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29 août 2011 1 29 /08 /août /2011 21:01

 On a bien compris la motivation de Martine Aubry qui s'est rendue ce lundi à Marseille au moment même où Claude Guéant venait installer un nouveau préfet, le troisième en deux ans. Elle a voulu faire un joli coup. Dans le genre: sondage ou pas, coucou c'est moi, je suis en campagne et je n'ai peur de rien, je m'attaque à du lourd. Un ministre de l'Intérieur et, à travers lui, au désastreux bilan sécuritaire du président de la République. Et, certes, ce défi minuté comme une action d'éclat, ne manquait ni de courage, ni de panache rose. François Hollande a dû rager de ne pas avoir eu l'idée d'aller, de son côté, contredire François Fillon, lors de son déplacement à la centrale de Bugey, dans l'Ain.

   Mais il y avait tout de même aussi, avouons-le, quelque chose d'un peu enfantin - pour ne pas dire primaire - dans cette initiative aubriesque de "colleuse aux basques". Ca faisait un peu songer à ces farceurs effrontés qui, sur les photos de potaches, font une grimace avec leurs doigts dans le dos du vieux prof sévère. Une fois, c'est gonflé. Espérons cependant que ce mimétisme plus symbolique qu'efficace ne soit pas érigé en principe par l'opposition au cours des mois à venir. Il n'est pas vraiment sûr que ce soit le type de "débat" qu'on attende. Car enfin quoi, si la tendance à ce qu'on pourrait appeler ainsi une politique du marquage à la culotte devait se confirmer, on serait vite obligé de ne pas exclure la... déculottée. D.P

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29 août 2011 1 29 /08 /août /2011 14:51

Autrans--aout-2011-038.jpg   Dernier week-end d'août à Autrans. Il y a quelques années encore, ce lieu n'était "qu'une" ferme. Le voici aujourd'hui promu petit temple privé de la culture, des rencontres, de l'échange amical. Et si l'ancienne grange s'est muée en salle de spectacles sous le nom de "L'Anecdote", il n''y avait rien d'anecdotique à l'affiche de la première édition de "Livres en scène". Initiées par Béatrice Arbet et le poète-nouvelliste Emmanuel Merle - et portées par une efficace équipe de bénévoles -, les animations se sont succédé en un épatant éclectisme. Les Sonnets de Shakespeare par la troupe du Levant, les lectures-shows de Fabrice Vigne et Christophe Sacchettini, le petit-déjeuner dominical en poésie avec Sylvie Fabre G et moi-même, La Corrida, le poème de Prévert, "joué" par Michel Bernier (Cie Fier Monde)... Tout cela s'est enchaîné sans chichis mais non sans ravissement collectif.

   La "marraine",  Michèle Bernard, est venue interpréter trois ou quatre chansons: "Je me fous du cours du dollar / Je me fous des jeux de hasard / Même si j'y joue quand même / Je t'ai-ai-aime...". Emmanuel Merle a clos le programme en lisant son nouveau recueil, Ecarlates (Sang d'encre), en mêlant ses mots au souffle de l'accordéon de Jean-Marie Revol... Pour un coup d'essai tout là haut à mille mètres, cela avait des airs de coup de maître, réalisé avec la participation très active d'éditeurs (Hervé Bougel, Jackie Plaetevoet, Kyrographaires...) et plus accessoire des clarines bovines du champ voisin, des cyclistes suant sur la route, des avions traçant des mots à la craie dans le ciel. Sans oublier, ici dans ce lieu-dit "Echarlière", un inespéré soleil venu promptement effacer les premières gelées de l'aube sur le Plateau. A l'été prochain pour le deuxième "Livres en scène" du Vercors. D.P.Autrans--aout-2011-058.jpgAutrans--aout-2011-068.jpg

Echange poétique à l'heure du petit-dejeuner avec Sylvie Fabre G et Didier Pobel,.Michèle Bernard au cours de son mini-concert en plein air. Emmanuel Merle portant la casquette de... lecteur. Photos D.P.

