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29 octobre 2012 1 29 /10 /octobre /2012 17:51

   Oct.-2012--Livres-a-vous---Premiere-neige-038.jpg                           Quint.jpg                             Molle.jpg                           Oct. 2012, Livres à vous + Première neige 018                            Oct. 2012, Livres à vous + Pignon Ernest 017                                                       Oct. 2012, Livres à vous + Pignon Ernest 045Oct. 2012, Livres à vous + Pignon Ernest 005Jourde.jpg            "Livres à vous", à nous, à eux... Pour sa quatrième édition, le Festival "Livres à vous" de Voiron s'est en effet conjugué, au cours du week-end dernier (26, 27 et 28 octobre), à toutes les personnes. Celles qui, malgré la plus inattendue des neiges, sont venues en nombre rencontrer les quelque trente écrivains, tous publics ou pour la jeunesse, rassemblés le dimanche au Grand Angle lors d'un vaste rendez-vous de signatures collectives. Celles, aussi, qui ont pris place à bord de ces drôles de bus de la culture roulant, le samedi, de ravissement en ravissement.

   Le premier itinéraire permettait ainsi d'aller écouter Pierre Jourde à "L'Estancot"  (il y lisait un extrait de son dernier roman, Le Maréchal absolu, avec  les complicités pianistique de John Cuny et artistique de Kristian Desailly), puis de filer à Saint-Geoire-en-Valdaine où Clothilde Berger-Sabatel réglait sa chorégraphie sur les mots de L'Invention du désir de Carole Zalberg, avant d'assister, sous les ferventes voûtes de l'église de Massieu, à la lecture d'un fragment de La Double vie d'Anna Song par son auteur Mingh Tran Huy, avec les improvisations au piano de Karol Beffa.
   Lors de la sortie, sous le porche, à l'heure de l'angélus, papillonnaient les premiers flocons qui, dans le même temps, jalonnaient le parcours du second bus programmé également pour trois stations. A Coublevie, le temps d'une escale scénique au cours de laquelle la compagnie Apethi proposait une adaptation de Du Domaine des murmures de Carole Martinez, invitée d'honneur de la manifestation, avec Bruno Heitz. A Saint-Blaise-du-Buis où les notes du violon d'Agnès Pereira se mêlaient aux mots d'une nouvelle de Jean-Claude Mourlevat. A la gare de Tullins, enfin, lieu propice s'il en est à une lecture d'extraits de Trains de vie et de Matins bleus  par leur auteur, Jean-Marie Laclavetine, dans le compagnonnage du pianiste Hugues de Nolly.
   Il faudrait, bien sûr, parler de toutes les rencontres qui, chacune à son niveau, ont su susciter une large audience. Dans les librairies, les bibliothèques, les écoles, les cafés, les hôpitaux, les maisons de retraite, les musées, les caves de la Chartreuse... Ou, de façon plus insolite, à bord des "voitures avec chauffeurs". Mais aussi, évidemment, sur scène. Des spectateurs particulièrement enthousiastes n'ont pas manqué de saluer la performance de Jacques Weber dans Eclats de vie, coup d'envoi du programme, le vendredi soir au Grand angle. Et la magnifique adaptation d'Effroyables jardins, le best seller de Michel Quint, par André Salzet du théâtre Carpe Diem d'Argenteuil, fut incontestablement, le samedi soir à la salle des fêtes, un moment exceptionnel de ce quatrième "Livres à vous" qui a rayonné - et c'est l'une de ses originalités - autour de pas moins de vingt-neuf autres communes du Voironnais.
   Un grand bravo à Marie-Lys, à Stéphanie, à Bernard, à Vincent, à toute l'équipe qui, dans le sillage du maire Roland Revil, et de l'ajointe à la culture et conseillère régionale Arlette Gervasi, est à l'origine de la programmation et de l'organisation de ce quatrième "Livres à vous"  pleinement réussi. "Livres à vous", à nous, à eux, à tous. D.P.
________________________
D'une image à l'autre : Carole Martinez, invitée d'honneur (avec l'illustrateur Bruno Heitz) ; Michel Quint avant le spectacle tiré de son livre le plus connu ; la surprise de Bernard Molle face aux premiers flocons à la sortie de l'église de Massieu ; Philippe Mouche, l'un des invités, debout devant la table où signent Didier Pobel  et Pierre Jourde ;  la lecture de Minh Tran Huy, avec le pianiste Karol Beffa, à l'église de Massieu ; André Salzet, interprétant Effroyables Jardins, seul sur la scène de la salle des fêtes de Voiron ; discussion entre Pierre Péju, Jean-Marie Laclavetine et Didier Pobel ; Pierre Jourde lors de sa lecture-performance à "L'Estancot" de Voiron. Photos D.P  (Cliquez pour agrandir).  
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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 14:41

                                          Oct.-2012--Voiron--Autour-d-un-verre-002.jpg                     Oct.-2012--Voiron--Autour-d-un-verre-003.jpg                                                                

