans doute, cette ultime péripétie. Mais reconnaissons au moins à l'ex-idole une habileté post-mortem à la hauteur de celle qui ne cessa de relancer sa carrière. Même là-bas, dans sa dernière coulisse à Saint-Barth, c'est encore lui le "taulier". Du pain bénit pour nous autres qui avions tous en nous quelque chose de flétri. Car enfin quoi, Balzac qui vient tout à coup à la rescousse des pages people orphelines, c'était inespéré. Et si, comme disait l'autre, ils n'iront pas hériter à la poste, Laura et David pourront toujours se consoler avec la postérité. Et la postérité, wouah! elle est terrible. D.P. 

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12 janvier 2018 5 12 /01 /janvier /2018 22:54
 "Macroniser", disait-il...
 "Macroniser", disait-il...
 "Macroniser", disait-il...

Petite question - on n'ose pas dire bagatelle - pour ce début d'année. Qui a inventé le néologisme "macroniser"? On croyait jusque-là savoir que la paternité en revenait à Bernard Pivot, lequel dans un tweet avant-coureur d'avril 2017, prêtait à ce verbe utilisé à la forme pronominale le sens de "se rallier au futur gagnant". Or, il n'en est rien. La récente actualité polémique liée au projet de publication des écrits antisémites de Louis-Ferdinand Céline, qui nous a conduit à  remettre le nez - pas sûr, du reste, que ce soit l'organe le plus adéquat - dans ces pages nauséeuses et suffocantes, nous a fait nous arrêter à la page 38 de Bagatelles pour un massacre dans la vieille édition "introuvable" de Denoël (1937).

   Que lit-on précisément à cet endroit? Ceci : "J'ai jamais monté sur l'estrade pour gueuler... [...] Non! Non! Non! J'ai jamais micronisé, macronisé dans les meetings!" Étonnant, non?, comme dirait l'autre. En tout cas, question innovation lexicale, Pivot est battu. Et à plates coutures. Quand l'édition critique paraîtra - car, si on a bien compris, Antoine Gallimard n'a finalement fait que suspendre son plan face au malaise - on en saura sans doute un peu plus sur ce terme célinien utilisé vraisemblablement ici dans l'acception de "s'offrir une tribune bien visible". Est-ce pour cela que le Premier ministre s'était déclaré plutôt favorable à cette exhumation? Bah! c'était peut-être tout simplement du fait de son inclinaison pour les... philippiques. D.P.

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16 décembre 2017 6 16 /12 /décembre /2017 22:09
Bon anniversaire, Macron 1er!

   Imaginons un instant que ce soit l'un de ses prédécesseurs qui ait opté pour ce lieu. Disons Nicolas Sarkozy ou, "pire" encore, François Hollande. Imaginons que pour célébrer leur anniversaire ils aient, comme Emmanuel Macron aujourd'hui, mis le cap sur Chambord. Pas besoin de faire un dessin, ça aurait à coup sûr fait du ramdam. Et cela quand bien même, à l'instar de l'actuel hôte jupitérien de l'Élysée, ils aient juré, la main sur le portefeuille, qu'ils payaient eux-mêmes, jusqu'aux derniers centimes, ce petit caprice aux inflexions monarchiques. Emmanuel Macron ne l'ignore pas. C'est peut-être même pour cela qu'il s'offre ce luxe. Pour démontrer bien haut qu'il n'est pas eux. Qu'il a tourné la page et imposé une manière d'immunité qui lui permet d'afficher des goûts royaux en ne suscitant guère que les sarcasmes les plus attendus.

   Difficile, en effet, de ne pas voir dans ce choix de fêter ses 40 ans sous les auspices du palais cher à François 1er, sinon un brin de provocation, du moins un sens revendiqué du défi. A fortioti lorsque, dans le même temps, il n'est pas question - pour n'évoquer que cela - du moindre coup de pouce en faveur du smic. Le chef de l'État, en famille, fait ce qu'il veut, rétorque-t-on dans son entourage. Certes, nul ne le contestera. Sauf que, s'il s'amuse ainsi à jouer sur les symboles les moins populaires, ce n'est sans doute pas sans arrière-pensée. Y a-t-il encore une force prête à s'offusquer dans la France "en marche"? Pour lui, c'est clair, il n'y en a plus. Plus de sursaut, plus de "fouquétisation"  en vue.

   Reste juste à savoir jusqu'où, même dans un climat plus serein que par le passé, on peut s'approprier les emblèmes ostentatoires du pouvoir. Le "président des riches"  est trop fin stratège pour ne pas savoir qu'il faut toujours rester vigilant avec les bougies. Même sur le plus beau des gâteaux, il suffit d'un instant d'inattention pour que, à défaut de carrément mettre le feu - on n'en est pas là -, elles n'en échauffent pas moins les esprits. D.P.

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8 décembre 2017 5 08 /12 /décembre /2017 23:03
La maladie orpheline

 Ce n'est pas qu'on voudrait gâcher la fête. Ni même, qu'on se rassure, jeter un froid sur cet inattendu 14-Juillet aux portes de l'hiver. L'émotion collective se respecte, si tant est que l'on ne soit pas touché nous aussi. Mais tout de même... La question est là, ce matin, sur beaucoup de lèvres : et si on en faisait un peu trop? Et si on poussait un peu loin le bouchon jubilo-lacrymal? Parce qu'enfin, quoi, le mont Valérien, les Champs-Elysées, les 500 bikers, l'église de la Madeleine, l'éloge funèbre de Macron, la tour Eiffel transformée en gigantesque ex-voto, les cars venus de province, la patrouille de France envisagée..., ce n'est plus seulement un défilé "populaire" pour saluer une rock star disparue, c'est un véritable Johnnython. Manque plus qu'un 36-37 pour faire monter la surenchère de toutes ces promesses de sons. Ah! si l'on pouvait guérir aussi cette maladie, de moins en moins rare, celle de la France orpheline. D.P.   

