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29 août 2019 4 29 /08 /août /2019 10:47
Dans le dernier numéro de la revue "Europe"
Dans le dernier numéro de la revue "Europe"

Merci à Michel Ménaché pour son attentive lecture de mon nouveau livre. Et cela dans le n° 1085-86, septembre-octobre 2019, de la vénérable revue Europe, dont le dossier est consacré à... Tintin!
Ah! on est bien, Tintin..., comme disait l'autre.
_____________

 

Didier POBEL : "Tous les chagrins porteurs de lance"
(Éd. Le temps qu’il fait, 15 €)

C’est au poète arménien Armen Lubin que Didier Pobel, poète, romancier - qui fut aussi journaliste et critique littéraire -, emprunte le titre de son dernier ouvrage : "Tous les chagrins porteurs de lance". En écho à ce vers détaché des Porteurs de lance ("Le Passager clandestin"), c’est bien souvent du manque et de l’absence qu’il est question dans la plupart des récits de ce recueil d’histoires d’une humanité profonde. L’auteur puise principalement dans ses souvenirs pour faire revivre des témoins disparus, des personnages hauts en couleur, et relater avec empathie, humour grinçant parfois, des faits divers cocasses ou tragiques. D’autres récits sont de pure fiction, portant un regard ironique sur l’air du temps, les changements d’un monde déconcertant qui échappe de plus en plus vite à nos représentations. Entêtement quasi obsolète aujourd’hui de prendre encore le temps du recueillement et de la méditation…

La seconde histoire évoque un personnage énigmatique qui fume sous la pluie en attendant devant une entrée définitivement close. Étrange étranger, passager clandestin de la vie - tel Armen Lubin, errant d’asile en asile, se fabriquant une fenêtre « sans rien autour ». L’attente sans fin : « Il attend que la pluie soit femme à perpétuité […] Il attend que la pluie, sa dernière compagne, ne s’arrête jamais de murmurer à son oreille. »
Pudeur et sobriété, dans le quatrième récit. L’ami d’enfance, Pascal, n’attend plus rien de sa vie. Il retourne comme autrefois du côté de la voie-ferrée où ensemble ils regardaient passer la micheline. Cette fois, Pascal est seul, et s’il est revenu c’est pour se coucher sur les rails… Seul aussi, pas tout à fait, le père sur son lit d’hôpital. Les derniers gestes de tendresse à peau nue, quand on ne peut plus rien tenter. Au-delà des souvenirs, ces gestes ultimes sont comme incrustés dans les paumes, hors du temps : « images de nuit sans pareilles et familières qui passent et repassent en surbrillance devant mes yeux. En continu. »
Dans "Peau de chagrin", la fin de l’hiver est annoncée par la perte de gants au bord des routes. Les souvenirs littéraires du narrateur affluent, d’abord La main coupée de Cendrars. Un seul gant à l’abandon, comme une première hirondelle aux avant-postes du renouveau. L’art de la chute : « Un gant, un unique gant, c’est bien le printemps qui se fait la main. » Autre métaphore visuelle, celle de l’abandon des livres, la triste fin du bouquiniste Arthur, dont l’enseigne a perdu successivement ses deux i, « bouqu n ste », « une disparition à la Perec ». Derniers regards rétrospectifs du narrateur sur les trésors cachés des étagères. Tous ces livres en mal de lecteurs… Ce mal est sans remède. C’est au sous-sol qu’on découvre Arthur : « Les mains […] pleines de poussière. Son long corps se balançait. Droit comme un i.» Chute si l’on peut dire, en suspens…
On ne peut évoquer la totalité des 19 récits du recueil mais on retiendra encore celui ayant pour titre "Julien Clerc". L’autodérision y est distillée avec délectation. Le rêve de nombre de poètes, sortir de l’anonymat en étant interprété par une star de la chanson. Le narrateur s’y essaie, il a rendez-vous avec Julien Clerc. Tout du moins, c’est bien Julien Clerc qui a répondu à son annonce et lui donne rendez-vous dans « une taverne de banlieue ». L’heureux parolier se retrouve face à l’usurpateur Urbain Lamir qui brandit une liasse de lettres d’admiratrices de Julien C., hilare et réjoui par son détournement de gloire épistolaire ! Ne pas se décourager pour autant. Le parolier écrit « avec application » un autre nom sur une grande enveloppe : « Monsieur Johnny Hall… » Un régal !
Didier Pobel sait tempérer sa mélancolie d’une tonalité à la fois grave et légère. Il allie avec art l’humour et l’émotion. Le lecteur aura plaisir à découvrir et - mieux encore - à partager à voix haute "Tous les chagrins porteurs de lance".