 

A noter sur vos tablettes, un rendez-vous qui approche: le Festival  "Livres à Vous" de Voiron se tiendra en effet, les 26, 27 et 28 octobre avec, au côté des invités d'honneur, la romancière Carole Martinez et l'illustrateur Bruno Heitz, de nombreux autres participants, pami lesquels Pierre Jourde, Jean-Marie Laclavetine, Nathalie Kuperman, Michel Quint... Sans oublier la présence d'auteurs "régionaux" qui n'ont rien de régionalistes, d'Anne Châtel-Demenge à Philipe Napoletano, en passant par Corine Pourtau, Philippe Mouche ou votre serviteur blogueur qui signera ses poèmes (Liaisons intérieures et autres lignes) et son roman (Couleur de rocou) le dimanche 28 au Grand Angle.  

 

En une sorte de prologue à "Livres à Vous", une rencontre a réuni, jeudi dernier, plusieurs auteurs au restaurant "Autour d'un vin" à Voiron. On voit sur la première photo  Philippe Mouche (à droite) et Didier Pobel (au centre). Et sur la seconde, Anne-Châtel-Demenge et Philippe Napoletano, encadrant la conseillère régionale Arlette Gervasi. Photos D.P.  (Cliquez pour agrandir). 

 

   - On découvrira le programme complet sous le lien suivant:

 

    A noter encore que, pour le lancement de "Livres à Vous", je serai, ce jeudi 25 octobre, à 11 heures, avec Arlette Gervasi, invité du "JT des Voironnais", présenté par Marie-Caroline Abrial, sur TéléGrenoble.

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8 octobre 2012 1 08 /10 /octobre /2012 14:59

 Oct.-2012--Vercors--expo-Gaudu-016.jpg- Pierre Gaudu, peintre et photographe reconnu, se plaît à interroger avec malice et Oct.-2012--Vercors--expo-Gaudu-008.jpgOct.-2012--Vercors--expo-Gaudu-017.jpgpertinence les limites, et donc aussi les complicités, propres à ses deux activités. Certes, l'exposition qui lui est actuellement consacrée à La Chapelle-en-Vercors se rattache uniquement à la seconde forme d'expression, mais avouons que par moments on pourrait presque s'y tromper. Ainsi, la verdoyante touffeur végétale, fragmentée en une multitude d'"images"  de sa série des Tropiques,  est-elle née du pinceau ou de l'objectif? Difficile d'échapper au trouble initial. "Trouble"  est d'ailleurs bien le mot qui convient puisque c'est là où la vue se brouille, comme si une buée s'immisçait entre l'oeil et l'objet observé, que l'émotion affleure le plus sûrement.
   Ce que cherche à photographier l'artiste grenoblois n'est rien d'autre, en fait, que ce qui se dérobe au-delà du visible, que ce soit derrière les Voiles d'hivernage tentant de protéger un univers familier voué à sa perte ou dans le lac lamartinien à la surface duquel s'ébat un palmipède en forme de très homophonique Signe qui ne trompe pas. Alternant le noir et blanc et la couleur, le plan large ou le détail, le concret et l'"abstrait", Pierre Gaudu frappe à la Porte de la lumière en une sorte de quête matricielle à même d'exorciser la solitude de son monde dénué ici de toute présence humaine. A l'exception des visages de "Muses", en écho à une précédente exposition au Musée Hébert de La Tronche, perçus parfois à travers le prisme d'Une larme, sinon encore de ces personnages lilliputiens écrasés par la majesté des arbres d'un Conte de la forêt  empreint tout à la fois de puissance et d'onirisme.

   "Images nichoirs", "images tiroirs", images antres"... Saluons la justesse des mots de Vincent Prud'homme dans le beau catalogue édité pour l'occasion. En inaugurant l'espace galerie de sa thébaïde du Vercors avec Gaudu, l'ex-sculpteur devenu guide de randonnée ne pouvait pas mieux faire la preuve de sa multiple aptitude à montrer la voie. D.P. 

  
(Exposition "Un signe qui ne trompe pas"  de Pierre Gaudu, à L'Espace "Vu d'ici", Les Finets 26420 La Chapelle-en-Vercors. Visite guidée en présence de l'artiste le 20 octobre, soirée de clôture le 27. Renseignements au 06 62 01 53 61).
 
Un aperçu de l'oeuvre photographique de Pierre Gaudu à La Chapelle-en-Vercors: de la série en couleur des "Tropiques", toute de moiteur de serre, à celle des "Voiles d'hivernage" tendues en noir et blanc comme des écrans devant un monde familier en péril. Photos D.P. (Cliquer pour agrandir).
 
