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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 21:06
Bye bye cyclope!

Quoi, "Big Jim" est mort? Ça, c'est bien une nouvelle de dimanche soir, éternel réservoir à vague à l'âme. A fortiori un jour de Pâques. Cela dit, le païen Harrison se fichait bien de ce genre de célébrations. Aux lapins en chocolat, il préférait les loups et les ours. Grandeur nature, s'il vous plaît. L'homme à l'œil gauche crevé - conséquence d'un jeu de gosse à huit ans - ne faisait pas dans la miniature. Il aimait les immenses espaces du Michigan, la danse des truites dans l'eau glacée des torrents hemingwayens, les bivouacs fabuleux dans l'infini de la page blanche. Mais le bûcheron des mots était aussi un vrai épicurien, doublé d'un œnologue hors pair passé des bourgognes aux bandol. Santé Jim!

De ce côté-là, pas de problème. Enfin, presque, pour lui qui commençait toujours ses journées par neuf cigarettes et neuf cafés. À Didier Jacob, qui l'interviewait en 2009 pour Le Nouvel Observateur, il fit une réponse digne du comique troupier Gaston Ouvrard : "J'ai du diabète, de l'hypertension, des problèmes cardiaques, des calculs rénaux et un état de mélancolie permanente". Manquait plus que la rate qui se dilate. À part ça, le poète de Retour en terre (Bourgois, 2007), le romancier d' Entre chien et loup (Bourgois, 1993) ou le nouvelliste de Nageur de rivière (Flammarion, 2014) se portait comme un charme. Un charme un peu particulier. Face de cyclope, gueule de traviole, barbe de vieil anar. Mais le plus étonnant, c'est que ses livres - une bonne trentaine - étaient du même tonneau. En ricanant au nez de la camarde, ils battaient des paupières et plissaient leur front. Des livres sans âge.

Comme leur auteur de 78 ans qui a succombé samedi à une crise cardiaque dans son ranch de l'Arizona. Enfin, c'est ce qu'on dit. Mort, "Big Jim"? Mon œil. D.P.

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 18:04
Dans "Voix de l'Ain"Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"Dans "Voix de l'Ain"

Avec pas mal de retard, récapitulatif de mes billets parus dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain : "Question de saison" (22 janvier), "Sur qui compter" (29 janvier), "La voie Werth" (5 février),"Tenir sa langue" (12 février), "Nature humaine" (19 février), "En écho à Umberto" (26 février), "Culture d'autrefois" (4 mars), "L'esprit Chintreuil" (11 mars). Celui de cette semaine, "Nom mais sans blague", sera lisible ici prochainement.

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18 mars 2016 5 18 /03 /mars /2016 21:15
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.
Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.

Patrick Laupin lisant des extraits de son livre. Le lauréat au côté d'Hervé Micolet, membre du jury devant la Bibliothèque. Andrea Iacovella, responsable des éditions La Rumeur Libre, Patrick Beghain, membre du jury, et Patrick Laupin lors du dîner. François Montmaneix, créateur du prix, entouré de Marik Froidefond, membre du jury, et Laure Molin pour le Prix Kowalski des Lycéens. Jean-Yves Debreuille et Annie Salager, membres du jury, lors de l'attribution du prix en décembre dernier. Lors du dîner avec, notamment, Gilles Éboli, directeur de la Bibliothèque de la Part-Dieu. Avec Laure Molin. Photos © D.P.

Le Prix Kowalski 2015 / Grand prix de poésie de la Ville de Lyon, attribué, comme d'habitude, en décembre dernier, a été remis le samedi 4 mars, lors d'une cérémonie à la Bibliothèque / médiathèque de la Part-Dieu. C'est devant un auditorium comble que Patrick Laupin, sélectionné pour son livre Le Dernier avenir, paru à La Rumeur Libre, a lu des extraits de son ouvrage. Mais auparavant, Jean-Yves Debreuille, secrétaire du prix, a présenté le lauréat en ces mots : « ... l'auteur choisit le camp des humbles, celui des mineurs silicosés assis dans les prés à côté de leur bouteille de lait, des vieilles dentelières du Puy renvoyées à la solitude de leur chambre par le progrès dans les machines. "J'éprouve pour eux une amitié invincible Pour ceux qui boitent qui clochent qui vont de guingois de travers". Dans de telles dispositions, s'il [Laupin] entre en poésie, c'est contre le "poétisme". Il se "méfie de la poésie et de sa vaine absolution par les signes". Cela veut dire qu'il cherche dans l'écriture tout autre chose que la douceur d'un chant désespéré. Écrire, c'est partir à la conquête des "histoires sans paroles" qui dévorent. Ce n'est pas mettre en ordre, mais s'accepter comme désordonné : "J'écris pour tenir compagnie à ma folie" ». D.P.

