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2 juin 2012 6 02 /06 /juin /2012 10:55

     C'était il y a quelques jours. Le mardi 22 mai. L'Académie de Bresse avait sollicité plusieurs auteurs de l'Ain - qu'ils y vivent à plein temps ou épisodiquement -  pour une séance de dédicaces dans les salons de la Préfecture de Bourg. Présentés par l'inégalable François Belay, Juin-2012--Fete-des-quartiers---coupures-Progres--copie-1.jpgprésident de l'Association, les invités ont pu, grâce à l'efficace Lydie Zannini, Préfecture, Bény 002-copie-1"passeuse culturelle"  à l'enseigne voisine de "La Librairie du Théâtre", non seulement signer leurs ouvrages mais aussi, avant tout, rencontrer une multitude de passionnés de mots, d'images et de saveurs. Il y avait là le "M. Foot" de L'Equipe, Vincent Duluc (Le Livre noir des Bleus, Laffont 2010, 50 héros pour l'Euro 2012, Solar 2011...), Jean-Jacques Coltice (Cormemin, apôtre du suffrage universel, L'Harmattan 2012), le "Top-chef" Grégory Cuilleron (Dans la cuisine de Grégory, M6 éditions, 2010), le créateur de BD Olivier Martin (Les Enquêtes auto de Margot, éditions Paquet) et, donc, l'auteur de ces lignes venu présenter son roman Couleur de rocou (éditions Le Temps qu'il fait). L'air était doux comme un bruit de pages sous les ors de la République, le buffet convivial, l'ambiance propice aux échanges et aux retrouvailles, alors que le soir se posait lentement, de l'autre côté des baies, dans le vénérable parc bressan aux allures de jardin anglais larbaldien du XIXe siècle. Merci à celles et ceux qui sont à l'origine d'une telle initiative. D.P. 

Retrouvailles entre Didier Pobel et Henri Bonnet, éminent "nervaliste" (ou "nervalien"?), qui fut son professeur de français au Lycée Lalande, lors de cette séance de dédicaces annoncée le jour même par Le Progrès. Photo Gh. P.  

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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 21:51

      En se référant hier, dans sa revue de presse de France Inter, à la Une de L'Ardennais  évoquant une manifestation insolite au cimetière de Rethel, Bruno Duvic ne pouvait que susciter notre curiosité. Vérification faite sur le site du journal de Charleville, l'information était tout ce qu'il y a de plus sérieux. Si les pots de fleurs et les plaques funéraires se sont soudain soulevés sur une ou deux tombes seulement alors que tout paraissait calme autour, c'est qu'on a eu affaire à une mini-tornade très localisée et pratiquement imperceptible en dehors des extraordinaires effets en question. Tel est, en tout cas, l'explication d'un météorologiste selon lequel le phénomène, extrêmement rare, est ce qu'on appelle un "grain blanc". Une bizzarerie due à un réchauffement particulier propice à une sorte de tourbillon en forme de frappe chirurgicale apte à soulever jusqu'à 10 kilos.
   Pas de quoi épiloguer sur cette histoire, direz-vous... Certes, mais comment ne pas songer à l'univers d'André Dhôtel (1900-1991), l'immense écrivain, né tout près de Rethel, à Attigny, et qui ne cessa tout au long de sa très riche oeuvre de traquer l'énigme et le merveilleux au sein même de la vie quotidienne. N'en doutons pas un instant, ce qui s'est passé dans le petit cimetière des Ardennes, c'est tout "simplement", n'en déplaise aux scientifiques, du pur Dhôtel. En écoutant la radio, car il doit l'entendre là où il est -, l'auteur du Pays où l'on n'arrive jamais  a dû, si l'on ose dire, se retourner dans sa tombe, lui qui écrivait ceci dans l'une des ses nouvelles ayant précisément Rethel pour cadre: "De minimes déviations se révèlent parfois au sein même des systèmes connus d'événements. Ce sont des ébauches de faits extraordinaires, mais qui, sans doute, signifient que la plupart des hommes ressentent, par moments, pour leur monde étroit un enthousiasme farouchement personnel". D.P. 

 

En photo, André Dhôtel lors de l'une de ses promenades dans les forêts ardennaises.