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18 novembre 2017 6 18 /11 /novembre /2017 23:36
Humphrey Bogart et son éternelle cigarette.

Humphrey Bogart et son éternelle cigarette.

Éteignez-moi cette cigarette que je ne saurais voir... Il y a trop de fumeurs au cinéma. Pas dans les salles, là il y a belle lurette qu'il n'y en a plus, mais dans les films. Ce n'est certes pas la première fois que la brûlante question revient sur le tapis de l'hygiénisme forcené du moment mais la dernière à tousser n'est autre qu'Agnès Buzyn, l'actuelle ministre de la Santé. Pour elle, c'en est trop. Toutes ces actrices et acteurs entourés d'un voile bleuâtre soufflent une très malsaine incitation au nez de notre belle jeunesse. Si l'on ne peut que partager son désir de voir le nombre de cancers diminuer, on reste néanmoins perplexes face à une telle détermination. Faut-il rappeler que le septième art, comme la littérature, relève de la fiction, domaine qui - c 'est même, jusqu'à preuve du contraire, sa spécificité - se démarque de ce qu'on appellera ici par commodité la vraie vie. On bannit la cigarette des tournages? OK, très bien, mais alors pourquoi ne pas interdire aussi les dépassements de vitesse en voitures dans les scènes de cascades, voire - car enfin quoi, ce n'est tout de même pas très moral - les meurtres dans les thrillers? Ah! si Bogard entend tout ça, sûr qu'il doit se retourner dans sa tombe en chassant l'éternel grain de tabac de sa lèvre du revers de son pouce.  D.P.

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23 septembre 2017 6 23 /09 /septembre /2017 22:29
Bruit de potes

   On ne devrait avoir qu'à se réjouir d'un premier dimanche d'automne comme celui-ci.  Avec juste ce qu'il faut de douceur pour se croire encore à la belle saison. L'insouciance serait à la portée de tous au débouché du sentier forestier au parfum de cèpes et de châtaignes. Oh!, certes, il y aurait bien quelques petites empoignades à l'heure du gigot familial. La faute à Mélenchon  qui ne rate jamais une saillie. Sauf que non, pas d'accord, "Méluche" c'est l'opposition et manquerait plus qu'il n'y en ait pas. Vous voyez un peu les arguments au lendemain d'un samedi de manif. Car oui, ça existe encore, les manifs.

   On serait donc là, comme ça, peu ou prou rassemblés malgré tout, en lorgnant chez les voisins, par-dessus la haie de l'Europe, un nouveau triomphe de Merkel, la patronne d'à côté. La vie pourrait être ainsi, simple et tranquille, comme dans un poème de Verlaine. Oui mais non, hélas. Car il y a eux. Les deux gugusses qui s'insultent et se provoquent. Les deux clowns pas blancs qui, à l'instar de Charlot dans Le Dictateur, font sautiller dans leurs mains belliqueuses la mappemonde en baudruche de leurs surenchères.

   Kim et Donald, Donald et Kim. Un "rocketman" contre un va-t-en guerre. Pas un pour racheter l'autre. L'un qui menace de "destruction totale"  le pays de l'autre. L'autre qui entend discipliner "par le feu le gâteux américain mentalement dérangé". À chaque jour son lot de bagarres niveau récré. Sauf que là, le préau est planétaire. Et que lorsque nous apprenons, comme hier, que l'US Air Force a envoyé des bombardiers près des côtes coréennes, on a pour le moins la trouille. On sait où peut mener le bruit de potes de ces deux frères ennemis.

    On voudrait bien ne pas y penser mais c'est là, dans nos esprits. Ça tourne comme une guêpe attardée un doux dimanche de septembre. Une guêpe ou frelon asiatique. Ou pire encore, saleté de bestiole!. D.P.

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2 septembre 2017 6 02 /09 /septembre /2017 21:52
Un petit visage sur une affiche

   Elle s'appelle Maëlys, à l'instar de l'auteur du roman Réparer les vivants. Mais elle, c'est une gosse de neuf ans. Et elle a mystérieusement disparu, comme ça, fuittt! Une semaine déjà. Une semaine de terrible incertitude pour la famille. Une semaine de mobilisation pour les enquêteurs et la population de Pont-de-Beauvoisin et des environs rassemblée hier le temps d'une "battue citoyenne" sous une froide pluie automnale qui n'a rien donné.

   Ce n'est pas, hélas, le premier fait divers du genre. Mais les circonstances de celui-ci, qui font cruellement se percuter la joie de la fête - l'enfant participait en effet, avec ses parents, à un repas de mariage dans la commune iséroise -  à la soudaine angoisse du drame, ne font qu'accroître l'émotion collective. Une fillette de neuf ans ne peut pas s'envoler comme ça. Où donc, bon sang, est passée celle qui, plutôt que d'être là figée sur les affiches murales ou dans les journaux, devrait juste, en cette veille de rentrée, préparer son cartable en récapitulant ses souvenirs de vacances à raconter lundi aux copines? D.P.

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19 août 2017 6 19 /08 /août /2017 10:19
Barcelone, Cambrils,17 août 2017...

"Parias la mort la terre et la hideur

De nos ennemis ont la couleur

Monotone de notre nuit

Nous en aurons raison".

 

Paul Éluard, La Victoire de Guernica.

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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