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À noter que pour la première fois, un Prix Kowalski des lycéens a été attribué le 7 mars. Le palmarès est double avec ex-aeqo, Gabrielle ALTHEN pour Soleil patient (Arfuyen) et Christophe DAUPHIN pour Un fanal pour le vivant (Les Hommes sans épaules). Le prix sera remis comme prévu lundi 21 mars au Nouveau Théâtre du 8e, 22, rue du CDT Pergoud, à Lyon.

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 22:10
Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.
Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.
Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.
Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art.  Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy...  Photos © D.P.

Sur la première photo, Nelly Catherin (à gauche) en conversation avec une passionnée d'art. Place ensuite, au fil de la visite, aux œuvres de Folly Afahounko, d'Emmelene Landon, de Winfried Veit, de Claude Guichard, d'Henry Lamy... Photos © D.P.

Bel accrochage au Musée Chintreuil de Pont-de-Vaux, dans l'Ain, qui fête cette année ses 150 ans. Sur le thème ludique de"Traits/Portraits", Nelly Catherin, attachée de conservation, a conçu une exposition en deux temps dont le premier vient de s'ouvrir.

Au programme, Folly Afahounko et ses cocasses images détournées, Jean-Luc Giraud, traquant son propre reflet dans le miroir fantasque de ses dessins et toiles, Claude Guichard,souvent à l'affût des grandes figures de la littérature et de l'histoire. De Henry Lamy, le globe-trotter émule de Pollock, familier de la bourgade des bords de Saône (il a notamment peint "Le marché de Pont-de-Vaux"), on retiendra une manière impressionniste bien personnelle qu'il ne cesse de revisiter et de Winfried Veit, né en Allemagne en 1945, l'exceptionnelle force d'expression qui habite ses galeries de visages.

Restent les personnages d'Emmelene Landon, peints sur pied, s'offrant à la rencontre, prêts dirait-on parfois à la conversation et en même temps, pour reprendre le mot de Mallarmé, tels qu'en eux-mêmes enfin l'éternité les change. On reconnaît parmi eux la regrettée photographe Kate Berry, l'éditeur Paul Otchakowski-Laurens (POL), présent au vernissage le 11 mars, ou les écrivains Jean Rolin et Emmanuel Carrère, lequel se souvient très bien de sa séance de pose : "C'était comme un exercice méditatif, comme si en peignant son modèle Emmie [Emmelene] trouvait et faisait grandir en lui une zone de calme, une flamme haute et droite, abritée des courants d'air...". D.P.

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Jusqu'au 19 juin au Musée Chintreuil 66, rue Maréchal-de-Lattre 01190 Pont-de-Vaux. Le deuxième volet, du 19 juillet au 30 octobre, rassemblera Bernard Clarisse, Léon Herschritt, Guy Lioult, Marie Morel, Hubert Munier et Ted Nomad.

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8 mars 2016 2 08 /03 /mars /2016 10:06

Un entretien, précédé d'un portrait, de Muriel Luga-Giraud, n° 2 du département de l'Ain, initialement diffusé sur FC Radio le vendredi 4 mars. À retrouver également sur le site de l'hebdomadaire Voix de l'Ain.

