Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 juillet 2015 1 20 /07 /juillet /2015 21:32
Avec Jean Lacouture, chez lui à Roussillon, dans le Vaucluse, en juillet 2008. C'est là qu'il vient de s'éteindre. Photos © D.P.
Avec Jean Lacouture, chez lui à Roussillon, dans le Vaucluse, en juillet 2008. C'est là qu'il vient de s'éteindre. Photos © D.P.Avec Jean Lacouture, chez lui à Roussillon, dans le Vaucluse, en juillet 2008. C'est là qu'il vient de s'éteindre. Photos © D.P.

Avec Jean Lacouture, chez lui à Roussillon, dans le Vaucluse, en juillet 2008. C'est là qu'il vient de s'éteindre. Photos © D.P.

On ne s'arrêtera plus l'été dans sa maison du Luberon dominant les ocres de Roussillon. Pour parler de Stendhal, de Montaigne, de De Gaulle, de Mitterrand, de tant d'autres... Pour râler aussi contre le cynisme ambiant. Instants privilégiés partagés parfois avec Raymond Jean, venu en voisin de Gargas et disparu trois ans plus tôt. Jean Lacouture est mort jeudi. Infatigable mousquetaire, le journaliste, le biographe, l'écrivain avait 94 ans. Adieu "bonheur vagabond". D.P.

Partager cet article
Repost0
14 juillet 2015 2 14 /07 /juillet /2015 20:05
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.
La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.

La château (avec regards indiscrets par les fenêtres), le parc, les écuries, le pigeonnier, la chapelle, le maquettiste... Et l'avion haut au-dessus des toits. Photos © D.P.

C'est un dimanche de canicule à Saint-Maurice-de-Rémens. Il y a ceux qui, à un jet de pierre, vont barboter dans la rivière d'Ain. Et puis ceux qui franchissent la grille du parc où l'on croit encore entendre par instants le rire clair de "Tonio" dont ce fut ici le royaume enchanté de ses jeunes années. Où est passé "le chevalier Aklin des jours de pluie"? Et la sorcière? Tilleuls, pins, ginkgos... Les habitués ont pris place à l'ombre. L'un expose ses maquettes d'avions. L'autre vend des cartes à l'effigie du Petit Prince. Un peintre du septième jour met de l'eau dans ses orange et ses ocres. Sanguine joli fruit...

Bribes de paroles échangées sous le vent brûlant. On sourit en écoutant la drôle de confidence d'un fidèle: "Un jour j'ai eu un accident, j'ai pensé très fort à lui et je m'en suis tiré". Ars, pourtant, c'est un peu plus loin.

Des enfants jouent sur le seuil de la chapelle transformée en salle d'exposition. Le château est fermé mais en s'approchant très près des fenêtres du bas, c'est comme si on entrait un peu. Les tomettes sont nues. Les araignées se donnent du fil à retordre. Le piano n'est pas d'origine. La bibliothèque est vide. Le coffre aux trésors a disparu. À deux pas, le pigeonnier de briques a belle allure et, dans les écuries adjacentes, seul désormais le silence piaffe. En repartant, on s'arrêtera au cimetière. Antoine a sa plaque comme les autres. Celle de son père précise qu'il repose dans le tombeau familial depuis sa mort le 14 mars 1904 "jusqu'à la résurrection". Vaste programme, comme disait l'autre.

En attendant, c'est quoi, là soudain, au dessus du toit? Un mirage? Pas un Lightning P 38 en tout cas. Plutôt un Airbus. Un banal avion de ligne qui glisse. Qui descend doucement. Qui s'approche de Saint-Exupéry. D.P.

Partager cet article
Repost0
11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 10:49
Photos © D.P.Photos © D.P.
Photos © D.P.Photos © D.P.

Photos © D.P.

Quelques photos de moisson glanées au bord de mes routes familières. Et pour leur faire écho, ces vers du trop méconnu Lucien Becker (1911-1984). Le poème, extrait du recueil Rien que l'amour (réédition La Table Ronde, collection "Petite vermillon", 1997) s'intitule "Vivre dans l'éternité" :

"Sous l'été, il y a des villages qui sont comme des étangs,

leurs ailes touchent la terre comme celles des oiseaux morts

dont le ventre blanc a tournoyé dans le soleil.

