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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 21:33

 - A noter, ce rendez-vous, demain samedi, au "Baz'Art des mots", une librairie/bar à thé située au coeur du village drômois d'Hauterives, village du facteur Cheval et de son Palais idéal. En présence de votre serviteur blogueur. Courriel: le.bazart.des.mots@orange.fr  

RENCONTRE – VERNISSAGE – LECTURE

Samedi 28 janvier à 18 h

Au Baz’Art des Mots    Hauterives (26)

Autour du dernier numéro de la revue Bacchanales, publiée par la Maison de la poésie Rhône-Alpes.

 

 

Couv-BAC 47

En collaboration avec la

Maison de la poésie  Rhône- Alpes

En présence de : Guth Joly (artiste voyageuse)

Lectures des poètes :

 Saori Fukasawa, Elisabeth Chabuel, Cathy Ko, Didier Pobel et René Thibaud.

 

(Bacchanales, n° 47, "Poémons-nous dans les bois", 200 p., 20 euros).

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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 22:00
 - Parce qu'il est l'un des grands écrivains de langue française et qu'il n'occupe pas la place qu'il devrait dans l'histoire littéraire, l'hommage que la Bibliothèque de Grenoble s'apprête à rendre à Mohammed Dib est un événement. Né en 1920 à Tlemcen, en Algérie, celui qui fut l'ami d'Aragon ("Cet homme d'un pays qui n'a rien à voir avec les arbres de ma fenêtre parle avec les mots de Villon et de Péguy", disait-il de lui), de Camus, de Louis Guilloux ou de Guillevic, fut contraint de s'installer en France en 1959. On ne s'étonnera donc pas si sa voix porte les poignantes inflexions de l'exil. Mais beaucoup d'autres thèmes traversent sa parole: la guerre, l'amour, l'enfance, les éléments... Poète, romancier, dramaturge, conteur, l'auteur du Métier à tisser (Seuil, 1957, et Points-Seuil), de Fomulaires (Seuil, 1970) ou de L'Enfant jazz (La Différence, 1998) est mort en 2003 près de Paris, une ville qu'il évoqua à diverses reprises, notamment dans Ombre gardienne (Gallimard, 1961): "Quel étranger ici ne se sent pas chez lui? / Mais ça vous prend ainsi dès que tombe la nuit. / Sa place, on ne l'a pas dans cette ville immense, / Croit-on ; c'est le mauvais rêve qui recommence". D.P.
  
(Exposition jusqu'au 17 mars, à la Bibliothèque du Centre ville 10, rue de la République à Grenoble. Inauguration ce jeudi 19 janvier, avec Habib Tengour, poète et universitaire, et Jean-Pierre Chambon qui lira des poèmes de Mohammed Dib).

 Janv.-2012--expo-Daiga-Stalberga-002.jpg
-Janv.-2012--expo-Daiga-Stalberga-001.jpgTapisseries, tissages, énigmatiques "rideaux" de dentelles... En entremêlant la tradition et l'audace, la technique et l'imaginaire, l'univers de Daïga Stalberga joue tout à la fois avec la matière, la lumière et l'espace. L'artiste d'origine lettonne, mais installée près de Paris depuis une quinzaine d'années, est actuellement l'invitée grenobloise de l'association "Amitié Pays baltes", avec le soutien de la Municipalité. Au gré de la riche exposition qui lui est consacrée, on se promène en frôlant ses oeuvres du regard - et du coeur - comme on palperait la texture même d'une âme créatrice. D.P.  
 
("Entrevues", exposition des oeuvres de Daïga Stalberga, jusqu'au 29 janvier à l'ancien Musée de peinture 9, place de Verdun à Grenoble. Tél. 04 76 54 09 82).

 

Quelques unes des oeuvres de Daïga Stalberga (l'artiste est en manteau rayé) dans l'ancien Musée de peinture de Grenoble. Photos D.P.

