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21 octobre 2015 3 21 /10 /octobre /2015 20:46
Dans "Voix de l'Ain"
Dans "Voix de l'Ain"

Mes derniers billets publiés dans l'hebdomadaire Voix de l'Ain: "Accueillir" (11 septembre), "Deux poids, deux mesures" (18 septembre), "Notre histoire" (25 septembre), "En fouillant bien" (2 octobre) et "Georges et Laurent" (9 octobre). Celui de cette semaine, "Pas une amourette", en écho à la disparition de Leny escudero, sera lisible ici prochainement.

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19 octobre 2015 1 19 /10 /octobre /2015 21:44
Il est libre Erri

Donc, Erri De Luca n'ira pas en prison. Tant mieux. On n'envoie pas un écrivain en taule pour une conviction proclamée. On n'enferme pas un poète pour une parole. Ce qui n'empêche pas qu'on puisse se demander si le mot "sabotage" était bien approprié dans cette dénonciation du projet de Lyon-Turin. "C'est un beau mot sabotage", se justifie l'ancien activiste de "Lotta Continua". On ne lui donnera pas tort en se souvenant du poignant "Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite". Mais enfin, bon, le registre de la contestation d'un chantier joue tout de même, on l'admettra, un ton au dessous du Chant des partisans. On peut d'ailleurs, au demeurant, anticiper des vertus à cette infrastructure qui n'en finit pas de ne pas aboutir. Quiconque voyage aujourd'hui entre Rhône-Alpes et la Lombardie n'ignore rien de l'actuelle galère ferroviaire. Sans compter que faire transiter les poids-lourds sur des wagons n'est pas non plus forcément pressenti comme une infamie par les riverains des vallées savoyardes asphyxiées par le flux des camions. Évidemment, Erri De Luca a de bonnes raisons de se moquer de tout cela. Il s'en va, lui, d'une rive à l'autre, ou de sommet en sommet, juché sur les ailes des insectes, porté par la fluidité de l'air. "Quand un homme s'arrête pour regarder les nuages, il voit défiler le temps au-dessus de lui, un vent qui enjambe", écrit-il dans Le Poids du papillon (Gallimard, 2011). Si un jour, sait-on jamais, des TGV circulent entre Lyon et Turin et que nous soyons l'un des passagers, promis juré, nous emporterons avec nous des livres de De Luca. Le train abolira le temps. Les pages de l'écrivain nous le restitueront. Il est libre Erri e tutto ciò va benissimo. D.P.

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15 octobre 2015 4 15 /10 /octobre /2015 21:14
Photos © D.P.
Photos © D.P.
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Sur le plateau de "La Grande Librairie" ce soir 15 octobre, Marie-Hélène Lafon (pour Chantiers, Les Busclats, et Histoires, Buchet-Chastel), Christian Bobin (pour Noireclaire, Gallimard), Éric Holder (pour La Saison des Bijoux, Seuil). Puis Jacques Higelin et Valérie Lehoux qui a coécrit Je vis pas ma vie, je la rêve (Fayard), le livre de mémoires du chanteur.

Bobin, qui a parlé de Bach et de Soulages, a notamment dit: "Je crois aux vertus ressuscitantes de la parole et du langage". Et, pressé de définir la poésie, Higelin a répondu d'un seul mot: "La liberté".

Dans Noireclaire (1), évocation mezzo voce de Ghislaine, la compagne disparue de l'auteur, Christian Bobin dépose sur la page de brèves phrases comme celles-ci:

"Le sourire est la seule preuve de notre passage sur la terre" (p. 10),

"Chers oiseaux, combien payez-vous de loyer?" (p.25),

ou encore:

"Violente femme douce, j'ai perdu le nom de ton parfum mais je me souviens des drames qui en faisaient l'essence" (p. 48).

____

(1) Gallimard, 92 p., 11 €.