     
  Sept.--oct.-2012--Vendanges-litteraires-173.jpg - Bonheur d'une escale à Céret entre amis. Antoni Tapiès, à sa manière, est un peu des Sept.--oct.-2012--Vendanges-litteraires-175.jpgSept.--oct.-2012--Vendanges-litteraires-176.jpgnôtres aussi. La grande exposition qui lui rend hommage depuis le 30 juin va s'achever. Plaisir décuplé que de flâner en ce lundi d'automne, dans cette Mecque du cubisme, où une lumière de cerise passée reste suspendue au-dessus des collines du Vallespir. Déjeuner sous les parasols du "Café de France"  sur un set de table imprimé d'un vernis et crayon sur bois de 1989 intitulé Sofa. Brève halte devant l'intimiste librairie "Le Cheval dans l'arbre" dans laquelle nous n'entrerons pas. C'est jour de fermeture.
   Quelques pas encore et le Musée s'ouvre avec ces mots du peintre, gravés parmi d'autres sur l'un des murs:  "Toute chose intimement ressentie peut se métamorphoser en symbole d'une situation universelle". Le reste, si l'on ose dire, est à l'avenant. Des toiles avec des sillons tracés dans une sorte de pâte terreuse. Marron, ocre, vestiges de calcination, de sang séché. Papiers, tissus, fil de fer. Traces de pieds et Mains de Clara. Présence du corps en lambeaux. Ici, des Effets de jambes en relief ; là, un Coeur rouge. Dans Diptyque de vernis (1984), la croix, signe fétiche de l'artiste catalan, est pointée vers ce qui symbolise un sexe féminin. Plus loin, un Squelette sur matière de 2001 nous happe. Spectre osseux blanc sur fond noir, comme en fusion.

   Le siècle de Tapiès (1926-2012), jalonné de guerre civile et de franquisme, est tout entier déchirure, écorchure, biffures, incision. A l'image de son oeuvre, ou inversement. Totems, graffittis, moulages, calligraphie du désastre et d'une "espérance violence", selon l'expression d'Apollinaire. Et pourtant, avant de quitter le Musée, cette autre phrase murale inscrite à la manière d'une invitation: "La peinture peut tout être (...). Elle peut être ce que nous sommes, ce qui est aujourd'hui, maintenant, ce qui sera toujours". D.P.  
 
("Image, corps, pathos" d'Antoni Tapiès, jusqu'au 14 octobre, Musée d'Art Moderne 8, bd Maréchal Joffre BP 60413 66403 Céret Cedex. Renseignements au 04 68 87 27 76.  contact@musee-ceret.com).
 
Regard sur l'univers d'Antoni Tapiès au Musée d'art moderne de Céret, dans les Pyrénées-Orientales. Photos D.P. (Cliquer pour agrandir).

 

 

  

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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 09:01

                                                                                                                                                                                              Echen.Carole, Echenoz,LhéritierCoulon Echenoz devant foudreRouanet-OnfraySalleDP,Onfray, Bernard

Sur scèneSept.--oct.-2012--Vendanges-litteraires-130.jpg

Echenoz-signant.jpgCoulon-Bardet devant foudreBernard, DP, Cécile Coulon 

 

 

 

 

 

 

 

   Au fil des images (cliquez pour les agrandir) de la riche affiche 2012: Jean Echenoz interrogé par Carole Vignaud et Henri Lhéritier ; Cécile Coulon et Jean Echenoz ;  Marie Rouanet en conversation avec Michel Onfray ; la foule attentive dans la salle des Dômes ; Michel Onfray entouré de Didier Pobel et du président Bernard Revel ; lors de la remise des prix, de gauche à droite: Henri Lhéritier, Michel Onfray, Sylvie Coral, Chantal Lévêque, Marie Bardet, André Bascou, le maire de Rivesaltes, et Cécile Coulon ; Michel Onfray répondant aux questions de Christian Di Scipio et Marie Bardet ; Jean Echenoz à l'heure des dédicaces ; Cécile Coulon, prix "Coup de foudre", posant au côté de Marie Bardet devant... le foudre de la "Maison du Muscat" ; Bernard Revel, Didier Pobel et Cécile Coulon à table après la cargolade.

Photos D.P. et Gh.P.   

 

  

   

chronique-14-1---2-.jpg 

  Cliquez sur l'image ci-contre pour lire également la chronique de Bernard Revel sur "14"  de Jean Echenoz dans La Semaine du Roussillon du 27 septembre au 3 octobre (n° 851).

 

 

   