 

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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 21:50

 sept-09-007.jpgJe ne sais pas si vous avez remarqué ce phénomène... Oh, c'est vrai, il est à peine perceptible. C'est déjà plus l'été, c'est pas encore l'automne. La lumière bascule plus tôt. Les vêtements sont moins légers. Et si une certaine désinvolture reste de mise, on jurerait par moments qu'elle a comme des remords. Un étrange entre-deux, un drôle de temps en suspens, un machin-chose intermédiaire qui pourrait, sans doute, commencer pour de bon - façon de parler - en ce lundi. Les plages se vident, les bureaux se remplissent. Les autoroutes se désengorgent, les gens vont au radar. C'est le principe des vaseux communicants. Les ateliers, les boutiques, les plateaux de télé (tiens, Pernaud a remis sa cravate!), les studios de radio retrouvent leur rythme d'antan.

   Antan? C'était il y a deux mois, c'était il y a un siècle. Pas facile de s'y retrouver. Il n'y a plus guère que les Universités pour oser, mine de rien, se prétendre "d'été". Mais comment prêter foi à leurs sermons? On y pose parfois, dans l'éclat diffracté d'un dimanche charentais, pour une photo de famille un brin forcée. Sourires de guingois. Unité de façade.
   Après l'Université, la primaire? Mais non, le calendrier n'est pas devenu fou. C'est comme ça en politique, il y a au moins 2012 bonnes raisons pour qu'on s'y fasse. N'empêche, même si la sonnerie du jour "J" n'a pas encore retenti, il y a bien quelque chose qui cloche en cette période de "pré" quelque chose. Pré-paratifs. Pré-tendants. Pré-rentrée. Pré-carré. Prêt-partez!, pré-cipice...

   Allons, une seule chose nous sauve. Cette envie un peu folle d'entonner une chanson. Une naïve ritournelle dont j'invite ici à reprendre le refrain: "C'est déjà plus l'été / c'est pas encore l'automne / les instants s'entremêlent / Il faudrait inventer / une saison nouvelle / qu'on appellerait l'étomne...". D.P.   (Photo D.P.)

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27 août 2011 6 27 /08 /août /2011 10:51

   

 Après la torpeur d'un été brisée, cette fin de semaine en Dauphiné, par un coup de vent de légende, les "affaires" reprennent, si l'on ose dire. Rendez-vous ce week-end à Autrans (Autrans en emporte le vent, bien sûr. Mwouais!). Donc, c'est là-bas, dans le Vercors, en zone nordique, que se tient la première édition d'une manifestation intitulée "Livres en scène".  Au programme, "des rencontres avec des éditeurs et des auteurs rhônalpins, des spectacles associant littérature et musique, et des moments de lecture". Le coup d'envoi sera donné tout à l'heure, c'est-à-dire ce samedi 27 août à 17h30, juste après une mise en scène des Sonnets de Shakespeare par la troupe du Levant. Viendra ensuite (à 21h) une lecture musicale des Giètes par Christophe Sacchettini et Fabrice Vigne, auteur du "photoroman" qui porte ce titre (Thierry Magnier , 2007; prix Rhône-Alpes du Livre 2008), pertinente évocation de la vieillesse, de la retraite, du crépuscule, sans le moindre pathos.
   Demain dimanche, les réjouissances commenceront tôt avec un petit-déjeuner qui réunira Sylvie Fabre G (citons parmi ses titres Dans la lenteur, Unes, 1998 ; L'Isère, Félin, 1999 ; L'Approche infinie, Dé Bleu, 2002 ou Corps subtil, L'Escampette 2009) et votre serviteur-blogueur (Liaisons intérieures et autres lignes, Cheyne, 1990 ; La Vie blanche, éditions Ex-Aequo, 2010...). Les deux "matinaux"  feront tinter leurs tasses de café complices, dialogueront - entre eux et avec le public -, tout en lisant des extraits de leurs "travaux" publiés ou en cours.

   Parmi les autres invités, citons Michel Bernier, un comédien qui jouera un poème de Prévert, La Corrida (dimanche à 15 h), Jacqueline Chemier, Sandrine Guinard, Marie Marais, Jacky Platevoet, Evelyne Bouton et le poète Emmanuel Merle (Amère indienne, Gallimard, 2006 ; Pierres de folie, La Passe du vent, 2010...) que l'on entendra lire des fragments de son nouveau recueil, Ecarlates (Sang d'encre, 2011), dimanche à 18h30, accompagné à l'accordéon par Jean-Marie Revol. Sans oublie le ferronnier Jean-Marc Brunet venu en voisin présenter quelques-unes de ses sculptures et la marraine de "l'évènement", l'excellente chanteuse Michèle Bernard (en photo ci-dessus). D.P.
- "Livres en scène", ces samedi et dimanche 27 et 28 août, à "L'Anecdote" d'Autrans (Isère). Renseignements au 06 88 33 41 55.
 

