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11 août 2014 1 11 /08 /août /2014 22:36

   Anniversaire chat 5-1-   C'est l'énigme du jour, pour ne pas dire le cluedo. Il ne sera ni à la Lanterne, ni dans sa résidence de Mougins, ni chez son père à Cannes. A Brégançon? Non plus. Alors où? Avis aux bookmakers. Tous les paris sont ouverts. La seule chose que l'on sait, c'est que François Hollande fêtera bien, ce 12 août, ses soixante ans quelque part "dans le Sud-Est". Un anniversaire en famille, rien de plus. Au bénéfice d'une brève trêve estivale, le Président, à qui l'on prêtait pour l'occasion des projets matrimoniaux démentis, ne sera(it) entouré que de ses quatre enfants, Thomas, Clémence, Julien et Flora. Il faut dire que le contexte du moment n'est pas aux célébrations bling-bling. Pas plus que, par anticipation, celui de la rentrée proche. Et mollo sur le gâteau. Pédalo ou pas, le capitaine se doit de garder du souffle. Si tant est qu'il en ait encore un peu. "La vie commence à soixante ans" chantait Tino Rossi. Tu parles! La vie d'un chef de l'Etat, de nos jours, c'est tout sauf de l'opérette. D.P.

   (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).

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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 21:56

   Dans l'actualité chargée de ce pas très drôle d'été plein de crashes et de guerres, de virus et d'orages, il y a soudain ces yeux bleus et cette petite voix. Une voix qui vient du pays des Vikings et qui nous dit tout à trac: "Je suis le fils de François Mitterrand". Pardon, a-t-on bien entendu? Au cas où nous douterions, la voix se fait répétitive comme celle du Petit Prince qui demande qu'on lui dessine un mouton: "Je suis le fils de François Mitterrand". On croit d'abord avoir affaire à un remake bricolé par quelque média en mal de sujets aptes à divertir dans les campings et sur les plages. Mais non, les propos sont bien réels.

  Prénommé Harvn, celui qui est aujourd'hui candidat aux législatives dans sa Suède natale, a pour maman Christina Forsne qui vécut une liaison d'une quinzaine d'années avec l'ex-président socialiste, ce qui rend crédible l'aveu venu du Nord. Crédible mais pas certain. Autant dire qu'il y a tout pour que cette histoire, qu'un Marc Lévy ou un Guillaume Musso aurait pu signer, passionne. D'autant plus que les confessions people conviennent particulièrement au mois d'août. Passions cachées, énigmes, (dé)raisons d'Etat...

   Voilà en tout cas qui nous ramène à ce passé pourtant pas si lointain où les hommes politiques avaient encore des secrets. La filiation de Mitterrand, comme celle de Montand, est, allez donc savoir, peut-être plus vaste dans l'imaginaire collectif que dans les faits. De quoi fasciner encore trente ans après toutes celles et ceux qui sont en quelque sorte - au figuré, bien sûr, cette fois-ci - les enfants de F.M. D.P.


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30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 21:16
DSCN7199.JPG
     "Pourquoi ont-ils tué Jaurès?" La lancinante mélopée de Brel est plus que jamais de circonstance en ce 31 juillet 2014, alors que se rallume un peu partout le souvenir du tribun de Carmaux assassiné il y a cent ans pile au café du Croissant à Paris. Pourquoi ont-ils tué Jaurès? Mais parce qu'il était pacifiste et que, pour certains - beaucoup? - , la paix ce n'est pas bien vu, surtout lorsque l'on est à trois jours de l'entrée de la France dans le premier conflit mondial.
   Pourquoi ont-ils tué Saint-Ex? Même refrain, si l'on ose dire, dans un contexte évidemment fort différent, trente ans plus tard. Même refrain, c'est-à-dire même question? Et même réponse, finalement. En abattant le Lightning P38 de "Tonio", ce sont les ailes d'un Petit Prince, lui aussi hanté par la sauvegarde de la Terre des hommes, que l'envahisseur a voulu briser, ce 31 juillet 1944 au-dessus de la Méditerranée.
   Pourquoi ont-ils tué nos rêves? Voilà bien ce qui ressemble hélas à la plus universelle des rengaines, d'un siècle à l'autre, d'un fait de guerre au suivant. Et ce n'est pas ce 31 juillet 2014  qui rompt la litanie. Pourquoi ont-ils tué la paix, au Proche-Orient, en Ukraine, ailleurs?
   Tu sais quoi, Grand Jacques, reste où tu es, le monde est toujours aussi fou. Nous, on est là, un peu tremblants dans l'été à réécouter une fois de plus ta chanson: "Si par malheur ils survivaient / C'était pour partir à la guerre / C'était pour finir à la guerre / Aux ordres de quelque sabreur / Qui exigeait du bout des lèvres / Qu'ils aillent ouvrir au champ d'horreur / Leurs vingt ans qui n'avaient pu naître / Pourquoi ont-ils tué Jaurès? / Pourquoi ont-ils..." D.P. 