   En ce dernier week-end de septembre, la météo catalane n'allait tout de même pas laisser passer ça. Le dixième millésime des "Vendanges littéraires"  a eu droit - après tout, c'était bien le moins - à un ciel d'encre. Avec nuages, trombes d'eau et roulements de tonnerre. Dès le samedi matin, il fallait se rendre à l'évidence. La traditionnelle cargolade n'aurait pas lieu dans le cadre champêtre des vignes mais à "La Maison du muscat"  voisine et, contraintes de délaisser le vénérable platane de la place centrale de Rivesaltes, les rencontres se "replieraient" dans la salle des Dômes. Qu'importe! Ce n'était pas la première fois que Michel Onfray, nietzschéene cerise sur le gâteau d'anniversaire, s'exprimait dans ce bel espace où le public s'est à nouveau massé pour communier avec le philosophe hédoniste venu vanter "l'Internationale des provinces"  et dénoncer "l'opinion publique faite par des ratés, des crétins".
   L'orage? Il en aurait fallu plus, également, pour ôter son flegme à celui qui, en 2010, publia un roman intitulé, cela ne s'invente pas, Des éclairs. Mais c'est plus précisément pour 14 (Minuit), son minimaliste et magistral "opéra"  sur la Grande Guerre, que Jean Echenoz a reçu le prix des "Vendanges", lequel, comme à l'accoutumée, se présente sous la forme d'une barrique (soit la bagatelle de 225 litres!) du précieux nectar du pays d'Agly. Un auditoire attentif s'était déplacé pour saluer et écouter celui dont la prose, grave par le sujet, est aussi magnifiquement empreinte d'inflexions burlesques.

   Mais l'originalité d'une telle initiative, outre le fait qu'elle conjugue avec pertinence art de lire et art de vivre, réside à coup sûr dans son palmarès diversifié. Et si Adrienne Cazeilles, chantre de la nature et auteur notamment de Voyage autour de mon jardin (Trabucaire), n'a pas pu faire le déplacement pour recevoir son prix Vendémiaire (on a, toutefois, entendu son émouvante voix rocailleuse exorciser la démesure et le feu), Marie Rouanet et Cécile Coulon étaient bien là. La première, couronnée du prix Jean-Morer pour L'Arpenteur (Albin Michel), et la seconde honorée, pour Le Roi n'a pas sommeil  (Viviane Hamy), d'un coup de foudre du jury auquel faisaient écho à la fois les éléments et les fûts géants du même tonneau.  A Marie la sagesse et la sensualité au service d'un monde rural qui s'efface. A Cécile la fougue et la fraîcheur de ses vingt-deux ans essaimées dans le sillage de Steinbeck, de Stephen King, de Prévert ou de René-Guy Cadou.
   Que dire d'autre sinon féliciter la vaillante équipe sans laquelle, autour du maire André Bascou, il n'y aurait eu ni parfaite organisation ni débats menés tambour battant. Remercions donc le président Bernard Revel, le vigneron-écrivain Henri Lhéritier, Christian Di Scipio, Marie Bardet, Sylvie Coral, Chantal Lévêque et Carole Vignaud. Avant de leur donner rendez-vous en 2013, de préférence sous le soleil. Encore que les "vendangeurs littéraires" de Rivesaltes savent désormais prouver que, pluie ou pas, il n'est pas question pour eux de mettre de l'eau dans le vin de leur passion. D.P.     
 
 
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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 23:05

- "Un signe qui ne trompe pas": c'est autour de ce titre que s'organisne la nouvelle exposition du talentueux peintre et photographe Pierre Gaudu dont le vernissage aura lieu ce samedi 29 septembre, à partir de 18 heures.

 Jusqu'au 27 octobre, "VU-D'ICI" / La Chapelle-en-Vercors / Les Finets (Drôme). Rens.: 06 62 01 53 61.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur ce blog: 

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27 septembre 2012 4 27 /09 /septembre /2012 18:00

 Sept. 2012, Bény, Beaux Quartiers 006                                                                                                  Sept. 2012, Bény, Beaux Quartiers 011-copie-1A découvrir, dans Beaux Quartiers, l'excellent magazine grenoblois consacré à l'art de vivre, au design et à la culture, le pertinent article consacré à mon roman Couleur de rocou. On lira aussi, au fil du riche sommaire, outre un dossier très complet sur les bistrots de la capitale des Alpes, une présentation de l'exposition Fantin-Latour au couvent Sainte-Cécile, une visite du musée Stendhal inauguré le 15 septembre dernier, ainsi qu'un portrait de Robert Pierrestiger, le sculpteur aux "sept vies" de la campagne de la Bièvre. A consommer sans modération (n°12, automne 2012, 5 euros).

(Cliquer sur les images pour les agrandir).

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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 11:05

   Echen.   A Rivesaltes, à l'heure des vendanges, on coupe le raisin et on cueille les livres. Et cela depuis une décennie. Oui, dix ans déjà qu'un petit groupe d'amis passionnés lisent, débattent, choisissent, partagent, rassemblent. Dix ans que Marie Bardet, Christian Di Scipio, Sylvie Coral, Chantal Lévêque, Carole Vignaud, Henri Lhéritier, vigneron et écrivain, et le président Bernard Revel ont mis sur pied - on devrait dire sur cep - des rencontres festives ponctuées de remises de trophées pas tout à fait comme les autres. Et disons-le d'emblée, le cru 2012 est exceptionnel. Après Charles Juliet en 2010 et Bernard Pivot l'année dernière, c'est Jean Echenoz, écrivain phare des éditions de Minuit et Goncourt 1999 pour Je m'en vais, mais également auteur de Cherokee (1983), de Lac (1989), de Ravel (2006) ou de Courir (2008), qui recevra le nouveau prix des "Vendanges Littéraires", pour son dernier roman, évoquant de façon magistrale la Grande Guerre et sobrement intitulé 14 (1).

