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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 11:59

DSCN0215-copie-1.JPG  DSCN0216.JPG              

   Mes récents billets dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain: "Foyers recomposés" (19 décembre 2014), "Un retard tout bête" (26 décembre), "De la graine pour 2015" (2 janvier) avec, en écho, la photo "instantané de la semaine", "Épicure en Revermont" (9 janvier). Le billet paru dans le numéro actuellement en kiosque, "L'autre Charlie", sera lisible ici prochainement.

 

   (Cliquez sur les images pour les agrandir).

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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 22:09

 P7280798.JPG   Sacré François! Le successeur de Benoît XVI, émule autoproclamé du "Pauvre d'Assise", est manifestement en pleine forme en ce début d'année. Pas une semaine sans phrase-choc de sa part.  Après avoir entrouvert, il y a quelque temps, les portes du paradis aux animaux, il a tenu, suite aux attentats de Paris, à apporter sa pierre au débat sur la liberté d'expression. Et sa position, c'est qu'il est pour tout en étant contre. À ses yeux, ce droit est en effet "fondamental", à cela près qu'il n'autorise pas à "insulter" ou "moquer la foi d'autrui". Comprend qui peut.

   Mais il y a plus fort encore. Dans l'avion de retour des Philippines, le Pape, certes toujours opposé à la contraception médicale, a défendu le point de vue de l'Église sur la "paternité responsable" en dénonçant sans détour ceux qui "croient [...] que pour être bons catholiques, ils doivent être comme des lapins". Un langage cuniculturel qu'on avait moins l'habitude d'entendre au Saint Siège que de lire, par exemple, dans les hebdomadaires satiriques. Une chose est sûre: l'anti-Charlie n'est pas Rabbit non plus. Ici ou là, on s'amuse, évidemment. À moins que l'on ne toussote. Pour les plus fidèles adeptes du parler vaticanesque, il y a, il est vrai, de quoi en perdre son lap... Pardon: son latin. D.P.  (Photo © D.P.)

 

 

 

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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 00:28

    Treize jours après les attentats terroristes de Paris et une semaine après l'historique élan républicain consécutif au traumatisme collectif, la France unie se craquelle tout doucement. Non pas que, dans sa majeure partie, elle n'ait plus présente au cœur la grande blessure qui l'a rassemblée. Mais parce que, comme on dit vulgairement, la vie continue, pour ne pas dire qu'il est temps de passer à autre chose. Le monde politique, en piaffant intérieurement d'impatience, attend le moment propice à la rupture d'un consensus trop parfait pour être honnête. Marine Le Pen, la moins patiente, entend bien d'ores et déjà souffler sur cette braise qui fut tour à tour flamme vive de l'épouvante et brasero de la fraternité. François Hollande, à qui la gestion sans faute de la crise, a permis de gagner dix points dans les sondages (34% d'opinions favorables), sait mieux que quiconque à quel point cette embellie est fragile. S'il connaît sans doute les deux célèbres vers d'Aragon "Quand le blé est sous la grêle / Fou qui fait le délicat", il n'ignore évidemment rien des foucades inverses du sentiment national. N'en doutons pas, même si l'hebdomadaire satirique martyrisé est encore à notre portée, pour autant qu'on ait pu se procurer le fameux numéro de la renaissance, et en espérant qu'on ne l'ait pas, dans le pire des cas, revendu au marché noir du web, l'esprit, le bel esprit du 11-Janvier, a fatalement amorcé son lent processus de dilution. L'autre dimanche, nous marchions pour Charlie. Aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, c'est la "décharlisation" qui est en marche. D.P. 


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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 14:22

 DSCN8716.JPG   On lira ici la lettre que vient d'adresser à Madame la Directrice de France Musique  le poète François Montmaneix (photo), président de l'académie Mallarmé, fondateur du prix Kowalski (Grand prix de poésie de la Ville de Lyon) et dont le dernier ouvrage, Laisser verdurepréfacé par Yves Bonnefoy, a obtenu le prix Théophile Gautier 2013 de l'Académie française.

 

Madame la Directrice,
      
Vous êtes arrivée à la tête de France-Musique en proclamant qu’elle allait, ipso facto et du seul fait de votre nomination, cesser d’être cette Radio que vous avez osé qualifier d’excluante. En voilà du bagou et de la provocation populiste ! Et je vous ai citée à dessein, même si j’ai peiné à le faire tellement ce qualificatif d’excluante me semble parfaitement inepte s’agissant d’une antenne qui, alors que vous étiez sans doute encore parmi les anges ou les langes, a donné, au cours des quelque soixante années qui ont suivi la concrétisation d’un rêve de poète (et je veux évidemment parler ici de Jean Tardieu) connaissance et amor de la musique à des centaines de milliers d’auditeurs, aussi réceptifs et fidèles qu’attentifs à ce que les autres radios ne leur proposaient pas.
 