L'ombre des arbres prend feu à chaque feuille qui manque.


On a envie d'étendre sa main sur la moisson

couchée comme une femme à moitié dévêtue.

Le soleil, l'épaule contre les portes. Personne n'ouvrira.

Le soleil met dans la serrure une clé qui tombe.


Après-midi posées sur la poussière des routes

sous un ciel qui n'avance pas,

il n'y a pas assez de ruisseaux dans les champs

pour retenir la lumière entre leurs herbes.


L'œil d'un pont dans un quartier mort

regarde de plus loin que le monde

et les murs sont blancs comme les chemins

où la terre souffre d'être nue".
Partager cet article
Repost0
9 juillet 2015 4 09 /07 /juillet /2015 22:07
La Grèce de Dhôtel

Pas un été sans Dhôtel. Lectures, relectures ou re-re, peu importe. Le roman, ouvert actuellement sur ma table et initialement paru en 1982, est une découverte. Mais si je n'avais encore jamais pu mettre la main sur cet ouvrage, je ne suis pas dépaysé pour un sous en tournant les pages de Je ne suis pas d'ici. Un terroir, des amitiés, des mystères... Et toujours cet imperceptible qui finit par happer, sans oublier l'étrange sentiment, propre à toute l'œuvre de l'auteur du Pays où l'on n'arrive jamais et de Ma chère âme, de faire du prodigieux sur-place: "La vie semblait se réduire à passer d'un endroit nul à un autre endroit tout aussi nul, en se demandant pourquoi on prenait la peine de bouger. Mais c'était là aussi bien un charme insolite que semblait goûter Damien tout comme Gildas. Non, il n'était pas question d'attendre quelque lumière, mais plutôt de n'avoir plus rien à attendre jamais. Comme si on avait franchi une frontière de la vie, au-delà de quoi c'était le pur règne d'une volonté céleste qui ne devrait trouver plus rien d'autre à faire qu'à susciter quelque surprenante merveille" (p. 38).

Mais nous ne serions pas chez Dhôtel si la Grèce ne revenait pas comme un leitmotiv sous la plume de notre "promeneux" ardennais qui fut aussi, dans sa jeunesse, professeur à l'Institut français d'Athènes. La Grèce éternelle. Pas celle de Merkel et de Tsipras, du "Grexit" et des créanciers, des larmes et de la colère. "Tu vois, ici, c'est Apollon, ou Phoïbos et puis Mercure, disons Hermès. Des dieux disparus. Mais les grecs savaient bien que n'importe quel dieu reste invisible à jamais. Simplement ils rêvaient. Malgré la peste et les guerre ils rêvaient, ou plutôt ils désiraient comprendre et ils dessinaient leurs rêves" (p.45). D.P.

______

Je ne suis pas d'ici d'André Dhôtel, Gallimard, 1982

Partager cet article
Repost0
7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 22:47
On a eu chaud!

Vous l'avez senti passer, vous? Moi, je crois bien que oui. Nous dînions sur la terrasse. Les grenouilles criaient dans la mare que la canicule vide chaque jour un peu plus. Par la fenêtre ouverte, on entendait la télé qui parlait de la Grèce. Un peu plus tôt, l'orage, arrivé par l'ouest, avait tournoyé, avec roulements de tonnerre et éclairs, pour ne lâcher finalement que quelques gouttes d'eau brûlantes. Et puis soudain, il y eut cette chose inhabituelle qui a fait se dresser les oreilles des chats. Une crispation. Un grand souffle.

Je suis sûr que c'est lui. Lui? Mais l'astéroïde, bien sûr. Ce gros caillou de 110 mètres de diamètre qui devait ce soir frôler notre bonne vieille Terre. Frôler, c'est une façon de voir les choses. Il était prévu qu'il ne s'approche qu'à 400 000 kilomètres de notre planète. L'animal est poli, il sait garder ses distances, quoi qu'on dise. Mais c'est lui, évidemment. J'ai nettement perçu sa présence. Oh! pas longtemps car il "roule" à 30 456 kilomètres à l'heure HM 10 (c'est son nom de code). Belle moyenne, non, en cette époque de bouchons sur les routes?

