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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 14:06

A découvrir sur le site de

ECLA - écrit cinéma livre audiovisuel - Région aquitaine (Retour à l'accueil), le "portail aquitain des professionnels de l'écrit, de l'image et de la musique", cette lecture de mon roman par Aline Chambras:  

 

 

Didier Pobel
Couleur de rocou ou La saison du poison
Le temps qu’il fait
14x19 cm ; 104 p. ; 14 € ; Isbn : 978-2-86853-575-7 ; avril 2012

 

   Allégorique, étrange, poétique, voire fantastique. Voilà comment qualifier le roman de Didier Pobel, Couleur de rocou ou La saison du poison. Histoire d’un homme qui a mangé une fricassée de champignons qui pourrait bien se révéler funeste, ce livre, concis comme une longue nouvelle, développe une écriture métaphorique, en équilibre délicat entre deux mondes, qui n’a de cesse de semer le doute dans le cerveau du lecteur. Cela a-t-il lieu ? Ou cela n’est-il qu’une chimère ? Et si, au fond, la réponse n’avait guère d’importance ? Car il s’agit ici de littérature et de son pouvoir de ravissement.

   Premier roman de Didier Pobel, connu jusque-là pour ses poésies – il a obtenu le prix Kowalski de la Ville de Lyon en 1990 pour son recueil Liaisons intérieures et autres lignes –, Couleur de rocou est un véritable ovni littéraire. Autour d’un champignon réputé vénéneux, le cortinaire des montagnes, l’auteur tisse une histoire à mi-chemin entre l’introspection délirante et la parabole métaphysique. Celle d’une humanité rongée par un mal insurmontable dont les repères s’effritent. "Pourquoi est-ce qu’on s’égare ? Pourquoi faut-il qu’on se trompe ? Est-ce qu’on maîtrise, une seule fois dans sa vie, un geste, une parole, une pensée?", s’interroge le narrateur. Dans une prose délicate qui n’a rien à envier à la poésie, l’auteur embarque son lecteur dans un voyage au pays des mots et des fantasmes, où l’on ne sait "jamais si les choses commencent ou si elles s’achèvent".
                                                                                                    Aline Chambras


 

 

 

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 21:18

   P7100050.JPG-  Guerryam a passé un pacte avec les feuilles. Dans son atelier de la Drôme provençale, à portée d'oliviers et de chênes verts, elle peint et dessine pour mieux capter, à travers nervures et limbes, des réseaux de vie réduits parfois à de simples traces, des marques d'ombres, sinon de fugitives empreintes pourtant devenues indélébiles. Feuilles de papier, feuilles d'arbres, feuilles de présence et feuilles volantes, les unes et les autres sont propices au compagnonnage du vent, de la lumière, des oiseaux et des poètes.

   Des poètes? Oui, dans le filigrane des travaux de la plasticienne d'origine dauphinoise, qui ne cesse d'interroger la transparence et l'opacité, les mots des écrivains complices sont toujours là. A Grenoble, où Guerryam expose en cP7100053.JPGe moment, ils sont signés Jean Joubert ("Arbre, déploie tes feuilles, / Couvre-toi de poèmes / Sois dans le vent!"), Nicole de Pontcharra, Jean-Damien Roumieu, Mohammed Bennis ou Sylvie Fabre G. ("Arbre doublement ramifié / parle l'alliance, / enlace mes fragilités / accueille nos chutes").

   A mi-chemin du livre et du tableau, ces oeuvres côtoient également un bel ensemble de feuilles en céramique et trois autoportraits photographiques de celle qui, pour la circonstance, a tout naturellement sacrifié son visage à son élément végétal de prédilection." C'est dans le grand arbre du poème et ses mille frondaisons que je retrouve les mêmes chants, les fugitifs mouvements, les images, les tensions, les couleurs, que ceux imprimés dans la nature qui m'entoure." D.P.

 

 ("Feuilles", oeuvres de Guerryam, jusqu'au 28 juillet, Bibliothèque du Centre ville 10, rue de la République 38000 Grenoble).   

 

L'univers du poète et romancier Jean Joubert revu par Gerryam côtoie parmi d'autres, à Grenoble, les feuilles de papier et de céramique de l'artiste. Photos D.P. (Cliquer sur les photos pour les agrandir).


  

- Un autre bénéfique détour sur les routes du Midi permettra lui aussi, en cet été 2012, de se persuader de l'importance des liens entre la poésie et l'art pictural. Cela se passe à Aix-en-Provence où l'exposition "Philippe Jaccottet et les peintres" réunit François de Asis, Nasser Assar, Claude Garache, Alberto Giacometti, Jean-Claude Hesselbarth, Alexandre Hollan, Anne-Marie Jaccottet et Gérard de Palézieux. D.P.

 

(Jusqu'au 26 juillet, galerie-librairie Alain Paire, 30 rue du Puits-Neuf 13100  Aix en Provence. Renseignements au 04.42.96.23.67).