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25 août 2011 4 25 /08 /août /2011 22:15

    C'est comme ça, en août, on s'absente quelques semaines, quelques jours, quelques instants. On rentre et c'est à chaque fois pareil: tout a changé car rien n'a changé. A croire que l'actualité la plus turbulente est atteinte de psittacisme. Tiens, DSK occupe obstinément la Une... Mais que dites-vous, que ce n'est plus dans le même sens? Ah bon, pour un peu, on ne s'en serait pas aperçu. Et Kadhafi est toujours là, lui aussi, à jouer à cache-cache, à lancer ses défis. Pardon? Son régime est tombé pendant que nous tournions le dos? Vous êtes certains? Avouez que ce n'est pas si évident que ça au premier coup d'oeil.
   Et à part ça, quoi de neuf? Tout, c'est-à-dire rien. La dette, la rigueur, le chômage... A croire qu'on ne s'est pas absenté, qu'on n'a pas éteint l'ordi, qu'on n'a pas coupé le son, pour retrouver les amis en Bresse, pour faire du vélo à travers les champs de maïs, pour relire Giono (Ah! le final de Jean Le Bleu, comment ne pas avoir les larmes aux yeux?), pour s'immerger dans un ou deux romans de la rentrée (le Lyonnais Alexis Jenni mérite vraiment son nom, se dit-on, en refermant L'Art français de la guerre, qui vient de paraître chez Gallimard).

   Ah si, il y a ça, tout de même. Une expression inédite qui a fleuri pendant notre éclipse: la "règle d'or". On n'est pas sûr d'avoir pigé de quoi il s'agissait, mais une chose est évidente: il y en a qui auraient bien aimé que le soleil la respecte un peu plus, lui, sa "règle d'or". Bah, ce sera pour l'été 2012. Car on a bien compris, celui-ci a du plomb dans l'aile.
   Et puis, tout à coup, au moment où on croyait en avoir fini avec la petite rétrospective du retour, on tombe sur cette info. Quelques lignes, guère plus, les journaux n'en ont pas fait des tonnes, ce n'était sans doute pas de saison. Allain Leprest est mort. Allain avec deux "l", Allain aux deux ailes brisées. Il s'est suicidé dans la nuit du 14 au 15 août. Et pas n'importe où. A Antraigues, chez Ferrat. Leprest? Un très très grand bonhomme de la chanson. Frisson. Chagrin. Il n'est pas trop tard pour  saluer l'écorché désormais plus vif. Réécoutons cette complainte qu'il avait écrite avec Jacques Bertin, Aux funérailles au funambule. C'est de lui dont il parlait. De sa propre vie, c'est-à-dire de sa propre mort. Ou bien encore cette mélopée. Elle s'intitule Chanson plouf  et se termine comme ça: "Et vous allez rentrer chez vous / Rue Gît-le-Coeur, à pas de loup, / Voisin parmi d'autres voisins / Dessinés par l'ombre au fusain / Bonne nuit, au revoir Monsieur / Auriez-vous par hasard du feu ? / J'ai mouillé ma boîte d'alloufs / Et plouf !". D.P.

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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 13:14

