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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 21:39

   

   L'un était un "visionnaire", un "génie", une "étoile", un "dieu". L'autre? L'autre n'est qu'un poète. Même pas un iPoète. Certes, un poète qui reçoit le Nobel, excusez du peu, mais enfin... Que pèse un poète de nos jours face à un acteur majeur de la révolution numérique? Rien. Ou disons pas grand-chose.

   Il suffisait, en ce jeudi d'octobre, d'être attentifs aux médias pour s'en persuader. Un dithyrambique concert de louanges, assorti d'un flot de larmes, n'a cessé de pleurer Steve Jobs, emporté à 56 ans par un cancer. Loin d'un tel engouement un brin démesuré, quelques miettes d'informations, rien de plus, ont tenté de saluer le sacre du Suédois Tomas Tranströmer à qui l'Académie de son pays venait de décerner sa distinction suprême.
   L'octogénaire scandinave est pourtant un grand bonhomme de la littérature internationale. Un maître de la métaphore qui fait éclater la singularité du monde. Un musicien des mots, teinté de mysticisme. Là-bas, dans sa ville du Nord ou dans son île de la Baltique, il écrit comme on dépèce les ombres, comme on interpelle un dieu absent. En poussant toujours le langage plus haut que soi à la façon dont on déblaie la neige afin de se frayer un chemin.

   Il est rare que, dans sa diversité sans merci, l'actualité s'inscrive à ce point sur la ligne de rupture de notre société. Il fallait être sourd et aveugle pour ne pas percevoir, à travers les traitements si disparates de ces deux "faits du jour", la symbolique du plus insolent clivage de notre civilisation. Les technologies contre l'émotion, l'ordinateur contre la lyre, la "Pomme"  triomphante contre les pépins de nos aléas existentiels.
  Bah! les choses sont ainsi, rien ne sert de s'affliger. Et puis tout ça, après tout, n'est pas si grave. D'ailleurs, tiens, faites un test. Tapez "Tomas Tranströmer" sur votre tablette dernier cri. Il y est. Avec un peu de chance, vous y lirez peut-être même ce fragment de poème du nouveau Nobel: "Les espaces infinis du cerveau humain ont été réduits à la taille d'un poing". Une phrase écrite bien avant l'invention de l'iPad. D.P.  

 

N.B. On pourra lire également ce billet dans la page "Forum" du quotidien La Croix daté du mercredi 12 octobre. Merci au journal pour son accueil.

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 21:35

   Ca y est, cette fois c'est fini. Le dernier débat de la primaire socialiste a eu lieu ce mercredi soir. Evidemment, il fallait chercher un peu. C'était sur BFM-TV. Moins pratique que sur France 2 la première fois ou même sur I-Télé et Europe 1 le 28 septembre. Mais bon, une fois qu'on avait déniché le programme, on s'installait, tranquilles, un verre (de rosé, si possible) à la main. Ce feuilleton de démocratie directe, dont tout le monde redoutait la longueur et l'aspect rébarbatif, aura tout compte fait connu un vrai succès. Oui, contre toute attente, le PS, avec ses six personnages en quête de hauteur républicaine, a fait le "buzz". A tel point que, même à droite où l'on ne s'était pas privé de railler préalablement la méthode, voilà maintenant qu'on lui reconnaît des vertus. "Un processus moderne", s'est enthousiasmé, sans rire, François Fillon.

   Le problème, c'est qu'on a de moins en moins envie de départager les actrices et acteurs de nos passionnantes soirées d'automne. Au fond, on les aime bien toutes et tous. Il faudrait pouvoir voter non pas pour l'un(e) ou l'autre, mais pour l'ensemble. D'ailleurs, au fur et mesure des épisodes, une caractéristique s'impose: ils tiennent globalement des propos analogues. Affaire de nuances, tout au plus. De styles, peut-être. Parfois d'accents. A les écouter, on songe par moments à Plus belle la vie. Or, c'est la série tout entière qui est plébiscitée. Pas tel ou tel nom défilant au générique. Dommage qu'il faille aller aux urnes dimanche. Fini l'esprit de synthèse. Nos insctincts primaires vont devoir reprendre le dessus. D.P.  