   Sobrement? Le mot n'est pourtant guère de circonstance en PA021548.JPGpareil contexte puisque le lauréat reçoit une barrique (de 225 litres!) du délicieux vin de ce pays de mer, de soleil et de tramontane. Mais Echenoz ne sera pas le seul à l'honneur au cours du dernier week-end de septembre sur les rives de l'Agly. L'épicurienne Marie Rouanet se verra remettre le prix Jean Morer pour L'Arpenteur (Albin Michel), la jeune Cécile Coulon, le prix coup de foudre pour Le Roi n'a pas sommeil (Viviane Hamy) et Adrienne Cazeilles le Vendémiaire pour Voyage autour de mon jardin paru chez Trabucaire.
   C'est tout? Ce serait oublier qu'une décennie, ça se célèbre. Si possible autour d'une figure emblématique. Les organisateurs n'ont pas eu à chercher longtemps. Ce ne pouvait être que l'érudit autant que populaire Michel Onfray qui, depuis sa brillante prestation à succès lors de l'édition 2009, est désormais presque aussi enraciné en terre roussillonnaise que le vénérable platane autour duquel se déroulent les rencontres. N'ayons pas peur des mots: ce qui se passe à l'aube de l'automne au pays du muscat n'est rien moins que l'une des plus sympathiques et des plus efficaces célébrations de la création littéraire et de la convivialité qui devrait toujours aller de pair. 

 

 
- Samedi 29 et dimanche 30 septembre à Rivesaltes, Pyrénées-Orientales.
 
(1) 14 de Jean Echenoz, Minuit, 128 p., 12,50 euros, ouvrage ainsi résumé en quatrième de couverture: "Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état".
 
En photo (cliquer pour agrandir), l'affiche 2012 et une belle image de l'édition précédente sur laquelle on reconnaît Christian Di Scipio, André Bascou, le maire de Rivesaltes (à l'arrière-plan, de profil), Bernard Revel et Bernard Pivot. Documents DR et DP. 
____________________________________
 
Au programme:
Samedi 29 septembre
14h-18h : Déambulation littéraire et gourmande en présence des éditeurs régionaux, de la librairie Torcatis et des vignerons de l'Agly.
15h : remise des prix aux auteurs.
16h : rencontre-débat avec Michel Onfray, prix Spécial dixième anniversaire.

Dimanche 30 septembre
10h-18h : Déambulation littéraire et gourmande en présence des éditeurs régionaux, de la librairie Torcatis et des vignerons de l'Agly.
10h : Rencontre-débat avec Adrienne Cazeilles, prix Vendémiaire.
11h : Rencontre-débat avec Cécile Coulon, prix Coup de foudre.
14h : Remise des prix aux auteurs, suivie d'une séance de dédicaces.
15h : Rencontre-débat avec Jean Echenoz, prix 2012 des Vendanges littéraires.
17h30 : Rencontre-débat avec Marie Rouanet, prix Jean Morer.
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13 septembre 2012 4 13 /09 /septembre /2012 09:47

   Sept.-2012--Drome-et-Ardeche-047-copie-2.jpg- Retour à Vogüé par les petites routes d'Ardèche où l'été fait des méandres. Les vendanges Sept. 2012, Drôme et Ardèche 056se préparent. Un peu partout des panneaux disent "Non au gaz de schiste!". Au bord de la rivière, comme aux plus beaux jours, les baigneurs étendent leurs serviettes sous le "tacatam" des autos franchissant le pont de bois haut perché. Le château est là qui nous attend magistralement adossé à la falaise. Chaque exposition accueillie entre ses quatre tours rondes est un enchantement. Celle qui s'y tient en ce moment ne fait pas exception.

   Ce qui d'emblée accapare dans l'univers de Bang Hai Ja, c'est, aveuglante ou calme veilleuse, la lumière. La plupart des oeuvres comportent d'ailleurs ce mot-là dans leurs titres: Matière-lumière, Souffle de lumière ; voire, expression du paroxysme de cette quête , Lumière née de la lumière. La série de travaux regroupés autour de ce vocable se décline en différents registres complémentaires. Tantôt ruissellement vertical au centre d'une toile, tantôt reproduction de motifs identiques disséminés sur la surface, jusqu'à cette notion d'infini captée dans la Lumière de l'univers (2009). "Là où s'offrent / la paix et la lumière / l'inaltérable joyau de la haute connaissance". Ces vers, sous l'une des vitrines, sont signés Charles Juliet. L'écrivain est, depuis longtemps déjà, un admirateur de l'artiste née à Séoul en 1937 et arrivée à Paris au printemps 1961.