Avec-les-Revel--aout-2011-030.jpgAvec-les-Revel--aout-2011-028.jpg          D'abord un mot sur le château des Allymes. C'est un colossal édifice militaire accrochant ses vieilles pierres du XIVe siècle aux premiers contreforts du Bugey. On y accède depuis Ambérieu. L'étroite route grimpe dans la forêt. On s'arrête en face de l'auberge. On finit à pied. La visite se mérite. Autrefois, à deux pas de là, Roger Vailland, en rupture de "ballet des nuits saoules parisienes", réfléchissait à la "souveraineté de l'homme bolchévique", mais c'est une autre histoire.
   Revenons à l'actualité du fort qui accueille une remarquable exposition signée Marie Morel. Fille de l'éditeur Robert Morel, l'artiste qui vit et travaille dans l'ancien presbytère d'un village niché un peu plus haut dans la montagne, nous offre un très pertinent aperçu de son univers. Assemblages de petites boîtes, d'alvéoles, de vignettes renvoyant tout à la fois à l'icône païenne, au blason, à la carte de voeux de jadis ou au photomaton, ses tableaux relèvent, pêle-mêle, de l'expression naïve, de la parodie et de l'ex-voto. Mais si l'on sourit beaucoup en suivant à la trace cette facétieuse figure vermeeriene revisitée par Gaston Chaissac, la gravité des thèmes n'en est pas moins omniprésente, fût-ce en filigrane. A travers son bric-à-brac de dentellière de l'absurde, au sein duquel les mots jouent un rôle important - ici minuscules fragments d'un lexique énigmatique, là questions abyssales gravées en contrepoints: "Quel est le mystère de la vie?", "Quelle est l'origine du monde"? -, Marie Morel ne cesse d'interroger la "destinée"  de la femme, à travers la sexualité, la fécondation et la procréation, tout autant accomplissement que déchirure.
   Mais au-delà de ce que l'on pourrait appeler ses "échographies picturales", elle sait être aussi "simplement"  peintre. Admirons, dans La Première neige (2006), l'émouvant ensemble de branchages et de brindilles à travers lequel surgissent de très fantomatiques volatiles. Saluons, dans Le Chant des oiseaux (2008), ces corbeaux rivés à de nébuleuses portées musicales comme tracées depuis la nuit des temps. L'hôte estivale des Allymes crée, bricole, assemble, accouche, correspond (adepte à sa manière du "mail-art", elle présente quelques étonnantes enveloppes de lettres adressées à son voisin et ami Charles Juliet), interroge, crie, bouscule, ouvre un chemin. A coups de sceaux et de tampons encrés de ténèbres et de suie jalonnant sa méticulosité du désespoir, Marie M., toutefois, déjoue les ombres. Elle joue aussi. Jeu de patience, jeu de l'oie, sans oublier - cloche-pied et cloche-imaginaire - le plus universel des jeux de cours d'école qu'il va peut-être falloir songer désormais à rebaptiser le jeu de "Marie Marelle".  D.P. 
 
* Jusqu'au 18 septembre, au château des Allymes, Brey-de-Vent 01500 Ambérieu-en-Bugey. Tél.: 04 74 38 06 07.  Catalogue, avec des textes de Gaëlle Arpin-Gonnet, Paul Greffet, Charles Juliet, Jean-François Dupont, Michel Vannet, Christian Lux et Martin Laquet, en vente sur place, 5 euros.
 
- De haut en bas, Le Chant des oiseaux (2008) et Là où je rêve d'habiter (1987) sous l'oeil scrutateur d'un visiteur venu du Roussillon.. Photos D.P.
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12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 21:57

  François Baroin, ministre de l'Economie. (Damourette - Sipa)   Non, ça n'arrive pas qu'aux automobilistes imprévoyants. La croissance aussi tombe en panne. Comme une vulgaire guimbarde lors d'une journée classée rouge. C'est arrivé ce vendredi au plus fort du chassé-croisé des valeurs boursières. Et, je ne vous dis pas: trouver un réparateur de croissance à la veille du long week-end de l'assomption, c'est à peu près aussi compliqué que de dégoter un plombier à la même période. Il y a bien la station Bercy qui, en principe, est ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Mais vous savez ce que c'est. Le temps qu'on se déplace, qu'on revoie ses objectifs, qu'on choisisse les bons outils...

   Pas d'affolement, toutefois: il paraît que le super mécano de notre économie est en route. Et dans sa caisse (à outils), il a tout ce qu'il faut. Ca devrait repartir, promis, après... un bon tour de vis. Dommage que le coût de la panne, ce soit toujours pour les mêmes. D.P.  