Outre que je me demande dans quel bain d’ignorance recuite, de préjugés et de partis pris il faut avoir longuement trempé, pour qualifier cette merveille de générosité pédagogique intelligente et exigeante qu’était France-Musique, de Radio excluante, je crois savoir que, pour donner tout son sens à votre mission, vous avez immédiatement exclu de la Radio en question, une bonne dizaine de ses meilleurs producteurs qui, par un malencontreux hasard, étaient d’ailleurs tous masculins. Au-delà de cette chasse à l’homme qui sent son diplôme ès sovietisme, glané dans les officines où l’on fabrique en série de parfait(e)s reproducteurs (et trices, bien sûr) du modèle, vous donnez sans doute ainsi à votre hiérarchie les preuves d’une efficacité discriminante, archétypique de ces écoles et cabinets où s’enseigne la plus arrogante des violences, celle qui prend appui sur l’ignorance volontaire de l’historique, voire de l’Histoire elle-même. Celle dont vous vous autorisez pour déclarer qu’aujourd’hui, et grâce à vous : “France Musique respire et a retrouvé un peu de fierté”. Eh bien vous alors, on peut dire que, si la modestie ne vous étouffe pas, vous ne manquez pas d’air ! Non mais, pour qui vous prenez-vous? Et à qui voulez-vous faire croire que tout commence avec vous ?
 
Mais vous voudrez bien me permettre de nuancer quelque peu une aussi insolente autosatisfaction.
 
Je m’étais donné tout le temps de mesurer les effets de votre irruption dans le paysage radiophonique où l’on vous a chargée de jouer à la femme de ménage nettoyant l’appartement au lendemain de la fête. S’il est bien vrai que France Musique a été une véritable fête pour les mélomanes, le bilan de vos premiers mois apparaît d’ores et déjà qualitativement catastrophique. Les matinées, dégageant un ennui soporifique, manquent cruellement d’ambition, d’envergure et d’unité artistique, avec ces fastidieux entretiens où des gens venus d’un peu partout, et se retrouvant là comme après un tirage au sort, semblent tout surpris de se retrouver sur une très pâle copie de France Culture. On comprend aisément qu’avant vous, qui avez le toupet de vous en vanter, personne n’ait jamais songé à concocter pareil remède à l’amour de la musique.
Le reste des programmes de votre nouvelle grille est au diapason de ce salmigondis qui semble avoir pour but de dégoûter les anciens auditeurs de la chaîne et de racoler les auditoires les plus improbables. Avec en point d’orgue, l’après-midi, l’impénitent bavard qu’est Frédéric Lodéon, transfuge de la Radio qui vous sert de référence vers celle dont vous souhaitez faire le rendez-vous des adeptes du n’importe-quoi-pourvu-que-ce-ne-soit-plus-comme-avant. Audimat, audimat, que de crimes on commet en ton nom !  
Pour compléter le tableau, ajoutons qu’en supplément au saucissonnage des œuvres, nous est imposée, ex abrupto, l’imitation des redites de votre concurrente référentielle, avec des : “Vous écoutez France Musique !”, comme si nous ne le savions pas... 
 
Vous aurez compris, Madame la Directrice, que je ne souhaite pas la bonne année à votre entreprise de déconstruction, laquelle ne vaut pas -loin s’en faut- l’entreprise “d’exclusion” à quoi vos excès langagiers, probablement indispensables au bon accomplissement de votre cursus, ont vainement tenté de réduire la chère France Musique. Vous n’êtes que l’héritière de sa longue et belle histoire. De temps à autre, tâchez tout de même de ne pas l’oublier.
 
François Montmaneix
Président de l’Académie Mallarmé  
 

 


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15 janvier 2015 4 15 /01 /janvier /2015 23:35

   C'est drôle une journée de l'après 11-Janvier. Enfin, je veux dire, c'est drôle et triste à la fois. En voici quelques exemples. Hier, à Montreuil, on s'est ému à la vue du cercueil de bois brut de Tignous recouvert de dessins et de petits mots, sous les notes de la trompette amie d'Ibrahim Maalouf. Ce n'était plus un cercueil, c'était le plâtre d'un de ces lycéens qui se serait cassé la guibolle et sur lequel, jadis, les copains, feutres en main, se prenaient pour Gotlib ou Reiser.