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3 mars 2016 4 03 /03 /mars /2016 11:43
Monnereau ou "l'honneur d'être éphémère"
Monnereau ou "l'honneur d'être éphémère"

Que l'on se rassure, Michel Monnereau n'est pas seulement passé parmi nous, comme le suggère d'emblée son nouveau recueil (1). Il s'y est arrêté aussi. Et à plusieurs reprises. On n'a pas oublié La Leçon inquiète ou La Saison des servitudes, chez Cheyne, respectivement en 1982 et 1991. Pour tout dire, l'auteur de Contre toi l'avenir respire (Brémond, 1991, prix Voronca) fait partie de notre paysage familier. À lire ses poèmes nonchalants aux inflexions de complaintes, on entend nous aussi des rires "sous le préau d'une enfance / qu'on a du mal à solder", on se souvient d'un amour ancien à Cadaquès ou ailleurs, on revoit "sur le pas des portes les amis d'autrefois", on erre un peu abasourdi "au milieu des gravats du siècle", bref on se retrouve, un soir de pluie, sans plus trop savoir quoi faire "devant ce qu'il faut bien nommer la vie".

Un retour au pays d'enfance en été, une visite au cimetière "dans le baiser froid" d'un soleil charentais, un volet qui claque dans la nuit, une flânerie à Trouville "un brin d'automne entre les dents", un appel téléphonique "comme une piqûre du dehors"... Monnereau n'a pas son pareil pour nous inviter à retenir entre nos mains et nos songes le sable fugitif des jours, à saisir des éclats coupants de présent, à laisser traîner notre regard sur "le chandail mauve des passantes", à traverser la vie sur - magnifique image - "le passage clouté des étoiles". Tout ce qui contribue, n'en doutons pas, à "l'honneur d'être éphémère".

Il y a du Yves Martin dans ce poète qui est aussi le romancier de On s'embrasse pas? et des Carnets de déroute (La Table Ronde 2007 et 2006). Et à coup sûr Lucien Becker ne renierait pas ce vers : "Tu sais qu'être deux agrandir le présent". Le magnifique Becker de Plein amour ou de Passager de la terre, titre auquel, à sa façon, fait écho Michel Monnereau avec Je suis passé parmi vous, bel ensemble sépia, à l'élégance désenchantée, qui ne se termine pas hasard sur ce mot seul et brûlant : "Vivre".

  • Didier Pobel

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(1) Je suis passé parmi vous de Michel Monnereau, La Table Ronde, 136 p., 14 €. (En librairie ce 3 mars).

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Extrait du livre, ce poème de la page 123 :

Nouveau printemps

Nomade sans visage, le vent

descend de la montagne son fagot d'air frais.

Les nuages d'avril passent au crible le soleil

et ta main éclot dans la mienne.

C'est un printemps de plus avec ses buissons d'espoir,

les jours allongent le pas

et l'hiver s'éloigne en ricanant.

Applaudissons au théâtre des futaies,

au ballet des oiseaux retrouvés,

aux seins verts des collines,

au jaune saillant des colzas

et à l'amour repassé à l'heure d'été.

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24 février 2016 3 24 /02 /février /2016 10:32
Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.
Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.
Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.
Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.
Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.
Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.
Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.

Les paysages de neige de Camille Morand. Jean-Claude Arnaud, Luc (au clavier) et Claudia Morand lors du happening-vernissage avec, en fond, un aperçu de la "veine espagnole" de Camille Morand. Les toiles de Claudia. Les sculptures de Sonia... Photos D.P.

Rétrospective Camille Morand. Vivacité des tableaux en mouvement, patiente résignation des paysages de neige. Marché, arène, stade, "un p'tit village, un vieux clocher..." Du mouvement et de l'immobilité des douves. Dans le souvenir du peintre bressan, à côté de leur mère gardienne de l'imaginaire pictural de l'artise disparu (1928-2014), les toiles de Claudia, les sculptures de Sonia, la musique de Luc. Un vernissage-happening hier soir en famille à Bourg, "bonheur fané rêves mouvants". Avec les mots des poètes complices (Cavafy, Maïakowski, Pessoa, Savitzkaya, le hongrois Istvan Kemény, le Tchèque Jan Skacel, la bulgare Aksinia Mihaylova...) portés par les voix de Claudia et Jean-Claude Arnaud : "Croire qu'un autre monde est possible, humaniste et joyeux" (jusqu'au 29 février à H2M 5, rue Teynière à Bourg-en-Bresse). D.P.