 

  

 - Pour le cinquantième anniversaire de la disparition du peintre cubiste André Lhôte (1885-1962), la commune drômoise de Mirmande consacre une rétrospective à cet artiste qui, épris de ce lieu, non seulement y établit son atelier, mais organisa, parallèlement, des stages de son "académie aux champs". D.P

 

(Jusqu'au 30 septembre, église Sainte-Foy de Mirmande. Renseignements au 04 75 63 03 90).  


 

 

 

 

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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 14:38

illus-node-rightBernard Pivot A signaler que Bernard Pivot (de l'Académie Goncourt) consacre la seconde partie de sa chronique du Journal du dimanche de ce 8 juillet (n° 3417) à mon roman Couleur de rocou. On découvrira l'intégralité de sa critique en lisant Le JDD dont voici, toutefois, la chute: "Subtil, malicieux, jouant plus sur l'absurde que sur l'angoisse, Didier Pobel, poète aguerri et reconnu, a écrit avec brio un roman allégorique sur certain poison politique venu naguère des pays de l'Est..."

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 16:59

 Un clin d'oeil à La Semaine du Roussillon et à son talentueux collaborateur Bernard Revel qui a consacré l'une de ses récentes chroniques à mon roman Couleur de rocou (n° 837, du 21 au 28 juin 2012). Un texte qu'on lira en cliquant sur l'"image" ci-dessous:

  pobel2[1]

 

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17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 07:27
 Geo-Charles--Hebert-.-039.jpg- Tiens, cet été, si on allait de "l'autre côté"?  De l'autre côté de quoi? De l'autre côté de rien. Geo-Charles--Hebert-.-041-copie-1.jpgDe l'autre côté tout court. C'est, en tout cas, par cette belle formule traversière qu'on a situé, sur les cartons d'invitation, l'exposition du peintre Kimura à La Tronche, près de Grenoble. En arrivant sur place, on comprend. L'accrochage n'a pas lieu dans les vénérables salles du Musée Hébert, serties dans leur écrin de jardins stendhaliens, mais juste en face.
   Il suffit de passer non pas le pont, mais le chemin. Il y a là une dépendance qui était en réfection depuis de longs mois. Mais le temps est un sculpteur, comme disait l'autre. Voire un architecte. Le nouvel aménagement ravit le regard. Dans le vaste espace supérieur, sous la charpente blanchie d'une anachronique neige, les toiles de Chuta (ou Tshuta) Kimura traversent les murs comme d'étranges fenêtres extasiées, s'échangent des secrets abstraits, se renvoient des tumultes de couleurs. Né en 1917 à Takamatsu, au sud du Japon, dans l'île de Shikoku, l'admirateur de Vermeer, de Seurat, de Bonnard ou de Picasso a vécu en France à partir de 1953 et jusqu'à sa mort en 1987. Les huiles présentées ici - mais on découvre également de sobres et admirables dessins au rez-de-chaussée -, réalisées pour la plupart au "Clos Saint-Pierre", ce jardin sauvage de La Roquette-sur-Siagne, près de Cannes, où l'artiste travaillait en alternance avec son atelier de Montparnasse, témoignent parfaitement de son compagnonnage questionneur avec la nature, de sa permanente ardeur à interroger les éléments, à transcender la figuration, à décomposer le prisme des couleurs.
   Un grand carré vert, à peine infléchi de mauve, s'intitule Mai. On est en 1983. L'année où Kimura laisse se propager comme une brûlure les rouges éclatants d'Eté dans le midi. Trois ans plus tard, le peintre plonge, à coups d'à-plats marron et violets, au coeur des Champs de vigne. Les autres saisons ne sont pas absentes, même si des Arbres d'hiver, noyés de jaune et de blancne subsistent guère que trois traits noirs évocateurs de quelque orientale calligraphie.
   L'une des oeuvres de Chuta Kimura a pour nom Le Renouveau. C'est pourtant l'une des toutes dernières. Quelques mois après, il traversait pour de bon la lumière. C'est de là-bas qu'il nous revient ces jours-ci. D'au-delà de la "grande bataille", selon le mot de Jean Grenier qui fut son ami. De l'"autre côté".  D.P.    

  

("Kimura - Peintures et dessins 1962/1987" au musée Ernest-Hébert ("De l'autre côté"), Chemin Hébert, 38700 La Tronche • Grenoble. Rens.: 04 76 42 97 35. Jusqu'au 2 janvier 2013).
  
Regards complices - et intergénérationnels - sur les oeuvres de Kimura au musée Hébert de La Tronche. Photos D.P.
 
- Pour ne pas confiner à jamais Gustave Doré (1832-1883) aux éditions Hetzel des livres de Jules Verne - ce qui n'est déjà pas si mal, c'est vrai -, il faut aller voir l'exposition que lui consacre en moment le monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse, ville où il vécut et dont il croqua, sans concession, les habitants. Gustave Doré fut le dernier des Romantiques, dit-on. Pas si faux...
  
(Jusqu'au 16 septembre. Rens.: 04 74 22 83 83).
  