   Mais loin de cette image apaisante, on s'est attristé aussi pour des propos entendus à la radio. "D'où vient le problème de l'atteinte à la laïcité sinon des musulmans? On le dit ça? Eh ben moi je le dis! C'est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd'hui? Il faut le dire, quoi!" Et le pire c'est que ce n'était pas le dernier beauf de Cabu qui déblatérait ainsi. C'était Philippe Tesson, fringant octogénaire à l'esprit vif et aux yeux bleus. Certes, il ne nous a pas habitués, ces derniers temps, à la demi-mesure. Mais enfin, pour beaucoup d'entre nous, Tesson, c'est le rédac' chef du Combat de la fin des années 60 inscrit dans la libre ligne de celui de Camus. Tesson, c'est le patron de presse qui fit des Nouvelles Littéraires l'un des plus fraternels viviers journalistiques, toutes tendances confondues, entre 1975 et 83. Alors à l'entendre proférer des inepties comme ça, on a mal.
   Heureusement, pour se remettre, il y a la lecture du Monde. À Grenoble, où j'étais hier, il arrive à la gare dans l'après-midi. Pas question de rater le numéro daté de ce vendredi 16. Pas forcément à cause de ce gros titre: "Cette France qui n'est pas Charlie". Mais du fait de cette belle photo en Une. JMG Le Clézio, l'auteur d'Étoile errante et de Poisson d'or, le Nobel 2008. s'adresse à sa fille qu'il félicite pour sa présence dans la rue dimanche:  "Je crois en effet, lui confie-t-il, que cela a été un moment fort dans l'histoire du peuple français tout entier, que certains intellectuels désabusés voudraient croire frileux et pessimistes, condamné à la soumission et à l'apathie. Je pense que cette journée aura fait reculer le spectre de la discorde qui menace notre société plurielle". Merci JMG. Il y a des moments où l'on est content de terminer la journée en lisant des choses comme ça. D.P.

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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 10:08

telechargement--2--copie-1.jpg   Au jury du prix Kowalski, nous l'appelions "Clu-Clu". Enfin, c'était surtout Pérol qui l'appelait comme ça. Avec Jean, ils étaient de vieux potes du (bon) temps de La NRF des années 60. Ils se retrouvaient à Paris, à Fukuoka, à Tokyo... Ils parlaient, en gloussant, de "vie littéraire", des "petits clans parisiens",  mais surtout de poésie, ainsi qu'en témoignent, ici ou là, les dix tomes d'un Journal (La Différence) aussi acerbe que passionné.... Claude-Michel Cluny est mort dimanche 13 janvier à Paris, à 84 ans, juste avant le début de la grande marche républicaine. La "Jesuischarlite" aiguë l'aurait sans doute fait râler. Il était pourtant lui aussi du parti de la tolérance et de la fraternité, mais sans slogan ni bannière. Il aimait Pessoa, le cinéma arabe, la peinture de Julio Pomar, les avions et les îles... On lui doit l'un des plus exceptionnels florilèges de poésie de poche - de surcroît en édition bilingue pour les auteurs étrangers: la collection Orphée à La Différence. Il était critique, romancier, nouvelliste et donc, on l'aura compris, surtout poète. Dans Inconnu passager ("Le Chemin", Gallimard, 1978), son "Épitaphe" semblait toute prête: "Tu écoutes un soleil perdu / errer entre les tombes, / Et toi, au couchant de ce monde / dispersant les cendres de ce qui fut / et n'a pas encore été". Tchao "Clu-Clu"!  D.P.   

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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 22:18

   DSCN0158-copie-1.JPG   707185-charlie.png

 Je suis Charlie, je suis un autre. Je suis Untel, je suis Machin. Je suis ceci, je suis cela. Au surlendemain de la marche historique du 11-Janvier et à la veille de la sortie des trois millions d'exemplaires en seize langues du très attendu Charlie Hebdo année zéro (Photo de la Une ci-dessus), le grand choral déclamatoire n'en finit plus de se propager dans toutes les strates d'un pays toujours debout comme un seul homme. Pas uniquement à travers les panonceaux jonchant les rues des défilés de dimanche, mais sur des milliers de lèvres qui veulent croire aux lendemains qui gagnent. On peut penser ce qu'on veut de cette interminable litanie de glissements identitaires sans doute un peu naïve, à moins qu'à certains elle paraisse déjà agaçante. Et il faut évidemment dénoncer bien haut les quelques inévitables détournements abjects - eh! oui Dieudonné, en mal d'audience, a une fois encore cru bon de se manifester. Mais une chose au moins doit nous réjouir.  Jamais en France on n'aura autant conjugué le verbe être. Et au présent, de surcroît. Ne reste plus, dans l'élan fraternel du moment, qu'à imaginer une déclinaison de la formule au futur. "Je resterai Charlie", c'est juste quelques lettres de plus. Allez, encore un effort, le vieux monde est derrière nous!  D.P.  