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4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 22:14
16 e Festival poésie SMH 00416-e-Festival-poesie-SMH-015.jpg   Pari réussi, une fois de plus, pour la Maison de la poésie Rhône-Alpes. Grâce aux efficaces16 e Festival poésie SMH 006 responsables de cet organisme, "L'Heure bleue", la salle voisine de 16-e-Festival-poesie-SMH-012.jpgSaint-Martin-d'Hères, s'est transformée, le temps de ce premier week-end de décembre, en une ruche vivante et vibrante tout entière vouée au service de l'éducation populaire, de la culture, du savoir et du partage, du divertissement, de l'art plastique (avec Guth Joly) et, bien entendu de la poésie. Les tables rondes furent particulièrement riches. Le spectacle "interactif" du samedi soir, signé Arth16-e-Festival-poesie-SMH-009.jpgur Ribo, époustoufla le public par sa sublimation de "l'improvisation maîtrisée". Et les lectures et autres performances des 42 auteurs présents autour de l'invité d'honneur Bruno Doucey, éditeur et poète, n'ont fait que rajouter au succès de ce 16e Festival international qui fut également l'occasion d'une présentation du nouveau numéro de la revue Bacchanales sur le thème de la forêt (Poémons-nous dans les bois). D.P.   
D'une lecture à l'autre sur la scène de "L'Heure bleue": Bruno Doucey, Thierry Renard, Didier Pobel, Ghaouti Faraoun et Andrée Appercelle. Photos D.P.
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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 21:05
Affiche-Festival-poesie-002.jpg- Un week-end pour oublier un peu la dette (souveraine) et la crise (récurrente), ça vous dit? Dans ce cas, rendez-vous, ces samedi et dimanche, à Saint-Martin-d'Hères, près de Grenoble, où, à l'initiative de la Maison de la poésie Rhône-Alpes, se tient le 16e Festival international de poésie. Les habitués, venus parfois de très loin, connaissent. Les autres découvriront un efficace espace au service de cet univers très justement défini par Jean-Pierre Siméon citant Roberto Juarroz comme "un extraordinaire accélérateur de conscience". Au programme, débats, rencontres, signatures, lectures, tables rondes, animations, ateliers de réflexion et de création, marché du livre... Quarante-deux poètes seront là, autour de l'invité d'honneur Bruno Doucey et de la plasticienne Guth Joly qui a travaillé sur le thème de l'arbre. Un fil rouge que l'on retrouve également au sommaire du riche numéro de la revue Bacchanales, publié pour l'occasion et judicieusement intitulé Poémons-nous dans les bois. Soixante-huit auteurs figurent au sommaire, Palestiniens, Canadiens, Tunisiens, Algériens, Marocains, Turcs, Américains, Japonais ou Français. Parmi ces derniers, citons Jean-Pierre Chambon, Alain Chanéac, Antoine Choplin, Serge Pey, Thierry Renard, James Sacré ou votre serviteur blogueur qui participera à la rencontre ce dimanche à 14h15.
(16e Festival international de poésie, samedi 3 et dimanche 4 décembre, à L'Heure Bleue, rue Jean Vilar 38400 Saint-Martin-d'Hères. Renseignements: 04 76 54 41 09. 
Revue Bacchanales, n° 47, 204 p., 20 euros).
 
2011--Trupemus--Juliet-012.jpg- Le grand peintre lyonnais Jacques Truphémus est à l'honneur ces jours-ci. Dans sa ville d'abord où un établissement bancaire, dont l'une des salles a été pour l'occasion transformée en lieu d'exposition, a été récemment le cadre de la présentation du bel ouvrage qui vient de lui être consacré, sous la signatures de Denis Lafay, directeur de la publication d'Acteurs de l'économie, avec une préface du poète Yves Bonnefoy. A Paris ensuite où cette remarquable monographie a également fait l'objet d'une rencontre-signature avec l'artiste, ce 2 décembre, en contrepoint d'un accrochage d'oeuvres récentes du peintre qui partage son temps entre son atelier de la capitale des Gaules et celui de sa maison des Cévennes.   
(Atrium de CIC Lyonnaise de Banque 8, rue de la République 69001 Lyon. Exposition jusqu'au 12 décembre.
Galerie Claude Bernard 7/9 rue des Beaux-Arts 75006 Paris, du 2 au 4 décembre.
Jacques Truphémus de Denis Lafay, RH éditions, 228 p., 69 euros.
Lors du vernissage à l'Atrium CIC, Jean-Jack Queyranne en discussion devant un Autoprtrait de Jacques Truphémus. Photo D.P.
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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 17:39