- Isabelle Cornaro interroge l'espace et les signes. Un univers accaparant, parfois déconcertant aussi, à découvrir sous les immenses verrières du "Magasin" de la "capitale des Alpes".
 
(2 septembre, au www.magasin-cnac.org/ Centre National d'art contemporain, 155 cours Berriat 38000 Grenoble. Tél.: 04 76 21 95 84). 
  
- Qui connaît Stanislas Rodanski, poète et romancier surréaliste français, né le 30 janvier 1927 à Lyon et mort le 23 juillet dans un hôpital psychiatrique? Bien peu de gens, sans doute. Raison de plus pour saluer l'hommage qui lui est actuellement consacré entre Rhône et Saône.
 
 
("Les Horizons perdus de Stanislas Rodanski", Bibliothèque de la Part-Dieu 69003 Lyon. Jusqu'au 24 août. Rens.: 04 78 62 18 00.
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16 juin 2012 6 16 /06 /juin /2012 17:32

       Après avoir reçu l'auteur de Couleur de rocou (éditions Le Temps qu'il fait), mercredi dernier dans son émission "Portraits d'Isère" sur France Bleu Isère, Michèle Caron consacre également sa séquence littéraire du week-end "A vous de lire" à ce roman. Avis aux lève-tôt (mais on peut réécouter sur le site de la station): c'est ce dimanche 17 juin, à 7h40.

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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 21:20

 A lire dans Le Nouvel Observateur de cette semaine (14-20 juin, n° 2484), le "coup de coeur" de Jérôme Garcin pour Couleur de rocou (éditions Le Temps qu'il fait). Une chronique qui se clôt par ces mots: "Héritier du promeneux André Dhôtel, qui cueillait les champignons en terre rimbaldienne, Didier Pobel guette sur les arbres les reflets de vieux soleil, compare la lumière à une fourrure de renard traqué et les nuages à des pièces de lingerie. Un beau livre, au charme hallucinogène" (p.102). 

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12 juin 2012 2 12 /06 /juin /2012 20:23

  L'auteur de ces lignes sera ce mercredi 13 juin, de 13h30 à 14h, l'invité de l'émission "Portraits d'Isère"  sur France Bleu Isère. Devant le micro de Michèle Caron, il reviendra sur le roman qu'il vient de faire paraître aux éditions Le Temps qu'il fait, Couleur de rocou, mais il évoquera également, d'une façon plus générale, sa passion pour l'écriture et ses années de journalisme.  

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 10:18

 Juin 2012, Chambéry, Rousseau 054-copie-3C'était dimanche dernier, 3 juin. L'ultime page du Festival du premier roman se tournait à Chambéry. Cette 25e édition n'avait pas failli à sa règle d'or qui inclut attention, vitalité et convilialité. Loin de l'ambiance artificielle de certains autres rendez-vous littéraires, celui-ci a su, pourrait-on dire en s'inscrivant dans l'air du temps, demeurer "normal". Particularité 2012, quelques invités des années antérieures côtoyaient la "nouvelle vague". Citons, du côté de ceux qui ont déjà fait leur chemin Brigitte Giraud, Lionel Duroy, Stéphane Audeguy, Dominique Fabre, Christian Garcin, Boualem Sansal... Et, parmi les débutants Alexis Jenni (si tant est qu'on puisse rattacher le Goncourt 2011 à cette catégorie), Stéphane Chaumet, Virginie Deloffre,  Hélène Gestern, Raphaëlle Riol, Nicole Roland... Sans oublier des auteurs de langue étrangère n'ayant pas encore été traduits comme le Portugais Nuno Camarneiro, l'Espagnol Mario Crespo ou l'Allemande Astrid Rosenfeld...


   Juin-2012--Chambery--Rousseau-049.jpgLa seule fausse note de clôture est venu du ciel. La pluie n'aura, en effet, pas permis au final d'atteindre l'éclat que lui promettait, à quelques encâblures du chef-lieu savoyard, le très champêtre site des Charmettes où cependant, quel que soit le temps, les jardins restent à jamais imprégnés de fraîcheur et d'éternité, apanage rêvé de tous les premiers romans du monde. Le Festival s'est terminé le nez dans le ruisseau. Promis,juré: ce n'est pas la faute à Rousseau. D.P.  

 

Deux scènes parmi d'autres de la journée de clôture du Festival:

- Alexis Jenni ou l'art français du buffet.

- La rêverie de deux promeneurs solitaires - et mouillés - dans le parc des Charmettes. Photos D.P.  

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 16:38

magazine Europe    A lire, dans le dernier numéro de la revue Europe, outre le riche  dossier consacré à Jacques Dupin et un pertinent ensemble réunissant, "Dans l'amitié des poètes", Esther Tellermann, John Ashbery, François Zénone, Emmanuel Laugier et Franck André Jamme, une note de lecture de Didier Pobel consacrée à Fraternité secrète, le beau recueil de "Correspondance 1975-2009" entre Jacques Chessex et Jérôme Garcin paru en début d'année chez Grasset (25 euros).

 

   (in Europe, juin-juillet 2012, n° 998-999, 18,50 euros).

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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