   Photo du mémorial Saint-Exupéry / Le Petit Prince, sur la place Bellecour à Lyon, juste en face de la maison natale de l'écrivain. La scupture est signée Christiane Guillaubey. © Didier Pobel
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16 juillet 2014 3 16 /07 /juillet /2014 21:34

   En décembre 1989, Hervé Cristiani est réveillé en pleine nuit par un journaliste juché, dit-on, sur le canon d'un tank à Bucarest. L'envoyé spécial qui couvrait la chute du régime de Ceausescu ne voulait pas que son ami manque ça. Ça quoi? Cette clameur chorale qui lui parvient dans l'écouteur. Les manifestants à l'assaut des symboles de l'un des régimes les plus kafkaïens de l'après-guerre reprennent tous ensemble un air qui n'est pourtant ni L'Internationale ni Le Temps des cerises. Un air qui dit ceci: "Il est libre Max".

   Comment ce tube français des années 80 a-t-il retrouvé une deuxième jeunesse au pays de Dracula? Nul ne le sait. La destinée des chansons est ainsi qu'elle ne s'explique pas. Et celle-ci, agréable quoique pas vraiment exceptionnelle, occupe une place toute particulière dans l'imaginaire collectif. Certes, elle incarne un idéal de liberté et d'évasion qui sied à tout un chacun, à toutes les époques. Mais tout de même... D'autres, qui ont tout autant de mérite musical et "poétique", ont été aussitôt oubliées. Et hier, en apprenant la disparition d'un artiste, qui avait des titres plus aboutis mais moins connus à son répertoire, tout le monde ou presque a fredonné ces quatre mots légers: "Il est libre Max". Cela aurait évidemment fait plaisir à son créateur. Las! Il venait de mourir à 66 ans. Certains disent même qu'ils l'ont vu voler. D.P. 

 

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22 juin 2014 7 22 /06 /juin /2014 22:49

9458_chauvet_01.jpg  Voilà, c'est fait, les Aurignaciens ont remporté la plus prestigieuse des Coupes. Celle du Patrimoine mondial de l'Unesco. Et c'est encore mieux que quelques buts des Bleus contre le Honduras ou la Suisse. Sacrée équipe que ces graffiteurs de grotte! On ne sait pas qui était leur entraîneur. On n'est même pas certains qu'ils en avaient un, il y a plus de 30000 ans, lorsqu'ils dessinaient magnifiquement ours, rhinocéros et lions sur les parois de leur refuge ardéchois. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on aimerait que cette reconnaissance en très haut lieu déclenche l'enthousiasme d'une cohorte de supporters. Que ça "fasse du bien à la France", comme on le dit avec un brin d'emphase les soirs de victoire footballistique tricolore. Bref, soyons Chauvet, mais attention, pas question d'un détour par là-bas sur la route des vacances. Le public n'a pas accès aux merveilles paléolithiques voisines du Pont-d'Arc et le musée accueillant les reproductions n'est pas encore ouvert. N'empêche, en descendant dans le Sud, à hauteur du Vivarais, ayez une pensée pour l'extraordinaire bestiaire que vous effleurerez. Bisons futés vous le recommandent. D.P. 

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11 juin 2014 3 11 /06 /juin /2014 21:21

   images--2-.jpg En son temps, pas si lointain, il fut à sa manière une vedette. Tout le monde n'avait d'yeux que pour cet immigré venu de Slovénie faire son miel sur nos terres. Ses nuits fauves faisaient les gros titres de la presse même pas people. Ses amours mal léchées divertissaient les gazettes. On suivait sur les ondes les péripéties de son collier, célèbre presque autant que celui de la reine. Gérard Depardieu et Fanny Ardant avaient bien voulu le parrainer. On jurait l'avoir croisé dans une banlieue du Sud. On croyait l'avoir vu rôder sur une plage audoise. Comme beaucoup d'apatrides, il faisait aussi peur parfois. Certains esprits chasseurs s'amusaient même à vendre sa peau avant de l'avoir hué.