- Nov.-2011--Ruy-Blas--Biennale-Lyon--Etienne-Martin-.-040.jpgGrand moment de la vie d'un théâtre et grand moment de la vie théâtrale tout court. Il y avait tout ça l'autre soir à Villeurbanne. C'était le 11 novembre. Une date qui n'avait pas été choisie au hasard pour la réouverture d'un lieu mythique (www.tnp-villeurbanne.com) après quatre ans de travaux. C'est en effet ce jour-là, en 1920, que fut créé à Paris, au Palais du Trocadéro, le très emblématique TNP. Trois lettres auxquelles furent associés les noms prestigieux de Jean Vilar et Georges Wilson. Jusqu'à ce que, la décentralisation venue, l'institution s'installe dans la grande métropole ouvrière de l'ouest lyonnais, avec, aux manettes, Planchon, Chéreau, Lavaudant et aujourd'hui Christian Schiaretti. C'est à ce dernier qu'est revenue l'exaltante et lourde tâche de choisir le programme "inaugural". Et c'est peu dire qu'il n'a pas donné dans la facilité en optant pour Ruy Blas de Victor Hugo, cette pièce de 1838 dont on ne connaît souvent qu'une réplique (Ah! le fameux "vers de terre amoureux d'une étoile") ou l'adaptation aussi libre que fantaisiste signée Gérard Oury dans La Folie des grandeurs ("Il est l'hooore monseignoooore...). Rien de tel, évidemment, avec la mise en scène de Christian Schiaretti qui a su rendre avec brio, grâce à son équipe, toute la magnificence des alexandrins hugoliens et les paradoxes d'un XVIIe siècle rongé par la corruption. La décadence de l'Espagne? Un thème peut-être plus actuel qu'on ne l'imagine à l'heure où, précisément, le pays de Don Salluste en crise se rend aux urnes.
(Ruy Blas de Victor Hugo, mise en scène de Christian Schiaretti, avec Nicolas Gonzales - Ruy Blas -, Robin Renucci - Don Salluste -, Jérôme Kircher - Don César -, Juliette Rizoud - La Reine -, Isabelle Sadoyan - La duègne... 
Jusqu'au 11 décembre à Villeurbanne 8, place Lazare-Goujon, tél.: 04 78 03 30 00. Puis au théâtre Les Gémeaux à Sceaux - du 6 au 29 janvier 2012 - et à La Coursive de La Rochelle - du 8 au 10 février).

 

Vibrante ovation pour les comédiens du TNP le soir de la première de Ruy Blas. Dans la salle, parmi les personnalités, Frédéric Mitterrand et Jack Ralite. Photo D.P.


 
 
- Nov.-2011--Ruy-Blas--Biennale-Lyon--Etienne-Martin-copie-1.jpgDepuis le 15 septembre et jusqu'à la fin de l'année, Lyon vit au rythme de sa 11e Biennale (www.biennaledelyon.com/), un Nov.-2011--Ruy-Blas--Biennale-Lyon--Etienne-Martin-.-096.jpgrendez-vous qui attire les foules. L'art comme valeur refuge en temps de crise? Allez savoir... Toujours est-il que cette manifestation draine un public qui aime flâner à pied dans le nouveau quartier de La Confluence où se trouve l'un des sites d'exposition, La Sucrière, avant de prendre le bateau sur le Rhône pour gagner le Musée d'Art contemporain de Thierry Raspail, directeur de cette Biennale, sans oublier une halte à la Fondation Bullukian. Alors, bien sûr, il y a un peu de tout dans ces trois espaces (il en existe même un quatrième à Vaulx-en-Velin) où les 78 artistes venus du monde entier ont rassemblé leurs oeuvres autour d'un thème contenu dans ces cinq mots étranges: "Une terrible beauté est née". Il s'agit en fait d'un fragment de vers du poète irlandais William Butler Yeats choisi par la commissaire Victoria Noorthoorn qui définit ainsi sa conception de la création: "L'art doit prendre ses distances à l'égard du réel pour exister en tant que tel - en tant que construction artificielle - pour répondre en retour et avec éloquence, à la complexité du réel". 
(A La Sucrière, Les Docks 49 quai Rambaud Lyon 2e ; au MAC, Cité Internationale 81 quai Charles-de-Gaulle Lyon 6e ; à la Fondation Bullukian, 26, place Bellecour Lyon 2e et à l'Usine T.A.S.E, 14, allée du Textile, Vaulx-en-Velin. Jusqu'au 31 décembre).