   Avec Bang Hai Ja, il a réalisé un beau livre publié chez Voix d'Encre, à Montélimar, en 2007: Une joie secrète. Deux mots qui traduisent bien la part commune de leurs démarches. L'une portée par le langage. L'autre par les couleurs, les irisations, les effets de transparence, les "phosphorescences, les frottis, les éclaboussures", pour reprendre encore les termes de l'auteur de L'Année de l'éveil. Bang Hai Ja répartit ses pigments naturels sur des supports géotextiles ou sur du papier, parfois froissé et remodelé pour mieux interroger l'infime empreinte des plis où se frôlent Orient et Occident.

   Au centre de la salle du deuxième étage, des cylindres suspendus au plafond comme des lanternes dialoguent, qui sait, avec la voie lactée. Au premier, des sortes de bannières, accrochées aux murs, se déploient pour une fête des sens doublée d'une invitation à l'aventure spirituelle. Parfois, un drôle de papillon s'y est posé. D'où venu, l'insecte butineur d'or et de reflets? De l'enfance à coup sûr. Cette enfance où le scintillement d'une rivière est resté à jamais le défi suprême à relever pour la plasticienne qui travaille désormais, une bonne partie de l'année, dans sa vaste maison proche de Privas. A quelques encablures de Vogüé où - merci à l'association "Vivante ardèche", à Ginette Dajoux, à Roger Plasse et les autres - il faut courir, toutes affaires cessantes, s'inventer une rentrée sous le signe magique de Bang Hai Ja. D.P.   

 

(Oeuvres de Bang Hai Ja, au château de Vogüé - à une dizaine de kiomètres au sud d'Aubenas -, jusqu'au 1er novembre. Rencontre-conférence en présence de l'artiste le 15 septembre à 17 heures, dans le cadre des Journées du Patrimoine. Renseignements au 04 75 37 01 95).

 

Qu'elle tombe du ciel ou qu'elle éclabousse les murs, la lumière est omniprésente dans l'oeuvre de Bang Hai Ja. Photos D.P.

 

 

   Sept.-2012--Drome-et-Ardeche-007.jpg- C'était un beau jour de 1926 ou quelque chose comme ça. André Lhote avait hâte de filer Sept. 2012, Drôme et Ardèche 014vers le Sud. Le vrai, celui de la mer et du plein soleil. Mais c'est quoi, là, ces vestiges de pierres entassés sur leur butte? Et d'abord où sommes-nous? A Mirmande, dans la Drôme. Est-ce dû au magnétisme du site ou à la seule fatigue du voyageur qui, parti de Paris, commençait à trouver la route longue? Toujours est-il que Lhote bifurque, gravit le chemin des pins qui mène jusqu'au sommet et découvre... rien. Entendez par là rien qui vive. Mirmande n'est alors qu'un ensemble de maisons en ruines.

   Pas une âme vaillante? Si, en voilà une. C'est le facteur dont on se demande ce qu'il peut bien distribuer dans cet enclos de désolation. "Y'a des maisons à vendre ici?"  Réponse laconique du préposé des Postes: "Oui". Le dialogue ne sera pas long. "Lesquelles? "Toutes!". André Lhôte jette alors son dévolu sur l'une de celles qui a conservé son toit. C'est dans le bas du bourg, façade orientée du côté de l'Ardèche. "Combien elle vaut?" s'enquiert-il auprès du propriétaire. "C'est bien simple, il y a 3000 tuiles ; à un franc la tuile, ça fait 3000 francs". "La tuile était la seule chose qui avait de la valeur, le reste était encombrement"  se souviendra André Lhote dans ses Petits itinéraires à l'usage des artistes publiés en 1943, chez Denoël.

   Appelons cela comme on voudra, un coup de coeur ou un coup de foudre. Le peintre cubiste, né en 1885 à Bordeaux, va en tout cas s'installer dans ce village dont l'un des maires s'appellera, dans les années 80, Haroun Tazieff. Il y travaillera avec fougue. Il y formera beaucoup d'élèves. Il y recevra ses amis, notamment le poète Jules Supervielle. Plus d'un demi-siècle après, les témoins de l'époque sont rares mais les oeuvres réalisées sur place par celui qui sera à l'origine de la renaissance du bourg sont nombreuses. Citons Le Rocher de Saoû (1935), Neige, vallée du Rhône (vers 1940), Pins sur la colline (1958), la saisissante Grande foudre à Mirmande, une gouache de 1959, ou bien encore cette émouvante scène de moisson, reproduite sur l'affiche, avec des jaunes et des verts fanés qui "tendent des hamacs pour le repos des dieux" (Paysage à Mirmande, 1940).

   Amateurs d'art ou simples touristes se sont bousculés tout au long de l'été pour découvrir le bel accrochage proposé encore jusqu'à la fin du mois dans l'église Sainte-Foy, sauvée elle aussi du désastre par le peintre qui mourra à Paris en 1962. Allez-y, vous aurez tout à gagner d'être, pour quelques instants rares, les hôtes de Lhote. D.P. 

 

(Jusqu'au 30 septembre, à l'église Sainte-Foy de Mirmande, dans la Drôme. Renseignements au 04 75 63 03 90).