   Et puis la bête de scène a soudain moins fait parler d'elle. Ce matin, sa mort ne fait que quelques lignes dans les journaux.  Balou, l'intermittent du spectacle écolo des Pyrénées a sans doute été victime d'une chute. L'ours avait onze ans et tout le monde s'en fiche. Nelly Ollin, la ministre qui s'était mobilisée en sa faveur en 2006, n'a pas fait signe. Fanny et "Gégé" n'ont pas adressé le moindre message aux amis du disparu. A se demander si dans le grand livre de la jungle d'aujourd'hui il n'y en a pas plus que pour les loups. Quel monde de sauvages! Vite, retournons en enfance. "Mon échelle et pom popom popom..." D.P.
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29 mai 2014 4 29 /05 /mai /2014 22:46

   Soulages-1.jpgSoulages-0.jpgSoulages-2                                                                                     

                                                                                                                                                Et donc, la couleur du jour, en ce 30 mai 2014, c'est le noir. Comme d'habitude, pensez-vous sans doute. Sauf que, pour une fois, le noir n'est pas celui de la conjoncture, ni celui du moral des Français. D'ailleurs, ce n'est pas vraiment un noir. Ou alors - de quoi faire rêver plus d'un - c'est un noir de lumière(s). Un noir qui change selon l'angle du regard. Un noir avec des reflets bleus et des traces de chaux. Un noir parfois encore marron ou gris. Un noir remonté du fond des cavernes pour se poser, juste après la guerre, sur de solides panneaux de  bois semblables aux volets des fermes rouergates au crépuscule des grands causses. Un noir de travaux des hommes, un noir de labour sous les chênes ; un noir de brou de noix, de goudron et de neige en deuil. Le noir d'une enfance au pays des châtaigniers et du vin sombre de Marcillac. Le noir d'une préhistoire qui renaît chaque matin. Le noir de l'ombre fervente sous les voûtes romanes de l'abbaye de Conques où l'artiste plus tard hissera ses vitraux opaques. 

   Oui, la couleur du jour, en ce 30 mai, c'est le noir. Celui des toiles de Pierre Soulages, ce géant discret de la peinture française qui, à 94 ans, va enfin avoir un musée à son nom dans sa ville natale de Rodez. Le bâtiment, constitué d'un assemblage de parallélépipèdes d'acier et édifié sur le haut de la cité à deux pas de la sévère et magnifique cathédrale Notre-Dame, là où le futur chantre de l'"outrenoir"  aimait jadis regarder travailler les artisans dont il n'a jamais oublié les gestes, sera inauguré tout à l'heure. Un bel événement culturel que le président de la République ne voulait pas manquer. C'est si précieux un noir qui prête à mieux voir le monde, c'est tellement rare un noir qui éclaire. D.P.
  (Photos © Didier Pobel)
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1 mai 2014 4 01 /05 /mai /2014 21:54

  455120914-photo.jpg   S'il était à la mode aujourd'hui, on l'appellerait GEC. Ça sonne presque comme "geek". Mais, loin des allumés d'Internet et de quelques autres marottes dans l'air du temps, Georges-Emmanuel Clancier n'est pas réductible à un raccourci. Pensez donc: ce discret vétéran de la littérature aura cent ans en ce 3 mai. Un siècle de fracas des hommes et de cendres froides, un siècle de fraternité et d'espérance par-delà le chaos, un siècle de mots tracés sur la page comme les sillons du Paysan céleste (Robert Laffont, 1943) qu'il n'a cessé d'être. Issu d'une famille de sabotiers et de porcelainiers, ce fils du peuple né au coeur de la France laborieuse quelques mois avant le début de la Grande Guerre doit tout à la fréquentation des hussards noirs de la République et à ses "frères" en écriture que furent Joe Bousquet, Max-Pol Fouchet, Jean Tardieu, Raymond Queneau, André Frénaud ou Pierre Gascar.