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9 octobre 2015 5 09 /10 /octobre /2015 22:27

Honte à nous, on l'avait un peu oublié, celui-là. Il y a quelques semaines tout juste, en évoquant Guy Béart qui venait de partir on saluait l'un des derniers grands de la chanson française. Ne restait plus guère qu'Aznavour, se consolait-on. C'était assurément faire peu de cas de Leny Escudero. Il fut pourtant un type bien et une magnifique voix. Le problème, c'est que tout commença pour lui par un incroyable coup de chance qui fut aussi un handicap. Aux yeux des gens - à leurs oreilles surtout -, Escudero c'était Pour une amourette, point barre. Une rauque mélopée qui s'imposa par miracle dans le tourbillon yéyé des années soixante pourtant plus friandes d'onomatopées "dadouronesques" que de couplets romantico-réalistes.

Certes, l'auteur-compositeur-interprète aux airs de gitan avait lui aussi un blouson noir et des cheveux longs et on le vit en tournée au côté de Richard Anthony, mais toute autre similitude ne pouvait que forcer le trait. Même avec le fric de ses premiers cachets, l'ancien carreleur restait un artisan. Toujours soucieux de mettre sur ses notes les mots d'amour et de combat qui résument toute sa vie. Le petit immigré espagnol n'oublia jamais la lutte des siens pour conquérir la liberté, ni ce qu'il devait à la France qui les accueillit. Leny Escudero était un migrant fuyant le franquisme et la misère. Un frère de ceux qui naviguent aujourd'hui sur leurs radeaux de fortune. Que ce soit à la Fête de l'Huma ou bien, plus tard, lors de ces tournées "Âge tendre" un peu niaises où il faisait magistralement figure d'intrus, il ne cessa de chanter les destins ballottés, l'angoisse du lendemain, la rage de s'en tirer et, dans le meilleur des cas, les bras qui s'ouvrent,

À l'heure de sa disparition, à 82 ans, il y a bien, outre la fameuse "amourette qu'il faut prendre comme ça / un jour ou deux peut-être / longtemps quelquefois", deux ou trois autres couplets qui nous reviennent en mémoire. Ceux de la Balade à Sylvie, d'À Malypense, de Vivre pour des idées ou de Van Gogh. Mais s'il y a une chanson d'Escudero qui doit nous accompagner, nous secouer, c'est celle qui commence comme ça: "J'ai vécu / Au siècle des réfugiés / Une musette au pied de mon lit / Avec la peur au ventre / Des humiliés / des sans logis / Qui tremblent". Elle date de 1982 et s'appelle Le siècle des réfugiés. Les paroles sont de Leny et la musique de Julian, son fils. Elle dit encore: "Ils ont des trous à chaque main / C'est ce qui reste du naufrage / Ils n'ont pas l'air d'être en voyage..."

Vous avez dit, voyage? Vous avez dit naufrage? D.P.

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1 octobre 2015 4 01 /10 /octobre /2015 17:51
"Théâtre(s)": et de trois!"Théâtre(s)": et de trois!"Théâtre(s)": et de trois!
"Théâtre(s)": et de trois!"Théâtre(s)": et de trois!"Théâtre(s)": et de trois!

Ne pas manquer la nouvelle livraison de la jeune revue Théâtre(s) avec, parmi beaucoup d'autres sujets, un très sérieux dossier sur le corps et la nudité sur la scène. Et qu'on permette au blogueur d'adresser ici un clin d'œil complice à l'une des habituelles collaboratrices, une certaine Nadja Pobel. D.P.

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Au sommaire du numéro 3 - Automne 2015

(dans les maisons de la presse et les kiosques).

EN IMAGES Spectacula, d’Aurélien Bory

BILLET Les réserves de l’art dramatique, par Éric Vigner

RÉPLIQUES

LE GRAND ENTRETIEN D’ARNAUD LAPORTE
Thomas Ostermeier : «Je ne suis pas un artiste, je un suis homme de théâtre»

CÔTÉ COUR/CÔTÉ JARDIN
Dans l’actualité du trimestre

UNE QUESTION Comment entre-t-on à la Comédie-Française ?