Bon, ce qui est bien, c'est qu'il n'ait pas pris envie de nous rendre une vraie visite. Cela dit, il y avait peu de chance pour qu'un choc se produise. Les spécialistes sont formels, il ne tombe un de ces résidus de système solaire que tous les 3000 ans, ça nous laisse un peu de marge. N'empêche, je ne sais pas vous mais moi je l'ai senti.C'est après coup que je me suis persuadé que c'était lui. Et quand j'y pense encore maintenant, en agitant mon éventail, je me dis que vraiment, en ce 7 juillet, on a eu chaud! D.P.

Partager cet article
Repost0
27 juin 2015 6 27 /06 /juin /2015 11:11
Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"

Quelques récents billets parus dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain: "Jardiner, c'est royal" (15 mai), "Vogue la mémoire" (22 mai), "Une pub qui a la patate" (29 mai), "L'heure bleue" (5 juin), "Plaies mobiles" (12 juin) et "Avec du violet" (19 juin). Celui de cette semaine, "Voyage en seconde", sera lisible ici prochainement.

Partager cet article
Repost0
25 juin 2015 4 25 /06 /juin /2015 21:42

Lors d'un voyage à l'étranger, tout commence souvent par un chauffeur de taxi. C'est lui qui donne, en premier, la marque de sa ville et le ton de l'époque. Les touristes qui arrivent en France en ont tous fait l'expérience. Hep taxi et c'est parti pour l'aventure! Celui dont ils aperçoivent un rictus dans le rétroviseur est à l'image du pays où ils débarquent. Avenant ou ronchon. Courtois ou casse-pied. En général, un peu tout cela à la fois.

Que l'on en soit un usager fréquent ou pas, on a tous une histoire particulière liée à ce type de transports. Et tous les cinéphiles ont des références se rapportant à ce petit monde. Du casse-cou balèze à qui un truand pressé crie "Suivez cette voiture!" dans les polars des années 50 à l'aguicheuse Cora (Christine Boisson) d'Extérieur nuit de Jacques Bral, en passant par Marcel (André Pousse) qui ne cesse de vociférer au volant de sa DS noire dans Un Idiot à Paris de Serge Korber. Et l'on n'a pas oublié que Bourvil, dans La Traversée de Paris, était avant la guerre le chauffeur de taxi Marcel Martin.

Voilà pourquoi le conflit, né de la concurrence d'UberPOP, qui agite la France en ce moment ne laisse personne indifférent. On a beau se dire que les chauffeurs traditionnels exagèrent parfois - et sur les réseaux sociaux, c'est particulièrement leur fête -, une France sans eux serait triste comme un monde sans chanson. "Vous pouvez monter un peu le son de radio, s'il vous plaît? C'est sympa comme musique. Non, vous n'aimez pas?". Tiens, c'est la voix de Vanessa: " Joe, le taxi / C'est sa vie / Le rhum au mambo / Embouteillage...". D.P.

Partager cet article
Repost0
24 juin 2015 3 24 /06 /juin /2015 22:22

Alors que le nombre de chômeurs a encore augmenté en mai (+ 16 200), trouver les mots pour commenter la spirale devient quasiment un emploi à temps complet. Nommé pour faire le job depuis avril 2014, François Rebsamen s'y emploie avec ardeur. Non sans renoncer parfois à quelques audaces verbales ou autres néologismes. Ainsi, dès sa prise de fonction, il déclarait: "Je suis sûr que cette année nous aurons des baisses qui se produiront certains mois, on est sur une tendance baissière". Joli, les "certains mois" et "la tendance baissière"!

Mais tout ministre que l'on est, on peut aussi se lasser des rhétoriques transformistes. En octobre dernier, nous assistions étonnés à une sorte de coup de blues doublé d'un élan de lucidité: "Soyons honnêtes : nous sommes en échec. À titre personnel, devoir annoncer chaque mois une augmentation du chômage, c'est une souffrance". À croire que même le moral de nos dirigeants est susceptible de connaître lui aussi une "tendance baissière".