 

Au gré des salles de la Biennale, les drôles d'oiseaux du Hollandais Michel Huisman et l'étrange filet déployé sur toute la surface du 3e étage du MAC par le Brésilien Cildo Meireles. Photos D.P. 


 
- Nov.-2011--Ruy-Blas--Biennale-Lyon--Etienne-Martin-.-045.jpgOn ne quitte pas Lyon sans un détour par le Musée des Beaux-Arts qui accueille jusqu'au 23 Nov.-2011--Ruy-Blas--Biennale-Lyon--Etienne-Martin-.-059.jpgjanvier une passionnante exposition à deux faces. Bonheur d'y découvrir, d'abord, les volumes en bois d'Etienne-Martin, un sculpteur mort à Paris en 1995 et qui n'eut de cesse de réinventer la maison drômoise de Loriol où il vit le jour en 1913. Emule à sa manière de Bachelard, dont il avait adopté la longue barbe, celui qui "dessinait avec du fil de fer"  et qui "avait une scie comme crayon"  façonnait ses "demeures", ses "couples", ses "figures" dans l'onirique matière brute des troncs de tilleul, d'ébène, d'orme ou de châtaignier. Mais on doit également  à ce passionné de cuir, de cordes et de passementeries, de très novatrices "sculptures molles". Que serait, toutefois, un artiste sans l'attention généreuse qu'on lui porte? Etienne-Martin n'a jamais tu ce qu'il devait ainsi à son premier galeriste, Marcel Michaud (1898-1958). Et nous devons nous féliciter de le voir lui aussi présent dans le second pan de cette exposition de l'établissement de la place des Terreaux. Bel itinéraire d'un "visionnaire" reconstitué à travers, outre des sculptures d'Etienne-Martin, deux magnifiques Bram Van Velde, un Picasso, des Manessier et des oeuvres signées Couty, Gleizes, Albert Le Normand, Max Schoendorff (Dans notre cercueil, 1958) ou Pierre Montheillet (1923-2011) dont on admirera tout particulièrement ses Paysages des bords du Suran (1954).
(L'Atelier d'Etienne-Martin et Le Poids du Monde - Marcel Michaud, jusqu'au 23 janvier 2012, Musée des Beaux-Arts  20, place des Terreau 69001 Lyon. tél.: 04 72 10 17 40. Catalogue sous la direction de Laurence Berthon, Sylvie Ramond et Jean-Christophe Stuccilli, en partenariat avec l'INHA, éditions Fage, 320 p., 29,50 euros).

 

L'une des sculptures en bois d'Etienne-Martin et, extrait de la collection de Marcel Michaud, Paysages des bords du Suran de Pierre Montheillet. Photos D.P.


 
-Nov.-2011--Ruy-Blas--Biennale-Lyon--Etienne-Martin-.-068.jpg A noter, enfin, que le Musée des Beaux-Arts rassemble par ailleurs, sous le titre Ainsi soit-il!, une partie de l'hétéroclite trésor d'un collectionneur hors pair qui tint jadis galerie à Grenoble, Antoine de Galbert. Eugène Leroy, Roman Opalka, Ben, Boltanski, Jan Fabre, Philippe Dereux, Sophie Calle, André Kertész, David Lynch, Annette Messager, Henri Ughetto, Guillaume Treppoz, Françoise Vergier, Peter Buggenhout, François Morellet sont là. Et beaucoup d'autres.
(Musée des Beaux Arts de Lyon, jusqu'au 2 janvier 2012. Catalogue de Sylvie Ramond et Antoine de Galbert, édit. fage, 166 p., 28 euros). D.P.

 

Parmi les pièces de la collection Antoine de Galbert, State of beeing n° 24 (2009), robe de coton suspendu dans un rets de fils de laine noire. Photo D.P. 