Michel MÉNACHÉ

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2 août 2019 5 02 /08 /août /2019 22:11
Dans "Le Matricule des anges"
Dans "Le Matricule des anges"

C'est dans l'actuel numéro de l'indispensable revue "Le Matricule des anges", un attentif et chaleureux article sur mon nouveau livre, Tous les chagrins porteurs de lance (aux éditions Le Temps qu'il fait), signé Anthony Dufraisse. Merci à lui (p.25, n° 205, juillet-août 2019). Le dossier est, par ailleurs, consacré à - excusez du peu - Aharon Appelfeld.

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2 juillet 2019 2 02 /07 /juillet /2019 14:15
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"

Mes billets dans l'hebdomadaire La Voix de l'Ain, du 10 mai au 21 juin.

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21 juin 2019 5 21 /06 /juin /2019 23:41
La poésie à l'épreuve
   Le bac aussi a ses gilets jaunes. Depuis quelques jours ils manifestent aux ronds-points des réseaux sociaux. Leurs slogans? "Une humiliation", "Trop difficile". L'objet de leur courroux? L'un des sujets de l'épreuve anticipée de français pour les 21000 candidats de 1eres S et ES. En explication de texte, ils ne sont pas "tombés" sur Hugo, Beaumarchais, Molière, Zola ou Flaubert mais sur Andrée Chédid. Andrée qui? Jamais entendu parler de cette "meuf". Enfin, "meuf", c'est vite dit. De très nombreux lycéens, distraitement non alertés par le "e" final, ont cru qu'il s'agissait d'un homme, ce qui, au demeurant, importait assez peu.
  De quoi était-il question dans Destination : arbre, le poème proposé? Tenez-vous bien : de ville et de campagne, de jardins et de forêts, d'argile, d'orages et de soleils, de "montée des sèves" et de "pression des bourgeons". Bref, que des notions inconnues hautement impossibles à analyser! De qui se moque-t-on, dites? Ces futurs bacheliers-là - c'est tout le mal qu'on leur souhaite - auraient dû, au contraire, se féliciter de cette invitation à disserter sur un sujet pleinement en phase avec les préoccupations écologiques du moment, grâce à une réflexion très libre d'une femme dont, de surcroît, ils connaissent les fils et petit-fils, Louis et Mathieu, pour leurs chansons.
   À ces veinards qui s'ignorent, ces privilégiés à qui l'on vient ainsi d'offrir en viatique de la poésie contemporaine, voici, ne soyons pas pingres, un petit cadeau de plus. Quatre vers. Signés eux aussi de Mme Chédid : "Jeunesse qui t'élances / Dans le fatras des mondes / Ne te défais pas à chaque ombre / Ne te courbe pas sous chaque fardeau".
   Allez-y filles et garçons, vous avez toute la vie devant vous. On ramassera les copies à la fin. D.P.
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21 juin 2019 5 21 /06 /juin /2019 09:48
Crève-cœur... orthographique

Certes, une erreur est vite arrivée. Quand on a travaillé dans la presse, on le sait bien. Mais enfin, tout de même, on trouve ça dans un (des derniers) magazine(s) français consacré(s) aux livres et à la littérature!!! Un vrai crève-cœur.