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 15:29

2011--Vendanges-litteraires-041.jpg2011--Vendanges-litteraires-015.jpg2011--Vendanges-litteraires-026.jpg   Le cru 2011 des "Vendanges littéraires" restera dans les futailles de nos mémoires. C'était le week-end dernier, à Rivesaltes, au pays du muscat, sous le soleil d'une exceptionnelle arrière-saison. Et pourtant le vieux platane de la place Charles-de-Gaulle en a vu passer des écrivains, depuis la création de l'évènement en 2003. Après Michel Le Bris (2008), Michel Onfray (2009), Charles Juliet et Christian Oster (2010), l'invité d'honneur était cette année Bernard Pivot. Nonchalant, malicieux et flatté d'être là, il a répondu avec une courtoisie sans faille aux 2011--Vendanges-litteraires-059.jpgpertinentes questions du public et de Marie Bardet et Bernard Revel, le président du jury.
  Le jury? Eh oui, car on ne fait pas que converser et ripailler (Ah! la cargolade dans les vignes...) aux premiers jours d'octobre sur les rives de l'Agly, on distribue aussi des prix. Pivot, ex-Apostropheur national et aujourd'hui membre éminent de l'académie Goncourt, est reparti - façon de parler, bien sûr - avec une barrique sous le bras. Mais l'auteur des Mots de ma vie (Albin Michel) ne fut pas le seul lauréat. Javier Cercas, prix Jean-Morer pour son dernier ouvrage, Anatomie d'un instant (Actes Sud), a capté l'attention d'un auditoire fervent, tout comme Philippe Georget à qui fut remis le jeune prix Coup de foudre pour son polar Le Paradoxe du cerf-volant (Jigal). Et que Michel Gorsse, prix Vendémaire retenu en Mongolie, se rassure. Il fut bien représenté par Bernard Combes et Gérard Salgas, respectivement illustrateur et préfacier du très ludique ouvrage à l'honneur, Divagalâmes.

   Bref, on ne s'est pas ennuyés un seul instant lors de ces "Vendanges" . On y a également applaudi les comédiens du théâtre du Gecko et Jean-Claude Drouot dans l'habit d'un La Fontaine plus libertin qu'on ne l'imagine souvent. On y a rencontré les éditeurs présents sur la place. On a dégusté - avec modération - les meilleurs nectars catalans, notamment ceux du pétulant Henri Lhéritier, vigneron et écrivain (il vient de publier un épatant Requiem pour Mignon, au Trabucaire). Disons-le tout net, sans l'insistant clocher de l'ancien hôtel de ville, on aurait juré que le temps ne passait plus, en ce riche et beau week-end d'automne, à Rivesaltes. Un grand bravo aux organisateurs et à la Municipalité. D.P.

 

D'une scène à l'autre, Bernard Pivot, auprès du public ou des membres du jury, ici signant son livre, Les Mots de ma vie, ou, là, dégustant la "cargolade" dans les vignes. Photos D.P.

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4 octobre 2011 2 04 /10 /octobre /2011 22:56

   Donc, c'est une affaire entendue - ou plutôt sentie -, nous vivons à l'ère des boules puantes. Pas un jour ne se passe sans qu'on n'évoque, ici ou là, ce qui était encore il n'y a pas si longtemps un classique de nos bons vieux magasins de farces et attrapes. Sauf que l'accessoire, constitué, à l'origine, de sulfure d'ammonium (SH2) et du sulfure d'hydrogène (id.) n'est plus beaucoup perçu désormais à travers son émanation rabelaisienne et, somme toute, ludique. L'affaire de Karachi? Hortefeux, l'Auvergnat, n'a pas hésité une seconde: ce sont des "boules puantes". Et ces très récents soupçons d'espionnage visant la compagne de François Hollande? "Il est temps que la campagne des boules puantes s'achève", s'est indigné hier Claude Guéant.

   Tout cela n'est pas vraiment neuf, il est vrai. Dès 1995, Edouard Balladur étouffait mal son dépit: "On ne fait pas campagne avec des boules puantes". Et le premier à avoir appelé à se boucher les narines face à cette technique du "débat"  de l'oeuf pourri reste, bien sûr, de Gaulle en 1965: "Les boules puantes finissent par sentir plus mauvais que ceux qui les reçoivent".

   Ne rêvons pas, d'ici au printemps 2012 nous serons ballottés par une houle de cette nature. C'est le propre - si l'on peut dire - d'une époque à bout d'aguments où le "tous pourris" flotte dans l'air du temps. Qu'il soit utilisé ou dénoncé - ou les deux en même temps et parfois par les mêmes -, le procédé "olfactif " en question nous pend au nez, hélas.

   Celui qui parviendra à décomposer ces molécules si néfastes à notre démocratie méritera à l'évidence une récompense. Laquelle? Allez, tiens, c'est de saison: le prix Nobel de chimie politique. D.P.