 
 

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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 09:52

 Courriere-002.jpgUn salut, avec un peu de retard, à deux personnalités qui nous ont quittés il y a plusieurs jours déjà. Journaliste, biographe et écrivain, Yves Courrière est mort le 8 mai à Paris. Il avait 76 ans. Ce qu'on retient de lui, ce sont d'abord, en général, ses reportages sur la guerre d'Algérie, qu'on les ait lus sur le vif dans la presse de l'époque, ou découverts plus tard par le biais des livres. Le Fils de la Toussaint (Fayard, 1968), Le Temps des léopards (id. 1969), L'Heure des colonels (id. 1970), Les Feux du désespoir (id. 1971): les quatre tomes de cette déchirante histoire contemporaine font en effet autorité. Mais Courrière, à qui l'on doit aussi de passionnants mémoires, Eclats de vie (Fayard, 2003), excellait par ailleurs dans l'art de raconter des vies. On n'a oublié ni son Kessel (Plon, 1985), ni son Lazareff (Gallimard, 1995) et moins encore, en ce qui nous concerne, la somme qu'il consacra au romancier communiste des Mauvais coups et de La Loi: Roger Vailland ou Un libertin au regard froid (Plon, 1991). Pour marquer la sortie de cet ouvrage, le biographe avait accepté de venir en parler à la Bibliothèque Municipale de Bourg-en-Bresse, à deux pas de la maison revermontoise de Meillonnas qui fut le "couvent laïc" du cofondateur du "Grand Jeu". Au cours de cette belle soirée, Yves Courrière, né Gérard Bon, avait notamment dit tout le plaisir qu'il avait à revenir dans l'Ain, département de son père, originaire de Condeissiat. D.P.
 
C'était le vendredi 10 janvier 1992 , au Centre Albert-Camus de Bourg-en-Bresse. Devant une salle comble, Yves Courrière répondait aux questions de Didier Pobel. Photo d'archives DR

  
  2011-nov.--Livres-a-Vous-Voiron---champignons-Bel-copie-7.jpg Autre écrivain qui nous était cher, Pierre Magnan avait, lui, 89 ans passés lorsqu'il s'est éteint, le 28 avril à Voiron. Une commune de l'Isère, où l'homme de Forcalquier, père du Commissaire Laviolette, s'était installé il y a quelques années et où nous l'avions rencontré lors du Festival "Livres à vous" en novembre dernier. Pourquoi aux portes de la Chartreuse? "Ne me le demandez pas, ce serait trop long à expliquer. Un jour si on a le temps...". Ce jour, hélas, n'aura pas lieu. L'ami et l'admirateur de Giono est parti en nous laissant une oeuvre qu'il faut bien se garder de réduire à ces titres les plus célèbres que sont Le Sang des Atrides (prix du Quai des Orfèvres 1977) ou La Maison assassinée (Denoël, 1984). Ses pages sur la Provence - pas celle des touristes, mais la haute, la rude - sont tout particulièrement saisissantes. Jusqu'au bout, Pierre Magnan aura gardé le stylo à la main. "Je me lève parfois la nuit à trois heures pour prendre des notes. J'ai encore trois livres à écrire. Après on verra...", nous avait-il alors confié. D.P. 
 
(Se reporter à la page du 6 novembre 2011 de ce blog: "Pierre Magnan, de la Haute Provence à la Chartreuse").
 
Le 6 novembre dernier,  Pierre Magnan était venu en voisin signer ses ouvrages au Festival "Livres à vous" de Voiron, l'une de ses ultimes apparitions publiques. Photo Gh. P.
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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 20:22

Les-Affiches-009.jpgCouverture les Affiches de Grenoble et du Dauphiné   A lire, dans l'hebdomaire Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné, en vente cette semaine (n° 4576), le bel article consacré à l'opus de votre serviteur-blogueur, paru depuis peu aux éditions LeTemps qu'il fait (*). "Après un silence littéraire de deux décennies, Didier Pobel confirme avec éclat son retour à l'écriture. Dans son roman  Couleur de rocou, le Grenoblois foule les terres de l'étrange et de l'absurde, voire du fantastique. En cause, une fricassée de champignons qui pourrait bien se révéler funeste...", écrit notamment Jean-Louis Roux qui ajoute, plus loin: "Ce roman, concis comme une longue nouvelle, développe une écriture fildefériste, laquelle tient en équilibre délicat entre deux mondes. Cela a-t-il lieu? Et si oui, où est-ce? Dans la vie vraie ou dans les vapeurs chimériques d'un cerveau fatigué? Il y a une seule réponse. Elle est simple. Ca se passe dans un livre. On appelle cela la littérature" (p.134).

 

(*) Couleur de rocou de Didier Pobel, éditions Le Temps qu'il fait, 104 p., 14 euros.