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19 juin 2019 3 19 /06 /juin /2019 11:00
Dans "Le Monde"

Dans le supplément littéraire du Monde (journal daté du vendredi 14 juin). Merci à Monique Pétillon pour son attention et pour ses mots.

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20 mai 2019 1 20 /05 /mai /2019 13:40
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"

Suite de l'opération rattrapage avec mes billets parus dans l'hebdomadaire La Voix de l'Ain, du 15 mars au 3 mai.

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18 mai 2019 6 18 /05 /mai /2019 12:11
Dieu est Dieu, nom de...
   En ce temps-là, on tapait à la machine sur une Hermes Baby. En ce temps-là, on écoutait les nouvelles sur un transistor Radiola. En ce temps-là, ce n'étaient pas les papes qui manquaient. Papes du Nouveau roman, du structuralisme ou du situationnisme (Ah! Debord et Vaneigem!), on ne rigolait pas avec eux, surtout si l'on était étudiant en Lettres. En ce temps-là, il y avait Dieu aussi. Jean-Jacques Nuel, parfait double du narrateur  de son nouveau récit (à moins que ce ne soit l'inverse), était son colocataire. Tous les deux, au cours de cet hiver 1973, se partageaient un gourbi au sixième et dernier étage sans ascenseur au 7, rue de l'Épée à Lyon, ville non nommée mais parfaitement identifiable.
   Un cothurne pas encombrant que ce type sans chichis. Discret, jamais fâché, infatigable et généreux comme pas deux. Et avec ça prévoyant, doué d'un salutaire sens de l'orientation et tolérant à souhait. Quand Jean-Jacques adore Chuck Berry et les Stones, Dieu, qui préfère Bach, ne moufte pas. En plus, côté pratique, non seulement il est imbattable au scrabble mais il est un puits de science. Une sorte de Wikipédia (Wikipédieu?) avant l'heure.
   Digne de foi cette histoire? Pour un peu, on ne se poserait même la question tant Jean-Jacques Nuel, avec ses airs nonchalants de Buster Keaton de la littérature, mène son lecteur par le bout des croyances, sans vraiment lui laisser le temps de se demander à quoi rime cette parabole.
   De quoi Une saison avec Dieu  est-elle l'allégorie?  Est-ce un conte spirituel,  satirique, parodique, loufoque? Est-ce un simple hymne à la jeunesse et à l'insouciance? L'expression tout à la fois d'une nostalgie et d'une dénonciation d'une époque où les Bibles du moment n'étaient pas, loin s'en faut, paroles d'évangiles? S'il fallait vraiment une réponse à cela, peut-être irait-on la chercher du côté de cette autre figure tutélaire des années 70 que fut Maurice Clavel et dont on n'a pas oublié le tautologique et tonitruant "Dieu est dieu nom de dieu".
   Reste l'essentiel : on plonge dans ce petit livre avec plaisir. Un divin plaisir, on l'aura compris. Comme quoi tous les pères Nuel ne sont pas des ordures.    Didier POBEL 
_____
 
Une saison avec Dieu de Jean-Jacques Nuel, Le Pont du change,
140 p., 14 €.
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17 mai 2019 5 17 /05 /mai /2019 14:30
Le legs bressan de Charles Juliet

Après celles de Roger Vailland, qui a également donné son nom à l'établissement bressan, ce sont les archives de Charles Juliet qui vont trouver place à la médiathèque de Bourg-en-Bresse. Une aubaine pour qui souhaite approfondir l'œuvre de l'auteur de L'Année de l'éveil.

(Article à retrouver dans La Voix de l'Ain de cette semaine, 17 - 23 mai) 

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17 mai 2019 5 17 /05 /mai /2019 14:18
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
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Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"
Dans "La Voix de l'Ain"

Beaucoup de retard dans la restitution de mes billets hebdomadaires parus dans La voix de l'Ain. Voici ceux du 18 janvier au 8 mars. D'autres suivront sous peu.

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
  • Contact

Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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