 

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 22:36

   Il appartenait à l'âge de pierre. Des Pierre, plus exactement, car ils étaient trois. Pierre Desgraupes, Pierre Lazareff et lui. C'était au temps où l'unique chaîne de télévision s'écrivait encore comme les journaux, à l'encre blanche et noire. Quand on allumait le poste aussi gros qu'une rotative, on croyait entendre grésiller une imprimerie à l'heure du tirage. Chaque premier vendredi du mois, les joies et les peines du monde scintillaient dans le filigrane du petit écran grisâtre. Mais Pierre Dumayet ne fut pas seulement l'un des pionniers de Cinq colonnes à la Une, il fut également - et peut-être surtout - l'un des tout premiers passeurs de livres de ce qu'on n'appelait pas encore la sphère médiatique.
   Lunettes remontées sur le front, oeil bleu avide, gourmandise curieuse aux lèvres, l'ancêtre de Bernard Pivot conversait avec Claudel, Céline, Aragon ou Jean Rostand comme on rencontre un voisin. La France gaullienne, qui attendait le retour d'Algérie de ses enfants, se recueillait le soir à la veillée autour des braséros de mots allumés par l'homme à la pipe courbée qui ne se prenait jamais pour la vedette. Drôle d'époque! Il y avait du silence pour chacun et des Lectures pour tous.

   Le journaliste-promeneur, qui fut aussi scénariste, prenait rarement la plume. La poignée d'ouvrages qu'il nous a laissés n'en paraissent que plus précieux. Dans l'un d'eux, La Vie est un village (Verdier, 1992), on ne s'empêchera pas de discerner en creux une manière d'autoportrait de cet anachronique flâneur des Lettres et de l'existence. Et dans Autobiographie d'un lecteur (Pauvert, 2000) on n'aura pas manqué de souligner cette phrase: "Lire est une route sur laquelle nous avançons".
   Pierre Dumayet vient de s'arrêter à 88 ans - sale temps, décidément, après la disparition d'Hubert Nyssen dimanche dernier (lire ci-dessous) -, mais notre route à nous continue. Merci à celui qui fut également le producteur de Lire c'est vivre de nous l'avoir si magistralement - et si humblement - ouverte. D.P.    

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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 15:46

   Il a suffi de quelques jours de retrait en Bresse. Elégie du brouillard sur les noyers. Cris des corbeaux couvrant la rumeur du monde. Premières gelées blanches dans leurs aubes éternelles. Vieux volets de bois pour clouer le bec au vent du nord. Oui, il m'a suffi d'une échappée du côté de mon bois à pieds-de-mouton et à cèpes pour que l'information m'échappe. Hubert Nyssen, le créateur et "patron"  d'Actes Sud, s'en est allé. C'était dimanche dernier. L'éditeur de Nina Berberova, de Paul Auster, de Laurent Gaudé (Goncourt 2004 pour Le Soleil des Scorta) ou de Nancy Huston avait 86 ans. On aimait ses choix, ses risques, ses succès, ses échecs, ses sourires malicieux, ses petites lunettes sur le nez dans lesquelles se reflétaient sans cesse les mots des autres, le format oblong de ses livres, façon tablette de chocolat belge. Parmi "ses"  auteurs, on avait une affection particulière pour l'un d'entre eux. Un tout jeune vieux monsieur qui file allégrement sur ses 99 ans. Il s'appelle Henry Bauchau. D'origine wallone, comme son ami disparu, il publie ces jours-ci L'Enfant rieur - une formule qui va comme un gant à Nyssen - et Tentatives de louange. Lisons ces ouvrages-là, et d'autres aussi bien sûr, avec une bonne pensée pour celui qui avait depuis quelque temps déjà passé les rênes à sa fille Françoise. Là-bas, au bord du Rhône tumultueux de novembre, le Méjean est triste depuis que ce fou de lecture, passeur de rives, a joué les arlésiennes. D.P.
 
- L'Enfant rieur (roman) et Tentatives de louange (poèmes) de Henry Bauchau, Actes Sud, respectivement 330 p. et 22 euros et 56 p. et 9 euros.
 

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6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 21:59

  2011-nov.--Livres-a-Vous-Voiron---champignons-Bel-copie-5.jpg Habit de velours, sourire bon enfant, Pierre Magnan est là, assis, à sa table à dédicacer au salon "Livres à vous". Il n'est pas venu de loin. Depuis un an, celui que l'on croyait indéfectiblement lié à la Haute Provence habite Voiron. "Ne me demandez pas pourquoi, ce serait trop long à expliquer". Promis, on n'insistera pas. Mais tout de même, Forcalquier, Manosque: impossible de disjoindre son oeuvre de ces villes. "C'est vrai, mais d'une certaine façon, j'ai quitté Manosque le jour où on a arrêté Giono (*). Et puis vous savez, là-bas, le nom de Giono est partout mais les gens ne l'ont jamais vraiment aimé. Moi, je refuse qu'on donne mon nom à quel que lieu que ce soit dans cette ville".