LE JOUR OÙ… Les Paravents font scandale

INTERVIEW STRAPONTIN Vincent Goethals, directeur du Théâtre du Peuple à Bussang

À SUIVRE Boris Gibé, Matthieu Roy, Noam Morgenszter, Mélodie Richard, Magali Mougel, Vincent Thomasset

EN DÉBAT
• «La colère», par Olivier Neveux
• «Qu’il est beau mon label !», par Fabien Jannelle

LIRE, ÉCOUTER, VOIR

LES COUPS DE CŒUR DES PROS

DANS LES MÉDIAS

FESTIVALS

JEUNE PUBLIC

PROFILS Karin Serres, Richard Brunel

DOSSIER Corps et nudité au théâtre

EN RELIEF
• Existe-t-il un théâtre de gauche et un théâtre de droite ?
• Les discrets joyaux du Off d’Avignon

REPÈRES Le théâtre documentaire

AILLEURS Asie : l’éveil des dragons

COMPAGNIE Comp. Marius

CARNET DE CRÉATION Père, d'August Strindberg, monté par Arnaud Desplechin à la Comédie-Française

LIEUX Ma journée au CentQuatre

UNE ÉQUIPE Le Tarmac, à Paris

ARCHITECTURE Le Quintaou, à Anglet

LE GRAND PORTRAIT Arthur Nauzyciel

CAHIER CRITIQUE du trimestre, partout en France

EXTRAITS
• Rhapsodies, de Sylvain Levey
• Greenville, de Régis Duqué

I HAVE A DREAM… Christophe Rulhes

NOUS AVONS AUSSI AIMÉ

LE THÉÂTRE DE…Macha Makeïeff

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1 octobre 2015 4 01 /10 /octobre /2015 17:36
Hubert Haddad viendra cette année ajouter son nom à un riche palmarès où figure notamment Charles Juliet, particulièrement enjoué en 2010. Photo archives D.P.
Hubert Haddad viendra cette année ajouter son nom à un riche palmarès où figure notamment Charles Juliet, particulièrement enjoué en 2010. Photo archives D.P.

Hubert Haddad viendra cette année ajouter son nom à un riche palmarès où figure notamment Charles Juliet, particulièrement enjoué en 2010. Photo archives D.P.

Voilà, ce sera donc ce week-end des 3 et 4 octobre à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), l'un des plus chaleureux rendez-vous de l'automne au carrefour du livre, du vin et de l'amitié. La bourgade des rives de l'Agly célèbre pour son muscat vivra au rythme des treizièmes Vendanges littéraires, à l’ombre du grand platane de la place De Gaulle. Après Charles Juliet, Daniel Oster, Michel Onfray, Cécile Coulon, Bernard Pivot, Jean Echenoz, Jean-Paul Kauffmann, Catherine Millet, le jury a décidé de distinguer cette année Hubert Haddad et Régine Detambel, respectivement prix des Vendanges et prix Jean Morer. Les deux autres lauréats sont Vincent Couture, prix Odette Coste et Mathias Rambaud, prix Coup de foudre. La treizième revient, c'est encore la première aurait dit Nerval.

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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 20:17
Photos © D.P.
Photos © D.P.
Photos © D.P.

Photos © D.P.

Le titre est là, sur la couverture en fond rouge, comme un constat évident, comme une invitation à "liker", formule qui fait florès ailleurs. Sauf que là, on l'aura compris, c'est d'abord d'un hymne au papier et à l'encre qu'il s'agit. Attention, ce credo collectif ne se veut pas non plus un rejet systématique des nouvelles technologies. Certains auteurs prônent une intelligente cohabitation. Ils sont au total 48, réunis au fil des pages de Il n'y a pas de meilleur ami qu'un livre (Voix d'Encre) - une formule empruntée à Voltaire -, parmi lesquels, outre votre serviteur, Jean-Pierre Chambon, Pierre Jourde, Emmanuel Merle, Frédéric Jacques Temple, Joël Vernet, Hubert Haddad (à noter que ce dernier se verra, par ailleurs, remettre le Prix des Vendanges Littéraires de Rivesaltes au cours du prochain week-end des 3 et 4 octobre) et même un certain... Gustave Flaubert. D.P.

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Voix d'Encre éditeur, Montélimar, 196 p., 20 €.