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10 août 2011 3 10 /08 /août /2011 19:56

   Boutiques en feu, scènes de pillage, gangs à l'action filmés en direct... Non, cela ne se passe pas dans quelque banlieue surchauffée d'un Tiers-Monde à bout de souffle. C'est la Grande-Bretagne de la City et de la Couronne qui s'enflamme. Celle qui s'apprête à accueillir les Jeux Olympiques dans un an. Enfin, pas elle directement. Mais ses zones de non droit, ses marges brûlantes, ses Tottenham et ses Brixton.

   Encore un conflit que nul n'a vu venir. C'est fou ce que les élites, pourtant de plus en plus bardées de conseillers et d'experts censés humer l'air du temps et flairer le vent des révoltes, excellent à ne rien remarquer, ne rien pressentir, ne rien entendre des craquements annonciateurs des séismes. Car enfin quoi, si les émeutes qui se sont propagées ces jours-ci, de la capitale aux principales autres villes du pays, sont menées par des bandes de casseurs avides avant tout  de biens matériels, il n'en demeure pas moins que ce mouvement, que cette onde dévastatrice, reposent sur une situation qui aurait dû depuis longtemps alerter les autorités. Le clivage de plus en plus marqué d'une société gangrenée de frustrations raciales et économiques paraît-il à ce point insignifiant qu'on ait préféré fermer les yeux?

   Décidément, pas plus Outre-Manche qu'en France, on ne sait conjuguer le verbe "prévenir". Et ici comme là, la jeunesse, laissée-pour-compte d'un monde cynique et égoïste, hurle depuis longtemps son désarroi. Souvenons-nous d'une clameur de frustration qui, jaillie des rives de la Tamise en quelques riffs endiablés, fit le tour de la planète. C'était au milieu des années soixante. Les pierres roulaient déjà par-dessus l'arrogance des aînés et des nantis. "'cause I try and I try and I try..." En 2011, les "rockers" cagoulés de Londres, de Birmingham ou de Manchester crient aussi, à leur manière, en plein XXIe siècle: "I can't get no satisfaction!". D.P.

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9 août 2011 2 09 /08 /août /2011 21:10

      Ah! revoir L'Année dernière à Marienbad... Travellings et chuchotements, couloirs interminables, jardins à la française, miroirs mes beaux miroirs... Lascif programme télé du mois d'août. Il y a du vent dans les feuilles, des nuées de noeuds pap', des allées d'ifs et des voix off. C'était lundi soir sur Arte. Marienbad, comme si le temps ne passait pas. Chorégraphie de la solitude poussée jusqu'au vertige. Glissements progresifs de la mémoire façon Robbe-Grillet. Le film d'Alain Resnais, lion d'or à Venise en 1961, n'a pas vraiment pris de rides. Seule l'eau des bassins du parc frissonne un peu peu plus.

   Un film où l'on chuchote, brise du verre et joue sans cesse à ce drôle de jeu où celui qui pioche la dernière allumette a perdu. A un moment, dans les dialogues, quelqu'un dit: "L'été 1929, il a gelé pendant une semaine".  L'été 29? Vieille histoire. C'était hier pourtant. Et c'est peut-être demain. L'été 2011 semble prêt, en effet, à tourner à nouveau la scène du krach. Encore faudrait-il que la lumière soit bonne. Car s'il ne gèle pas, nous avons tout de même droit, en prime, à un ciel pourri. Sale temps pour les marchés. Les vendeurs replient leurs étals. Et à la plage, c'est pire. Les vacanciers ne se jettent plus à l'eau. Seules les bourses plongent.

   Quoi, que dites-vous? Que je mélange tout, le cinéma d'art et essai, la crise financière et les intempéries? C'est vrai, pardon, où ai-je la tête? N'empêche, si ça continue la météo va voir sa note souveraine dégradée. Fini les "ah ah ah". Alors chaque soir on est là. A attendre la suite de l'histoire. Fondu au noir. A attendre pour voir. Voir si notre moral va continuer à clôturer en baisse. Voir les grands argentiers qui, une fois de plus, jouent avec des allumettes. Août ou pas, l'actu est une perpétuelle redif'. L'année dernière à Wall Street, vous connaissez? C'est de qui déjà, le scénario? D.P.