 

 

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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 22:14
 Diffusion à partir d'aujourd'hui (mais on trouve déjà ce roman ici ou là depuis quelques jours):

 Avril 2012, Couleur de rocou en librairie 001-copie-1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Renseignements sur le site:

 

 

 

 

 

 

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 21:23

A noter, ce vendredi 20Avril-2012--Couleur-de-rocou-010.jpg avril, en librairie, le premier roman de votre serviteur blogueur, Couleur de rocou (ou La Saison du poison), aux éditions Le Temps qu'il fait, dont on peut consulter le site en cliquant sur le lien qui suit:

 

 



  Les éditions Le temps qu'il fait

 

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 10:50

Avril 2012, Villard-de-Lans 012Avril-2012--Villard-de-Lans-005.jpg   Par le hublot rond de la Bibliothèque municipale qui jouxte la piscine et le casino, on voit la neige tomber à gros flocons sur les toits des chalets. Un sursaut hivernal de circonstance puisque ce sont notamment des poèmes de La Vie blanche (Ex Aequo éditions) qu'est venu lire là votre serviteur blogueur. Ainsi que des inédits comme celui-ci: "Son ombre seule l'arrime, / son silence est en clé de fa, / la neige est un spectacle de mime / qui vaut bien mieux qu'un opéra". Cela s'est passé ce samedi 14 avril, à l'heure du petit-déjeuner, à Villard-de-Lans, à l'initiative de l'association "Livres en scène"  qui, dans le prolongement, du rendez-vous de "L'Anecdote"  à Autrans à la fin du mois d'août dernier, invite à nouveau les participants dans divers centres d'animation du Vercors. Un rendez-vous qui n'est pas seulement littéraire. Le moment poétique d'hier à Villard était ainsi enchâssé entre deux prestations des Zondits, une talentueuse et tonique troupe de comédiens-chanteurs qui ont interprété Trénet (Ah! La Folle complainte...), Brassens, Aznavour, Boby Lapointe, Anne Sylvestre, Allain Leprest, Vincent Delerm, Michèle Bernard, Maxime Leforestier, Michel Jonasz, Clarika ou encore le trop méconnu Gilbert Lafaille (magnifique Neuilly Blues!). Les matinaux des "Quatre montagnes" étaient là. Les flocons aussi. Merci à tous. A bientôt. D.P.

 

   Les Zondits au grand complet dans leur spectacle Chanson sur un plateau, accompagnés au piano par Emmanuel Le Poulichet et, en médaillon, Didier Pobel lors de sa lecture.

Photos Gh. P.

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  Après Sylvie Fabre G., avec Luc Mortier au chant-guitare, le 9 mars à Autrans ; après Didier Pobel et les Zondits le 14 avril, on retrouvera:
- le samedi 5 mai à Lans-en-Vercors (10 h.) Marie Marais qui lira des extraits de son livre Il ne se passe jamais rien autour de nous avec, à ses côtés, Sandrine Guinard, Rémi Adriens et Lily Thévenot au violon,
-  le vendredi 15 juin, à Villard-de-Lans (20h30), la lecture musicale de Les Giètes, d'après le roman de Fabrice Vigne avec ce dernier et Christophe Sacchettini,
- le vendredi 29 juin, à "L'Anecdote" d'Autrans (18h), Hervé Bougel, éditeur à l'enseigne du Pré carré et auteur lui-même, en contrepoint du décrochage de l'exposition de Claudie Rajon, "Couleurs vies") et
- le samedi 7 juillet, à Lans (10h), Jackie Plaetevoet, éditrice et auteur.
Une multiple initiative en lien avec les bibliothèques d’Autrans, Lans-en-Vercors, Villard-de-Lans et la MPT 4 Montagnes. Prochaine édition de "Livres en scène", sous le signe de Georges Pérec, les 25 et 26 août à Villard-de-Lans. Renseignements au 06 83 35 46 88.

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 22:02

      Certes, il y a les autres, les moins connus, les "petits", tout le monde le sait. Mais ne nous voilons pas la face: ils ne sont que deux. Du moins si l'on en juge par les affiches, les têtes de gondole, bref le "buzz". L'un et l'autre, chacun à sa manière, parlent de la société du moment, de la famille, de la jeunesse, de la violence, des peurs rampantes... Les Français ont beau les observer, les écouter, lire leurs interviews, ils ont souvent bien du mal à les départager.
   Eh oui, il n'y a pas qu'en politique que le bipartisme existe. Il sévit également en littérature. Enfin, si l'on ose utiliser ce terme en pareil cas. Car peut-être les avez-vous déjà reconnus, nos deux super-candidats en quête de vos suffrages de lecteurs avides de divertissement en cette veille de premier tour. L'un s'appelle Marc Lévy, l'autre Guillaume Musso et les bookmakers les donnent au coude-à-coude.