    Photo de la marche à Bourg-en-Bresse © D.P.

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11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 22:55

DSCN0170.JPG   DSCN0167.JPG        

 

   Sur nos lèvres ce matin, une seule question: et maintenant? Et maintenant que faire de ce sursaut, de ce prodige, de cet émerveillement? Que faire de cette ferveur, de cette foi commune, de ce cri muet venu du fond du peuple apte à faire oublier les fatales hypocrisies et autres récupérations? Que faire de cette incroyable foule que  nous/vous/ils/elles  avons/avez/ont  formée hier, grain par grain, corps à corps, cœur à cœur, Charlie à Charlie, à chaque coin de France et dans de nombreuses villes hors de nos frontières?  3 700 000 personnes sur le territoire national dont peut-être la moitié à Paris promue, selon la formule de François Hollande, "capitale du monde"!

   Que faire de cet immense collier humain accroché, toutes origines et tous âges confondus, au cou d'une liberté qu'on a voulu étrangler? L'inscrire dans l'histoire? Allons, n'en doutons pas, c'est déjà fait. Le 11-Janvier 2015 est devenu instantanément une date phare. Une de celles auxquelles on se réfère  pour tenter de se repérer. Une de celles qu'on apprend à l'école. Une de celles qu'on célèbre.
   Que faire de cette manif qui n'en était pas une puisque tout y fut inversé? Étrange, en effet, quand on y pense. Pour une fois, on n'a pas contesté le chiffre de participation, on n'a conspué personne, on a même embrassé des flics, on n'a pas hurlé le slogan "Tous ensemble!", on s'est contenté de le vivre.
   Que faire? Mais poursuivre, pardi. Ne rien lâcher, demain, tout de suite, quand nous ne serons plus des Charlie, quand nous ne serons plus des hashtags. Rester dignes de ce que l'on fut en cet exceptionnel dimanche d'hiver où, comme l'a dit quelqu'un, "il faisait froid dehors mais chaud dedans". Vœu pieu, redoutent déjà certains à qui trop de résolutions passées bafouées donnent raison. Hélas oui, mais convenons-en, si on n'y croit pas aujourd'hui, ne serait-ce qu'un tout petit peu, ne serait-ce qu'une larme (une de celles qu'on a versées au cours de cette folle semaine hors du temps), ce n'est plus la peine de rien. Le 11-Janvier 2015 n'a pas eu lieu hier. Ce n'était que le prologue. Le 11-Janvier 2015 commence ce matin. À chacun d'en faire ce qu'il croit bon. D.P. 
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11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 13:11

   Y aller parce que. Ne pas y aller à cause de. Hésiter du fait de. Se raviser en raison de. S'appeler Charlie ou/et rester soi-même. Ne pas forcément se justifier. N'avoir pas à tout prix à trouver les mots. Etre libres. Farouchement libres. D.P.

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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 11:54
Nous devons surmonter notre rage et notre dégoûtnous devons les faire partagerafin d'élever et d'élargir notre action comme notre morale.
Read more at http://www.dicocitations.com/reference_citation/4758/Feuillets_d_Hypnos_1946_.php#o3b3IxHUdvW1uEBW.99

 

 

 

Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la BeautéToute la place est pour la Beauté.
Read more at http://www.dicocitations.com/reference_citation/4758/Feuillets_d_Hypnos_1946_.php#o3b3IxHUdvW1uEBW.99

 

Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la BeautéToute la place est pour la Beauté.
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Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la BeautéToute la place est pour la Beauté.
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Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la BeautéToute la place est pour la Beauté.
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Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la BeautéToute la place est pour la Beauté.
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Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la BeautéToute la place est pour la Beauté.
Read more at http://www.dicocitations.com/reference_citation/4758/Feuillets_d_Hypnos_1946_.php#o3b3IxHUdvW1uEBW.99

telechargement--2-.jpg  "Nous devons surmonter notre rage et notre dégoût, nous devons les faire partager, afin d'élever et d'élargir notre action comme notre morale".

."Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté".

   (René Char, Feuillets d'Hypnos, Gallimard, 1946)

 

"Tu es pressé d'écrire,

Comme si tu étais en retard sur la vie.

S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.

Hâte-toi.

Hâte-toi de transmettre

Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance".


    (R.Ch., Commune présence, Gallimard, 1964). 

 

 


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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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