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QUATRIÈME DE COUVERTURE :

Faudrait-il annoncer la fin de la planète Gutenberg, ainsi que certains prophètes s’emploient à le faire ? Non, nous ne joindrons pas notre voix à leur triste concert, tous les témoins ici présents seraient plutôt - quant à l’avenir du livre - des oiseaux de bonheur... car "un bon livre, John Milton l’assurait déjà, est l’élément vital d’un éminent esprit".

Ouvrage collectif donc sur un thème d’une cruciale actualité : le livre d’encre et de papier. En prose ou en vers, qui n’aurait son mot à dire... En ces temps turbulents où cette question semble de plus en plus aiguë, les éditions Voix d’encre publieront en septembre un ouvrage sur ces “enfants du cerveau” comme Jonathan Swift les a désignés. Afin de tenter d’apporter un peu de lumière à l’heure brouillée du tout-numérique et d’un Internet pour le moins envahissant. Papier, encre et crayon seraient-ils désormais à reléguer au rayon des instruments d’écriture obsolètes, à tenir pour compagnons d’un autre âge ?

À enjeu d’envergure, réponses décisives...

Les écrivains, et plus particulièrement les poètes, quel est aujourd’hui leur sentiment, quelle flamme les habite encore pour continuer d’insuffler au livre vie et ferveur ? “Moi, si j’avais faim et me trouvais démuni dans la rue, je ne demanderais pas un pain mais un demi-pain et un livre”, avait un jour affirmé Federico García Lorca.

Par monts et par mots, par concepts et par métaphores, en prose ou en vers, une poignée d’écrivains - chacun à la lueur de sa propre expérience - révèle ici les liens noués avec ces ouvrages d’encre et de papier, leurs indissolubles alliés au fil des jours. Les liens intimes avec des livres-aliments pour nos cœurs et nos esprits.

En son temps Voltaire ne manquait pas de l’avouer : "Il n’y a pas de meilleur ami qu’un livre".

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Avec les contributions de

Jacques Abeille • Max Alhau • Gabrielle Althen • Marc Alyn • Alexandrou Aris • Françoise Ascal • Pierre André Benoit • Alain Blanc • Alain Boucharlat • Franck Castagné • Françoise Chabert • Jean-Pierre Chambon • Pascal Commère • Jean Gabriel Cosculluela • Pierre Dhainaut • Christian Doumet • Irène Dubœuf • Sylvie Durbec • Sylvie Fabre G • Gustave Flaubert • Jean-Pierre Gandebeuf • Federico García Lorca • Michaël Glück • Hubert Haddad • Marie Huot • Sabine Huynh • Jean-Louis Jacquier-Roux • Gil Jouanard • Pierre Jourde • Yves Leclair • Marc Le Gros • Isabelle Lévesque • Michel Ménaché • Emmanuel Merle • John Milton • Alain Miquel • Angèle Paoli • Didier Pobel • Alain Roussel • James Sacré • Nohad Salameh • Sylvie-E. Saliceti • Dominique Sorrente • Muriel Stuckel • Frédéric Jacques Temple • Joël Vernet • Denis Wetterwald

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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 18:07
Bientôt sur FC Radio

A quelques mois des élections Régionales, FC Radio l’essentiel, en partenariat avec Voix de l’Ain, lance une toute nouvelle émission, baptisée « L’agora – Parlons vrai ! ». Diffusée sur les ondes le vendredi, de 18h à 19h (rediffusion à 22h), elle sera reprise sur le site internet de Voix de l’Ain le lendemain (samedi), dès midi.

Trois vendredis sur quatre, un invité de marque du département viendra répondre aux questions des journalistes, Jean-Marc Perrat pour FC Radio l’Essentiel, Nicolas Bernard pour Voix de l’Ain. Mais auparavant, notre personnalité aura accepté de se faire tailler le portrait par notre chroniqueur de talent, ancien rédacteur en chef du Dauphiné Libéré, éditorialiste et écrivain, Didier Pobel. Pierre Lurin, élu (Les Républicains) de Bourg-en-Bresse, patron du groupe de la droite et du centre au conseil municipal et vice-président aux Finances du Département sera le premier invité de ce nouveau rendez-vous. Finances départementales, commerces en ville, crise des migrants, montée des nationalismes, il donne, sans langue de bois, son point de vue sur l’actualité.