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8 février 2016 1 08 /02 /février /2016 14:58
Jouanard, "contemplateur itinérant"Jouanard, "contemplateur itinérant"
Jouanard, "contemplateur itinérant"Jouanard, "contemplateur itinérant"

Le nouveau numéro de la revue Faire Part est paru. Un solide ensemble consacré à ce "contemplateur itinérant" qu'est Gil Jouanard, auteur de plus d'une cinquantaine de livres parus chez Fata Morgana, Seghers, Verdier, Deyrolle, Le Laquet, Phébus et bien d'autres. « Alors que maints fils à papa de 1968 se déclara avantageusement "marginal", moi, fils d'une femme de ménage au passé de bergère "placée" (traduire par "esclave") de huit ans et demi à quatorze ans, et d'un ouvrier boulanger devenu tardivement gérant de boulangerie, je me mis "en marge" de façon définitive, fuyant cette sordide parodie de réalité dans la fréquentation de l'authentique réalité qui donne à l'art cette façon unique d'assainir l'atmosphère et de le rendre transparent sans en masquer l'obscurité fondamentale, laquelle prend son ancrage dans le mystère abyssal de l'origine et de la raison d'être de "tout cela" » rappelle notamment Jouanard en propos liminaire.

Bravo à l'équipe de Faire Part (Alain Chanéac, Christian Arthaud, Jean-Gabriel Cosculluela et Alain Coste). Et à la bonne quarantaine de collaborateurs.

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Faire Part, n° 34-35, 334 p., 25 € (1440, route de Vals-les-Bains 07160 Mariac).

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28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 12:55
Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"Dans "Voix de l'Ain"

Mes derniers billets parus dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain : "Voix d'ailleurs" (11 décembre 2015), "Descendu du ciel" (18 décembre), "Les neiges d'antan" (25 décembre), "Instant d'année" (8 janvier 2016) et "Quatre à la suite" (15 janvier). Celui de cette semaine, "Question de saison", sera lisible ici prochainement.

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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 23:07
Michel Tournier a quitté son île

Mitterrand le consultait comme un oracle. Les Goncourt l'écoutaient comme un vieux sage. Les lecteurs - y compris les jeunes, phénomène si rare - le recevaient en messie. Michel Tournier était, comme on dit, une grande figure de la littérature contemporaine. Pétrie de culture et d'histoire germaniques, hantée par les démons et les saints, peuplée d'ogres et de Petits Poucet, son œuvre, qui ne cachait ni sa dette à Flaubert ni sa complicité avec l'univers de Günter Grass, savait prendre son temps - et le nôtre du même coup. L'auteur de Vendredi ou les Limbes du Pacifique avait passé la quarantaine lorsqu'il publia, en 1967, ce premier roman aussitôt récompensé par le Grand prix de l'Académie française. Trois ans plus tard, il obtenait à l'unanimité, avec Le Roi des Aulnes, un Goncourt en forme d'invitation à siéger au sein de la prestigieuse académie, en plus d'une très influente présence au comité de lecture de Gallimard.

Le conteur misanthrope qui s'appropriait avec brio les figures et les mythes, non sans parfois s'adonner à de très contestables provocations, s'est éteint hier soir, à 91 ans, dans son presbytère de la vallée de Chevreuse qui était tout à la fois pour lui son couvent laïque et son île robinsonesque balayée par le souffle des légendes et Le vent Paraclet (1978). À quelques jours près, c'est au temps de l'Épiphanie que s'éclipsait l'écrivain qui célébra à sa manière Gaspard, Melchior & Balthazar (1980). Depuis plusieurs années, bonnet de laine à la Léautaud vissé sur la tête, Michel Tournier, diminué par l'âge, attendait la mort avec une étonnante sérénité. Ne pouvaient s'en étonner que ceux qui avaient oublié ces lignes en première page de Éléazar ou La source du buisson, en 1996 : "L'enfant et le vieillard flottent sans attaches à la surface de l'existence, et la quittent sans souffrance".

Enfin, pour l'anecdote, on n'aura pas manqué de noter que c'est encore un Michel qui s'en va en ce début d'année aux allures, décidément, de lugubre litanie funèbre. D.P.

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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