   Donc, pas trop dépaysé en Chartreuse? "En fait, je connais la région depuis longtemps. J'ai vécu deux ans à Allevard lorsque j'étais réfractaire au STO". Notre interlocuteur pourrait ajouter que c'est gâce à Thyde Monnier, ami de l'instituteur de cette commune, qu'il vécut ici et écrivit son premier roman inspiré par les villageois et les maquisards, L'Aube insolite publié par René Julliard en 1946. Et puis qu'importe l'endroit lorsque, au fond, ce qui compte, c'est l'homme. Pour Pierre Magnan, il s'appelle à jamais Giono: "Ah oui, il est toujours aussi présent en moi. Très souvent, je relis quelques pages de Naissance de l'Odyssée, il n'y a rien de tel. D'ailleurs, en ce moment j'écris un nouveau livre sur lui. Mais ce n'est pas facile. Moi, j'aime créer des personnages et Giono, lui, il existe".
    D'autres écrivains n'ont, eux non plus, pas cessé d'accompagner le père du commissaire Laviolette. Roger Martin du Gard, Romain Rolland. Et Gide ("Mais plus personne ne le lit, hélas"). Sans oublier Flaubert. Ah! Flaubert... A ce seul nom, la mémoire de Pierre Magnan frémit et le voilà qui cite avec délectation la première phrase de Salammbô: "C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar". Côté polar, un titre émerge: Fantasia chez les ploucs de l'Américain Charles Williams. "On en a tiré un film mais c'était moins bien. C'est souvent comme ça. Pour mes livres aussi"  ajoute l'auteur de La Maison assassinée dont l'adaptation à l'écran fut pourtant un grand succès.
   On laisse là Pierre Magnan. La séance de dédicaces voironnaise ne fait que commencer. Après quoi, il regagnera sa table de travail. A 89 ans passés, il n'a pas renoncé à créer. "Je me lève parfois la nuit à trois heures pour prendre des notes. J'ai encore trois livres à écrire. Après on verra...". D.P. 
   (*) Arrêté en septembre 1939, pour son pacifisme, Jean Giono est relâché après un non-lieu. Puis, abusivement accusé de collaboration, il est de nouveau emprisonné en septembre 1944.
__________
 
  Parmi les derniers livres de Pierre Magnan, citons Chronique d'un château hanté (Denoël) et Elégie pour Laviolette (Robert Lafont, 2010).
   Lire également sur ce blog "Livres à vous, livres à nous" (samedi 5 novembre) et "Livres à vous à Voiron: un salon anti-crise" (dimanche 6 novembre)."
 
 
 
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6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 21:29

2011-nov.--Livres-a-Vous-Voiron---champignons-Bel-copie-6.jpg  2011 nov., Livres à Vous Voiron + champignons Bel-copie-2 Voilà une page qui se tourne en beauté. A l'heure où j'écris ces lignes, la troisième édition de "Livres à vous" s'achève à Voiron. Et c'est un beau succès. Le "Grand Angle" a connu ce dimanche une affluence des jours fastes et toutes les rencontres prévues dans les communes alentour ont draîné un solide public de fervents et passionnés. De quoi apporter une note d'optimisme dans un contexte de crise ambiante où le secteur du livre n'est pas épargné.
   La culture comme valeur refuge? Plus que de culture, parlons de convivialité, de partage et de repères transgénérationnels. L'une des forces, en effet, de la manifestation en question, c'est que, 2011 nov., Livres à Vous Voiron + champignons Belledonne 0outre qu'elle ne s'adresse pas à une élite, elle est tournée aussi bien vers les adultes qu'en direction de la jeunes2011 nov., Livres à Vous Voiron + champignons Bel-copie-1se. Il y avait foule juvénile devant les stands des illustrateurs invités où chacun attendait sa dédicace personnalisée signée Lionel Le Néouanic, Audrey Calleja, Laurent Corvaisier, Natali Fortier, Bernadette Gervais, Carole Gourrat, Bruno Heitz, Benoît Jacques, Sébastien Joanniez, Mako, Susie Morgenstern, José Parrondo, Francisco Pittau, Jeanne Puchol, Tommy Redolfi, Marie Sellier, pardon pour les éventuels oublis.