   Et vous alors, vous allez voter pour lequel? Moi, c'est décidé, je m'abstiens. Il faut me pardonner, je n'ai pas fini de relire La Princesse de Clèves. D.P.

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 14:46

Avril-2012--Vogue-015.jpg   Là-bas, Avril-2012--Vogue-006.jpgcomme "au jardin de mon père" , les lilas sont Avril-2012--Vogue-026.jpgfleuris. Plaisir de flânAvril-2012--Vogue-032.jpger sur la terrasse du château de Vogüé, suspendue au-dessus des toits blonds du village à l'à-pic desquels coule la rivière si chère aux canoétistes des beaux jours. Mais un autre ravissement attend à l'intérieur. Dans les majestueuses salles de l'édifice royal d'origine médiévale, vissé contre la falaise calcaire par ses quatre tours rondes, l'association "Vivante Ardèche"  propose une fois de plus une remarquable exposition. Sous le titre "Portraits sensibles", l'accrochage du moment réunit cinq artistes dont les oeuvres, non seulement se côtoient, mais s'enrichissent mutuellement et sans doute conversent entre elles à leur manière.
   Voici, au rez-de-chaussée, près de l'émouvante chapelle au vitraux de Manessier, les photos de Jean-Luc Meyssonnier. Né en 1960 à Largentière, Meyssonnier est le "régional de l'étape". On connaît sa curiosité qui le pousse vers Le Pays d'en haut (1). Mais à Vogüé, ce sont des visages qu'il donne à voir. Ou plus exactement des fragments de visages. Yeux, nez, bouches, sourcils que les doigts surlignent, pores, poils, épiderme... Il y a de la neige, de la végétation et des questionnements existentiels à fleur de peau dans ce territoire charnel à parcourir du regard.

   Ce qui happe ensuite lorsqu'on se hisse dans les étages, ce sont d'abord les grandes toiles de Gérard Gasquet. Femmes à demi-nues, apparitions qui nous scrutent, dévoreuse marqueterie corporelle où chaque implacable touche de lumière participe d'un dépeçage à vif. "Est-ce que le corset sait?"  interroge, en une sorte de calembour orthopédique (!), le titre de l'une des oeuvres du peintre lyonnais représentant un patient au buste garrotté. Un spectre probablementAvril-2012--Vogue-009.jpg pas si éloigné que ça de nos préoccupations: "Mes personnages ne peuvent se situer ni dans un mythe ni dans l'Histoire. Ils sont donc apparemment sans référence et peuvent nous ramener à ce que nous sommes nous-mêmes: des êtres fragiles et relativement seuls face à l'existence".
   L'univers de Sophie Burbaloff paraîtra bien apaisé à côté des visions hallucinées de Gasquet. Ne nous y trompons pas, toutefois. Cette série de jeunes filles alanguies, de dormeuses habitées par le songe, n'est pas dénudée de tourments. En saisissant des instants, en captant des évanescences, la très talentueuse adepte du pastel et de l'acrylique tente, avec une attention aux inflexions quasi maternelles, d'arrêter le temps, de déjouer les ombres qui menacent, ici un Matin de juillet à l'étang (2007), là lors d'une douce Fin d'été (2009). Sinon de retenir à travers le cadre d'une fenêtre de train l'enfance familière en fuite dans un DerniAvril-2012--Vogue-040.jpger wagon (2012). "Il faut savoir regarder, regarder et encore regarder. Regarder comme le monde est beau et à portée de main": comment ne pas avoir envie de partager l'exhortation de celle qui, après des études à la faculté de Saint-Etienne, vit et travaille aujourd'hui dans la vallée de l'Azergues et expose régulièrement à la galerie lyonnaise "Le Soleil sur la place"? 

   Michel Houssin et Nina partagent quant à eux la même salle. Aux foules anonymes crayonnées à la mine de plomb par le premier répondent les boules de céramique façonnées par la seconde. Les dessins grouillants de l'un contre les murs, les erratiques volumes de l'autre à même le sol: étrange dialogue et drôle d'endroit pour une rencontre. En accumulant des passants, des égarés, des masques vivants, des matricules, Houssin, le Normand (il a vu le jour à Avranches en 1941) installé en Arles, interroge l'infini, l'agoraphobie, l'oppression. En modelant une anachronique terre blanche chamottée, Nina (Khemchyan), née en 1964 à Erevan, en Arménie, peuple l'espace de figures gravées dans la nuit des temps et sans doute aussi dans celle des désastres.
   Meyssonnier, Gasquet, Burbaloff, Houssin et Nina se retrouvent donc ainsi, en ce beau printemps 2012, réunis à Vogüé comme les cinq doigts d'une unique main tendue. Une main dont il faut décrypter les gestes et les attentes. Une main dont il faut d'urgence lire les lignes. D.P.
 