 

Paysage à Mirmande  et Neige, vallée du Rhône, deux oeuvres de 1940, à découvrir dans le cadre somptueux de l'église Sainte-Foy à Mirmande. Photos D.P.

 

   - Sept.-2012--Drome-et-Ardeche-022.jpgPas de parcours sudiste sans un crochet par Dieulefit. Sur les allées du Parol, les galeries de Michèle Emiliani et de Philippe Bentley se côtoient. Chez la première, l'exposition Jacques Pouchain vient de se clore, mais on y trouve encore une partie de ses toiles et de ses céramiques. Des grès peints, très rares. Des volumes comme détachés du magma originel. Des pièces vernies. Du bleu, du rouge vif, des gris qui ne sont jamais, au fond, pour leur utilisateur, qu'une autre façon de tutoyer le noir. Redécouvrons aussi, trésors pour les yeux, les récentes toile vénitiennes du Lyonnais Patrice Giorda. Et puis une pépite: les petits formats de Charlotte Culot, une artiste belge qui travaille en France. D.P.

 

(Galerie Emiliani Le Parol Allées des Promenades 26220 Dieulefit. Renseignements au 04 75 46 30 28).

 

Un aperçu de l'univers de Jacques Pouchain à la galerie Emiliani de Dieulefit. Photo D.P.

 

 

   - Sept.-2012--repros-001.jpgA la porte voisine, chez Artenostrum, l'accrochage d'été est également terminé à ce jour. On ne peut que regretter de ne pas être venu plus tôt en invitant tous ceux qui ne connaissent pas Noémi Adda à remédier à cette lacune. Ses envoûtants paysages de la Drôme provençale - elle partage son temps entre Paris et Truinas, le territoire voisin du poète André du Bouchet (1924-2001) -, tout en nature vibrante sous la fascinante palette de verts, de rochers, de collines, de champs pentus comme des "lutrins géants", selon la belle formule d'Anne de Staël, font songer à quelque Toscane réinventée à travers des toiles grattées de petits traits, striées de brindilles envolées, animées de songeries et de souffles secrets. Mais ce sont les arbres, peut-être, les plus importants chez Noémi Adda. "Ils sont comme dans Shakespeare, ils semblent courir", dit encore Anne de Staël. Et l'artiste ne la dément pas: "Un arbre, c'est très difficile à peindre, il ne pose pas, il est en devenir continu et n'est jamais le même d'un jour à l'autre, si ce n'est d'une heure à l'autre". D.P.

 

(Artenostrum Le Parol Allées des Promenades 26220 Dieulefit. Renseignements au 04 75 46 83 30).

 

Dans les toiles de Noémi Adda, "les arbres sont comme dans Shakespeare, ils semblent courir". Photo D.P.

 

 

    - Sept.-2012--Drome-et-Ardeche-040.jpgEncore une halte bienvenue. C'est à Montélimar, dans le superbe espace Saint-Martin, qui Sept.-2012--Drome-et-Ardeche-039.jpgfut jadis une caserne. Quatre artistes bien différents, quoique pas réunis par hasard sous le thème des "Figurations(s)", invitent à un itinéraire à la fois émouvant et ludique. Les vastes "images peintes"  du Drômois d'adoption Gérard Schlosser, "cadreur"  de fragments anatomiques et de gros-plans de scènes campagnardes, jouxtent les étranges tableaux "techniques"  de l'Allemand Peter Klasen, inlassable questionneur de la société industrielle. Et les fresques peuplées de l'Argentin Antonio Ségui, sondeur jusqu'au vertige des solitudes urbaines, ne sont jamais très loin des sculptures post-giocomettiennes de l'Allemand Alex Cassel. D.P. 

 

("Figuration(s), jusqu'au 28 octobre, au Musée d'art contemporain Saint-Martin 2, avenue Catelin 26200 Montélimar. Renseignements au 04 75 92 09 98).

 

Deux tableaux de Gérard Schlosser et d'Antono Ségui à découvrr en ce moment à l'espace Saint-Martin de Montélimar. Photos D.P.

 

 

   - Sept.-2012--repros-003.jpgSignalons enfin que Christine Bry, qui vit et travaille à Grignan, prépare une nouvelle exposition parisienne dans laquelle elle présentera de récentes toiles, parfois déployées en diptyques, réunies autour du thème des "Parois", ce qui amène Jean Rouaud, dans l'un des articles du beau catalogue imprimé pour l'occasion, à esquisser un parallèle entre le monde des grottes et celui de l'artiste drômoise: "A Chauvet, l'homme est absent (...). Dans les tableaux de Christine Bry on note toujours son absence, on se perd dans le même vide sidéral. C'est qu'entretemps, après avoir conquis le monde, ivre de son pouvoir, le même homme a trouvé le moyen d'inventer la solitude et de mettre en scène sa propre disparition". D.P.  