   Mais les grands n'étaient pas là que pour accompagner leur progéniture. C'était pour eux une aubaine que d'échanger quelques mots avec Didier Daeninckx,  Abdelkader Djemaï, Anne-Marie Garat, Christian Garcin, Cécile Ladjali, Carole Martinez (qui a dû filer à Brive), Véronique Ovaldé, Fred Paronuzzi venu en voisin de Chambéry ou Emmanuelle Urien. 
  Les auteurs régionaux avaient aussi leur place et, parmi eux - quoi qu'il soit "hors catégorie" -, accordons une mention toute particulière à un jeune vieux monsieur devant lesquels les admirateurs, souvent venus en famille, se pressaient comme auprès d'un proche. Oui, saluons Pierre Magnan qui, à près de 90 ans, avait fait le déplacement. "Déplacement"  n'est pas tout à fait le mot. L'auteur du Sang des Atrides a quitté depuis un an "son" perchoir de Forcalquier pour les montagnes de la Chartreuse. Autant dire que l'émule de Giono était un peu chez lui ce dimanche à Voiron. Chez lui, c'est-à-dire chez nous. Dans nos paysages sentimentaux et dans nos "Livres à nous". D.P.  

 

Parmi les auteurs présents les 4, 5 et 6 novembre à Voiron, de haut en bas: Christian Garcin, Didier Daeninckx, Véronique Ovaldé et Cécile Ladjali. Photos D.P.

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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 14:09

   Magnifique et émouvant coup d'envoi, hier soir, de la troisième édition de "Livres à vous" à Voiron. Près de deux heures durant, Jean-Louis Trintignant a lu, sur la scène du Grand Angle, "Trois poètes libertaires du XXe siècle: Jacques Prévert, Boris Vian et Robert Desnos". Pull noir, col blanc, voix onctueuse malgré le rhume de saison, l'acteur est parvenu, sans effet ni de diction ni de geste, à donner un exceptionnel relief à des textes qu'en général on croit pourtant connaître. Tour à tour grave, grinçant, gouailleur, bouleversant, Trintignant ne s'est pratiquement jamais levé de sa chaise, sauf pour mimer le pied bloquant la goupille menaçant à chaque instant de faire éclater la grenade au centre des Fourmis, l'explosive nouvelle de Boris Vian.
   Accompagné par Daniel Mille à l'accordéon et Grégoire Komiluk au violoncelle, dans une sobre mise en scène de Gabor Rassov, il a, avec malice, tenu tête aux Quatre sans cou de Desnos, apostrophé L'Adrienne de Prévert et réhabilité la vraie fin, longtemps censurée, du Déserteur de Vian : "... Prévenez vos gendarmes / Que j'emporte des armes / Et que je sais tirer". Mais outre le plaisir que l'on éprouvait à réentendre ces paroles rebelles, il se passait, comme en filigrane, un autre phénomène. Ce n'était pas un comédien comme les autres qui se trouvait, là, devant nous. C'était, sinon une légende vivante, du moins l'expression d'une histoire française. Une histoire qui, mêlant la comédie à la vraie vie, nous a accommpagnés, du "chabadada" d'Un homme et une femme au "drame de Vilnius", en passant par la fervente nuit de Noël clermontoise de Ma nuit chez Maud. 

  Merci à celui qui élève aujourd'hui son vin et ses oliviers du côté d'Uzès d'avoir fait pousser devant nous, le temps d'une soirée au théâtre, l'arbre à poèmes et à émois qui mêle depuis un demi-siècle ses racines aux nôtres.
   "Livres à vous"  continue de dérouler, ces samedi et dimanche 5 et 6 novembre, son riche programme avec des animations "décentralisées" sur l'ensemble du Voironnais (à une vingtaine de kilomètres au nord de Grenoble). On peut y rencontrer une multitude d'écrivains et d'illustrateurs parmi lesquels Didier Daeninckx et Lionel Le Néouanic - invités d'honneur -, Carole Martinez (qui a manqué le Goncourt de peu), Véronique Ovaldé, Pierre Magnan, Anne-Marie Garat, Christian Garcin, Cécile Ladjali... Renseignements au 06 75 27 15 11. D.P.   

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Présentation

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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