- "Portraits sensibles", Jean-Luc Meyssonnier, Gérard Gasquet, Sophie Burbaloff, Michel Houssin et Nina, au château de Vogüé, en Ardèche (à une dizaine de kilomètres au sud d'Aubenas), jusqu'au 24 juin. Rens.: 04 75 37 01 95.   
 
De haut en bas: le puzzle des visages de Jean-Luc Meyssonnier, les jeunes filles alanguies de Sophie Burbaloff, les boules de céramique de Nina, la "Foule d'Amiens" (2002) de Michel Houssin dans laquelle se reflètent les fenêtres du château de Vogüé, quatre des artistes réunis le soir du vernissage, le 31 mars dernier: Gérard Gasquet, Jean-Luc Meyssonnier, Michel Houssin et Sophie Burbaloff et "Les Signes d'un grand amour" (2010) de Gérard Gasquet,   Photos D.P.
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(1) Le Pays d'en haut, photographies de Jean-Luc Meyssonnier, préface de Lucien Clergue, textes de Joël Vernet, Jean-Jacques Salgon, Pierre Rabhi, Martin de La Soudière, Gil Jouanard, Hélène Ribot..., éditions du Chassel, 2011.

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31 mars 2012 6 31 /03 /mars /2012 10:40

  Printemps-du-livre-003.jpg Choses vues ou entendues en ouverture du Printemps des livres de Grenoble.
   Les écrivains lisent-ils les autres? Pas toujours. Hubert Mingarelli avoue n'ouvrir qu'un livre par an ("Difficile d'écrire et lire dans le même temps")  et Nicolas Fargues ne va guère au-delà de cinq. Cinq? C'est également la moyenne d'Hélène Lenoir mais par mois pour elle. Mais tous, en revanche, aiment acheter des livres. Ouf!

   Auraient-ils les uns et les autres des noms d'écrivains à proposer? Hélène Lenoir recommande les romans d'Yves Ravey (1), appartenant comme elle aux prestigieuses éditions de Minuit. Fort d'un identique esprit "maison", Fargues invite à découvrir des auteurs POL, tout particulièrement Iegor Gran (Ipso facto).
   Dany Laferrière ("Je suis Haïtien, donc mégalomane") se fiche de ce qu'il "faut lire"  ou pas. Ce qui le fascine, lPrintemps-du-livre-002.jpgui, ce sont "les vingt-six petites araignées noires" que constituent les lettres de l'alphabet. 
   Arno Bertina, invité pour un insolite ouvrage (2), parle avec délectation de "la phosphorescence de certains écrivains"  dont les oeuvres semblent s'allumer la nuit dans les bibliothèques.
   Si Beckett est le plus souvent cité parmi les grands aînés, Mingarelli avoue un faible pour quelqu'un de très oublié: Georges Hyvernaud (1902-1983), auteur, notammment de La peau et les os (éditions du Scorpion, 1953) et du Wagon à vaches  (Denoël, 1953), récit dans lequel il évoque ses années de captivité.
   Confidence de Lorette Nobécourt venue parler de son dernier roman qui vient d'obtenir le prix Rhône-Alpes du Livre (3): "J'ai fait des rencontres avec des écrivains morts qui étaient plus vivants que des vivants qui étaient morts".
   Autre aveu de l'auteur de La Démangeaison  et de L'Usure des jours, qui vit aujourd'hui à Dieulefit: "Je ne lis pas la presse, je n'écoute pas la radio et ne regarde pas la télé depuis milliers d'années et ça va très bien. Faisons du silence pour entendre". D.P.

 

   Il y eut foule tout au long du "Printemps". ce fut notamment le cas vendredi après-midi à la Bibliothèque du Centre Ville, pour écouter, entre autres, Arno Bertina et Lorette Nobécourt, ou Hubert Mingarelli et Dany Laferrièrre, interogés par Danielle Maurel et Pascal Jourdana. Photos D.P.


 
   Le Printemps poursuit à Grenoble tout au long du week-end:  http://printempsdulivre.bm-grenoble.fr/ 

______________ 
 
(1) On doit notamment à Yves Ravey, né en 1953 à Besançon, Le Drap (2003), L'Epave (2006) ou Enlèvement avec rançon (2011), tous ces titres chez Minuit. 
(2) Arno Bertina vient de publier Je suis une aventure, "road-novel philosophico sportif"  autour de la figure de "Rodgeur Fédérère" (Verticales, 2012).
(3) Pour Grâce leur soit rendue (Grasset, 2011).

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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