   Clancier a été journaliste, homme de radio et de presse écrite, délégué aux Affaires culturelles, président du Pen Club (de 1976 à 1979) où il lutta en faveur de tous les bâillonnés de la plume. Des activités qui ne l'ont heureusement pas empêché de mener à bien, auprès de sa femme Anne, psychanalyste âgée de 101 ans, une oeuvre patiente et multiple où la poésie domine, même si le grand public connaît avant tout Le Pain noir (Laffont, 1956), premier volume d'une suite romanesque par le biais de laquelle l'écrivain creusa avec une émouvante opiniâtreté la terre de ses origines limousines. Mais Georges-Emmanuel Clancier, également critique et dramaturge, n'aura peut-être jamais mieux approché la vraie nature de son expression, entre le tragique et la grâce, entre la confiance et le doute, que dans le titre de ce recueil de vers paru en 1978 chez Gallimard: Oscillante parole.
   Dans l'indécise lumière de ces premiers jours de mai, soyons nombreux à souhaiter un vibrant et magnifique anniversaire à ce descendant d'une aïeule bergère illettrée qui confiait l'année dernière à Jérôme Garcin avoir extrait de son oeuvre l'épitaphe à graver sur sa tombe au cimetière Montparnasse: "Nous qui sommes trace éphémère / Dans la merveille et dans l'effroi". Des mots que nul n'est pressé de voir quitter le papier pour la pierre. D.P.
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16 avril 2014 3 16 /04 /avril /2014 21:28
  telechargement-copie-2.jpg Pendant que Manuel Valls faisait du Manuel Valls, Daniel Cohn-Bendit faisait du Daniel Cohn-Bendit. Du vrai de vrai. Du pur et dur. Avec coups de gueule jamais loin de la vocifération. Avec tignasse blonde aussi savamment désordonnée que le bonhomme. Pour ses adieux au Parlement de Strasbourg où, vingt ans durant, il a pourfendu la mollesse et les extrémismes, il a, une dernière fois ce mercredi, défendu bec et ongles l'Europe en évoquant les deux conflits mondiaux qui ont traumatisé le siècle précédent: "Le nationalisme, ce n'est pas seulement la guerre, c'est l'égoïsme. L'hégémonisme, c'est l'égoïsme. Et si nous avons une crise politique aujourd'hui, c'est peut-être parce qu'il y a des tendances hégémoniques en Europe. Si nous continuons comme cela, nous détruisons ce que nous avons construit". Fidèle à lui-même et à ses idéaux, Dany le Rouge a haussé le ton, cité Camus et, tel un Jean Paul II en colère, exhorté le monde à ne pas avoir peur.
   "Vous avez été pour toute une génération une idole. Vous allez nous manquer" a déclaré l'Allemand Martin Schulz qui présidait la séance. Et c'est vrai qu'il va terriblement faire défaut au paysage politique, l'ex-enragé de la Sorbonne. Pour son franc parler, pour son humour dévastateur, pour sa mauvaise foi aussi parfois. Mais, soyons sans inquiétude: le tribun a beau être détenteur de tous ses poings de retraite, il ne restera sans doute pas muet longtemps.
   Qu'il nous permette juste un grief. Il aurait dû partir une quinzaine de jours plus tôt. Il n'aurait alors pas eu ses 69 ans. Et ce n'est pas à lui qu'on l'apprendra: 68 ça a tout de même plus d'allure. D.P.
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2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 22:20

   Royal_Toulouse_2012.JPG    Non, décidément, se dit-on d'abord, on a beau le retourner dans tous les sens, ce casting signé Hollande-Valls, son originalité ne saute pas aux yeux. Des sortants, des promus, pas plus de deux nouveaux... Bien difficile d'y dénicher de l'extraordinaire. Plus resserré, OK, mais bon. Or, il y a pourtant bien, comme dans toute bonne image d'Epinal, la figure qui fixe l'attention. Et c'est évidemment Ségolène Royal. Son retour à l'écologie, vingt-deux ans pile après avoir exercé d'analogues fonctions dans le gouvernement Bérégovoy, défie tout à la fois les lois de la gravité politique et affective.

   Politique parce que le parcours de celle qui fut candidate à la présidence de la République en 2007 incarne mieux que nul autre la notion de grand écart, à la manière d'un Culbuto ballotté de triomphes en échecs,  de rires en larmes, de "bravitude"  en rivalités twittées. Affective parce que, pour la première fois, l'ex-compagne d'un chef de l'Etat participe concomitamment avec lui à l'exercice du pouvoir.

   Pour cela, et sans doute faut-il le déplorer d'avance mais les choses sont ainsi, chaque fait et geste de la "miraculée" sera doublement scruté, alors qu'on guettera, au risque stupide d'une surinterprétation, la moindre de ses (petites) phrases. Sous la désignation officielle de son poste s'en cache,en fait, une autre. Ségolène Royal a été nommée ce mercredi ministre du Retour en grâce. Ah! si ça pouvait être aussi celui de la conduite du pays... D.P.

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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