Chaque début de semaine, Voix de l’Ain partagera aux internautes le nom de l’invité de l’émission de fin de semaine. Les lecteurs et auditeurs pourront ainsi en se rendant sur le Facebook ou Twitter de Voix de l’Ain poser leurs questions via le hashtag #agoraAIN. Les questions les plus pertinentes seront posées à l’antenne.

L’agora désignait dans la Grèce antique le lieu de rassemblement politique et mercantile de la cité. Symbole de l’espace civique, elle était une composante essentielle du concept de polis, à tel point qu’Aristote traita les barbares de non-civilisés, car ils n’avaient pas d’agora. Avons-nous besoin aujourd’hui de retrouver nous aussi, une agora ? Cette émission en fait le pari et souhaite s’installer grâce à vous comme un rendez-vous de référence dans le paysage radiophonique local.

Nicolas Bernard

« L’agora – Parlons vrai ! » vendredi, de 18h à 19h sur FC Radio (rediffusion à 22h) et dès le samedi midi sur voixdelain.fr

- 101.4 Bourg et Oyonnax

- 96.7 Lagnieu et Pont-d’Ain

- 94.2 Belley

- 101.3 Nantua

- 107 Artemare

- 105.7 Bellegarde

- 87.8 Culoz

- 87.9 Hauteville

Pierre Lurin vu par notre chroniqueur Didier Pobel. Extrait du portrait décalé de l’émission.

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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 20:31

Il y a de l'eau sur Mars, nous annonce-t-on d'un bulletin d'information à l'autre. De l'eau sur Mars? Tous ceux qui aiment Moustaki le savaient déjà.

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27 septembre 2015 7 27 /09 /septembre /2015 00:53
Patrick Pelloux, l'urgent triste

Patrick Pelloux a décidé de cesser d'écrire dans Charlie Hebdo. C'est drôle, tout de même, ces choses-là. Des mouvements de personnel dans la presse, il y en a tous les jours et pourtant en voilà un qui fait figure de petit événement. Pourquoi cela? Parce que c'est Charlie et parce que c'est lui, pourrait-on répondre en paraphrasant la célèbre phrase de Montaigne sur l'amitié. Pelloux, c'est ce grand gaillard paumé venu répéter à la France entière, les yeux dans les yeux embués de l'après-7 janvier, qu'il y avait quelque chose de brisé dans notre bon vieux pays des Droits de l'homme et de la tolérance. Pelloux, c'était l'homme qui continuait à chercher ses amis dans les lambeaux de l'impensable. Pelloux, c'était ce restant d'énergie pelotonné dans une grosse boule d'éternel chagrin d'hiver.

On ne lisait pas forcément ses chroniques dans son hebdo frappé au cœur, dans son canard au sang devenu poule aux œufs d'or. Mais on les savait là, veillant avec des mots de tous les jours sur des caricatures humaines inachevées, sur des frangins partis un sale matin en catastrophe. Et puis donc, voilà qu'il s'en va lui aussi. Comme Luz. Comme d'autres. Comme les vivants morts et comme les morts-vivants. Tchao la compagnie, "il y a quelque chose qui est terminé", confie-t-il.

Mais qu'est-ce qui est fini, au juste? On ne sait pas trop. Une aventure, une utopie, une survivance. Le grand gamin joufflu l'a dit sans le dire sur une radio potache. Fidèle à l'appel de tous les signaux de détresse anonymes et sa boîte à pansements en bandoulière, Pelloux retourne à ses patients. Car le chroniqueur était d'abord médecin. Un médecin pas tout à fait comme les autres. Faites le 17 ou le 18 - on ne sait plus trop - et avec un peu de bol vous l'aurez. Mister Patrick s'éloigne, le docteur Pelloux revient. Et, de grâce, ce toubib-là, ne le secouons pas, il est notre urgent triste. D.P.

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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