 

("Parois" de Christine Bry, du 18 septembre au 7 octobre, galerie "L'Oeil du huit" 8, rue Milton 75009 Paris. Renseignements au 01 40 23 02 92). 

 

 
 

 

 
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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 21:48

 La Une de Libération est sans concession pour Bernard Arnault.Ouf, tout n'est pas amorphe dans notre fichu pays en crise. On sait encore s'énerver pour une Une de journal. Mieux: on peut même porter plainte contre un titre. Bernard Arnault a en effet décidé d'attaquer Libération pour "injures publiques proférées à son égard". Il faut dire que l'apostrophe dénonçant sa demande de naturalisation belge était gratinée en kiosques lundi matin: "Casse-toi, riche con!".
   Vulgarité, agressivité, invective? Bien sûr, comme ça, à brûle-pourpoint, on peut comprendre la réaction du "boss"  de LVMH. Ces mots-là ne sont pas des plus sympas, c'est le moins qu'on puisse dire. Sont-ils choquants pour autant? A la direction du quotidien, on ne voit pas où est le mal. C'était de l'humour, se justifie-t-on. Quelque chose comme une formule-choc à rattacher à l'esprit rebelle initial du titre.

   Soit. Mais le problème, c'est l'insulte car quel que soit l'accommodement, une insulte est une insulte. Tiens! Qu'on nous permette, en toute confraternité, une suggestion après coup: Si Libé avait clamé "Casse-toi, pauvre riche!", le message aurait sans doute perdu en violence et gagné en efficacité satirique.
   Bah! La seule chose réjouissante dans ce "buzz"  du moment qui ne pèse hélas vraiment pas très lourd dans le contexte actuel, c'est que - merci Stéphane Hessel! - l'indignation reste bien toujours de mise. Qu'elle s'exprime à travers une manchette de journal. Ou qu'elle émane de (certains de) ceux qui la lisent.
   Seule l'histoire de la presse dira, avec le recul nécessaire, s'il s'agit d'un titre d'anthologie ou d'une méchante invective taille patron. D.P.

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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 21:10

   Richard Millet va-t-il devoir quitter Gallimard?   La rentrée littéraire, c'est un truc bizarre. Des tonnes de papier. Des éloges et des soupirs.  Deux ou trois noms incontournables et des centaines de laissés-pour-compte. L'événement? Il est là et pas ailleurs, ne cherchez pas, c'est écrit là-haut, comme disait Jacques le Fataliste, et cela souvent même avant que les bouquins n'envahissent les têtes de gondole des libraires submergés. Et puis chaque fois, c'est pareil. Un trublion vient bousculer l'actu qui semblait toute tracée.
   Cette année, il s'appelle Richard Millet. Un écrivain magistral, qui publie depuis 1983, écartelé entre ses racines corréziennes et son long exil libanais. Un fervent de la langue française dont chaque phrase engage entièrement son scripteur. En voici une, choisie presque au hasard, dans un récit intitulé Le Renard dans le nom (Gallimard, 2003):"Car c'est un peu la même chose, n'est-ce pas, ce qui a eu lieu et ce qu'on raconte: l'épaisseur d'une voix, ce temps qui se ramasse dans la bouche, le temps devenu salive, air et sang, la traversée de cette forêt morale et spirituelle qu'on appelle une vie".

   Admirable, non? Sauf que ce petit ouvrage est déjà ancien et que, tout récemment, Richard Millet, qui n'en est pas tout à fait à sa première provoc, a publié un Eloge littéraire d'Anders Breivik , hélas plus tout à fait du même tonneau. Car s'il se défend de tout plaidoyer en faveur du tueur de l'île d'Utoya, le pamphlétaire n'en salue pas moins la "perfection formelle" de celui qui, à ses yeux, est "sans doute ce que méritait la Norvège" (sic).
   Il n'en fallait pas plus - c'est une façon de parler - pour que le curseur de septembre se braque sur la maison Gallimard où non seulement l'écrivain controversé a publié une bonne partie de son oeuvre, mais où il officie également en tant que découvreur de talents goncourables, tels que Jonathan Littel, sacré en 2006, et Alexis Jenni l'année dernière. Le temple feutré de la rue Sébastien-Bottin, rebaptisée récemment Gaston-Gallimard, en a certes vu d'autres depuis Céline et Drieu. N'empêche, la colère y gronde en cette fin août où ce qui s'y murmure ou vocifère prend des proportions de scandale au Vatican.
   En attendant qu'Antoine, le PDG en vacances, fasse entendre sa voix, les gazettes se passionnent pour l'affaire. L'Angélus de Millet s'est-il définitivement transformé en glas? L'inattendu feuilleton de la rentrée n'a probablement pas livré son dernier mot. Du cousu main pour un romancier en mal de sujet. Avis aux amateurs. Le Goncourt, qui sait, est peut-être à la clé. D.P.     

 

(*) Le texte en question constitue la seconde partie du volume intitulé Langue fantôme (Pierre-Guillaume de Roux éditeur, 128 p., 16 euros).

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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