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26 juillet 2011 2 26 /07 /juillet /2011 11:10

- Valensole--juillet-2011-133.jpgBelle découverte au cours d'une halte à Forcalquier. Dans la salle Pierre Michel de la Mairie, Valérie Buffetaud expose une pertinente série de toiles qui, d'emblée, nous saisissent par leur intensité, par leur supplication, par ce qu'elles ont à nous dire qu'il faut savoir regarder, évidemment, mais peut-être aussi écouter. Il y a là, manifestement, un langage - le mot n'est pas usurpé ici - et l'on ne s'étonnera pas d'apprendre que la plasticienne travaille, à l'occasion, en contrepoint de la musique de son compagnon percussionniste Bertrand Renaudin. Grands et petits formats se côtoient, se complètent, se répondent, font chorus. Ce qui frappe d'abord, c'est l'appel des rouges, des orange, des ocre. Crépuscules, ciels d'orages, brûlure, chair à vif... Prégnante complicité de l'ombre et de la lumière qui se souvient sans doute d'un long séjour toscan de l'artiste. Mais Valérie Buffetaud ne se contente pas de "traduire" en couleurs des instants, des regards, des sentiments, des déchirures, des "paysages". Il y a dans son oeuvre une profondeur, à la fois viscères et humus, sang et terre, origine et perdition. La matière - toile, trame, ficelle, tissu collé, papier... - participe pleinement de l'expression exacerbée par les à-plats, tantôt flamboyants, tantôt redevenus cendres ou sable quelque part déjà dans l'au-delà de l'incandescence. S'il n'y a plus que quelques jours pour aller admirer l'accrochage de Manosque, réjouissons-nous. Une autre exposition est annoncée, pas très loin de là, à Viens, dans le Vaucluse, face au massif du Luberon, avec d'autres oeuvres de Valérie Buffetaud qui, elles, resteront visibles jusqu'au 17 août. 
- "Ombre et lumière" de Valérie Buffetaud, salle Pierre Michel, Mairie de Forcalquier 'Alpes-de-Haute-Provence), jusqu'au 1er août (tél.: 04 92 70 91 00). Autre exposition de la même artiste du 4 au 17 août, chapelle Saint-Ferréol,  84750 Viens.

-  Lire également le numéro 15 de la revue "Propos de campagne" avec, autour du travail de Valérie Buffetaud, des interventions de Damien Daufresne, Claude Duneton, Claude Held, Jean-François Humeau, Daniel Lacomme, Jacques Norigeon, Bertrand Renaudin et Jean-Claude Villain. Editions PROPOS/2 04100 Manosque, 120 p., 21 euros.

 

Valérie Buffetaud parmi ses oeuvres exposées à Manosque. Photo D.P. 

 

- Si vous passez par Banon, ne vous contentez pas d'aller fouiner à la librairie "Le Bleuet", extraordinairement disproportionnée par rapport à la commune. Hissez-vous jusqu'à l'Eglise Haute. L'édifice, qui n'a presque rien perdu du caractère sacré de son origine, accueille actuellement une intéressante exposition réunissant quatre artistes aussi différents que complémentaires. On salue, sourire aux lèvres, les tableaux naïfs de Lucy Allard, tout comme les étranges personnages en terre de Laëtitia Follot. On admire les réseaux de traits et de couleurs, façon Vieira da Silva, de Nicolas Legrand. On palpe du regard les bois sculptés de Véronique Philippe. Avant de redescendre, ravis, vers les champs de lavande cernant ce bourg qui, faut-il le rappeler, doit aussi réputation à son fromage de chèvre.
- "Art-été-vous" - si, si, quelqu'un a osé cette appellation! -, Eglise Haute de Banon (Alpes-de-Haute-Provence), jusqu'au 7 août, tél.: 04 92 72 19 40.

   

- Direction le Bugey maintenant pour la (re)découverte de la peinture, à la fois poétique, intimiste et naïve de Marie Morel qui a son atelier un peu plus haut dans les collines. L'artiste expose tout l'été au château des Allymes - Roger Vailland avait, jadis, déniché tout près son havre pour échapper aux "nuits saoules" de la capitale -, une forteresse qui domine la plaine de l'Ain et la Dombes. Cap sur un univers pictural étonnant dans un cadre magnifique. 

- Marie Morel au château des Allymes 01500 Ambérieu-en-Bugey, jusqu'au 18 septembre, tél.: 04 74 38 06 07.  D.P.  

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Présentation

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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