Passagère, évidemment. Hier, François Rebsamen avait en effet retrouvé la forme. La nouvelle augmentation des chômeurs? Une "hausse gonflée" en raison d'une "procédure inhabituelle" qui rendrait ces chiffres"interprétables". Comprend qui peut. Et ce n'est pas tout. Cette fois-ci, l'hôte de la rue de Grenelle en est sûr : "2015 sera meilleur que 2014". Alléluia! Sauf que l'hypothèse - même confirmée à mi-mots par l'Unedic - n'est plus désormais prise au sérieux. La fameuse inversion, c'est comme le loup. À trop crier à la courbe, nul n'y croit plus. Et pour tenter de rétablir à ce niveau-là un semblant de confiance, ce n'est pas comme dans les fichiers de "Pâle" Emploi. Y'a du boulot. D.P.

Partager cet article
Repost0
22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 23:46
Dominique Strauss-Jack

Donc, dix jours après sa relaxe dans l'affaire du Carlton, Dominique Strauss-Kahn vient de faire une (ré)apparition très remarquée en ouvrant un compte sur l'un des plus célèbres réseaux sociaux où il serait déjà, dit-on, suivi par plus de 24 000 abonnés. Mais ce qui intrigue plus que tout, ce n'est pas seulement cela. C'est son lapidaire message: "Hello Twitter! Jack is back". Le tout en 33 signes seulement plutôt que 140, preuve chiffrée s'il en est, soit dit en passant, que l'éminent économiste n'a rien perdu de sa virtuosité. Un message lapidaire et énigmatique. Car enfin, qui est ce Jack-là?

Il y a ceux qui misent sur Bauer, Sparrow ou Nicholson. Et ceux qui préfèrent donner leur Lang au chat. Pour notre part, et même si l'on sait bien que ce n'est pas vrai, qu'on nous permette d'y voir une célébration détournée de la littérature. Jack comme Kerouac, of course. Le Kerouac qui a écrit ceci:"Tout au bout de la route américaine, il y a un homme et une femme qui font l'amour dans une chambre d'hôtel". À moins qu'on préfère renvoyer à ces lignes: "Tu ne penses à rien d’autre qu’à ce qui te pend entre les jambes et au fric ou à l’amusement que tu peux tirer des gens et puis tu les envoies paître". Évidemment, l'hypothèse vaut ce qu'elle vaut et, qu'on se rassure, nous n'irons pas au-delà. Tant pis pour ceux qui voudraient, tant qu'on y est, nous faire changer pour la circonstance l'orthographe de "beat generation". D.P.

Partager cet article
Repost0
21 juin 2015 7 21 /06 /juin /2015 22:37
Photo © D.P.

Photo © D.P.

D'habitude à pareille époque, la Grèce, c'est sur un site de vacances ou sur un dépliant touristique qu'on la regarde droit dans le bleu de ses dieux. Soit qu'on rêve d'aller y tutoyer les îles et les mythes, le soleil et les pierres, Homère et la mer. Soit que le séjour tant attendu approche. Mais ça c'était avant. Avant, quand on croyait qu'à Épidaure le temps s'était arrêté. Avant, quand on pensait qu'à Delphes la Pythie ne connaissait pas le mot "banqueroute". Oui, tout ça c'était avant, quand la capitale était Athènes et non pas Berlin ou Bruxelles.

Bruxelles? C'est là que ce lundi tout va se jouer lors d'un sommet extraordinaire de tous les dangers. Le pays doit rembourser 1,6 milliard d'euros au FMI avant le 30 juin et faute d'accord avec ses créanciers c'est sa sortie de l'euro qui est programmée. Une issue que réclament les Allemands mais pas Engela Merkel. Parviendra-t-elle à établir un nouveau compromis avec le Premier ministre Alexis Tsipras? C'est là le torride enjeu de ce nouvel acte de la tragédie grecque moderne qui se joue sur les gradins à ciel ouvert de l'Europe. À guichets clos? D.P.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
  • Contact

Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

Recherche

Archives