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 20:43

   Crete--septembre-2011-144.jpgLa Grèce, toujours et encore...  Ce jeudi, Le Parlement allemandCrete--septembre-2011-190.jpg a voté l'élargissement du plan de secours de la zone euro, moment décisif non seulement pour le pays méditerranéen menacé de faillite, mais pour toute la zone. Et demain, vendredi, le Premier ministre Georges Papandréou, reçu à Paris, réitérera, face au président français, son impérieuse volonté de relever une économie mise à mal par une trop longue gabegie. Il est donc dit que pas un jour, désormais, ne se passe sans que nous ayons les yeux - et le porte-monnaie - tournés vers la Terre d'Aphrodite et d'Apollon.
   Certes, la situation actuelle, qu'on l'appréhende à Thessalonique, à Athènes ou Héraklion, est bien loin des mythes qui fondent notre civilisation. Ici, les rideaux de boutiques se baissent les uns après les autres. Là, les distributeurs de billets se bloquent ("Machine broken"). Et, alors que les touristes de l'arrière-saison font comme si de rien n'était en sirotant l'ouzo aux terrasses des "kafénions", le "meltem" de l'amertume souffle de péninsules en îles. Peut-être faut-il aller jusqu'en Crète pour vraiment se rafraîchir la mémoire. C'est-à-dire pour trouver de quoi justifier ces plans de renflouement répétés qui, un peu partout, commencent à faire grincer les dents. Minos, à l'origine de la civilisation minoenne, dont on foule les vestiges à Knossos ou  Gortyne, avait deux frères, Rhadamante et Sarpédon, tous trois fils de Zeus. Mais, surtout, leur mère avait un prénom éloquent. Elle s'appelait... Europe.

   N'oublions jamais ce détail. Et persuadons-nous que ce que nous sauvons - ce que nous devons sauver - ce n'est pas un seul pays, ce n'est pas une institution cinquantenaire, ce n'est pas une monnaie commune, mais c'est d'abord le souvenir d'une princesse phénicienne.
   On sourit à l'idée que Nicolas Sarkozy, féru de culture comme on le sait, en vienne à évoquer ce passé-là en recevant le chef du gouvernement grec. Hellas, trois fois Hellas, il est fort probable que leur échange soit plus bassement contemporain. D.P. 

 

La Grèce, des sites antiques minoens aux chantiers contemporains en panne. Photos D.P.   

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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 21:04

   Oubliées la pesanteur et la sclérose du premier débat pour la primaire au PS. Le deuxième, ce mercredi soir sur I-Télévision, LCP et Europe 1, fut riche, rythmé, passionnant. On n'était plus cette fois-ci à L'Académie des Six ou à Questions pour un champion, mais au coeur, vibrant, d'une vraie confrontation d'idées, toujours soutenue par l'écoute réciproque et le respect de l'autre. Au-delà des clivages, bien apparents, sur les problèmes économiques notamment, il y régnait quelque chose, encore fragile certes, mais qui ressemblait bel et bien à de l'unité. Alors, bien sûr, une question inévitable brûlait les lèvres au terme de ces deux heures et demie de démocratie en direct: qui fut, sinon le vainqueur, du moins le plus convaincant?

   La réponse ne fait aucun doute: c'est François Hollande. Il avait trouvé le ton juste, ni trop désinvolte, ni trop grave; ni trop mielleux, ni trop cassant. Avec une attitude à l'avenant, alternant larges sourires malicieux, lèvres pincées de celui qui connaît le poids de la mission convoitée et bras ouverts de rassembleur. Galvanisé sans doute par les derniers sondages, tout en lui respirait l'aisance, la confiance, l'énergie.

   Oserons-nous ajouter "la force tranquille"? On sait à quel point il faut se garder d'aller trop vite en besogne pré-électorale. Un signe fort n'a pas la vertu, à ce moment du calendrier, d'allumer le voyant rose final. N'empêche, jamais autant que lors de ce rendez-vous radio-télévisé, le député de la première circonscription de la Corrèze n'avait fait songer à cet aîné du Morvan dont souvent, jusque ici, il ne partageait que le prénom. D.P.  

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 22:15

    Une journée d'action des enseignants ce mardi? Oui, il s'est bien déroulé un truc dans le genre, mais franchement pas de quoi en faire tout un plat. La preuve, Luc Chatel a balayé d'un revers de manche de ministre ce "mouvement qui n'a rien d'inédit". Vous n'êtes pas convaincus? Alors, c'est que vous n'avez pas entendu les propos de Nicolas Sarkozy. En visite le matin dans une usine de biocarburant de l'Oise, il a lui aussi opté pour une moue de dédain. "Aujourd’hui, il y a des protestations, c’est normal dans une démocratie", a-t-il concédé sur le ton de celui qui en a vaguement entendu parler. Et après tout, peu importe. Lui, son souci, faut le comprendre, ce ne sont pas les hommes et les femmes qui ont un job assuré. "Mon devoir de chef de l’Etat c’est d’abord de penser aux ouvriers, aux salariés et aux cadres qui sont lancés dans la compétition internationale et qui ont besoin du soutien de l’Etat, plus que de penser à ceux qui ont un travail difficile mais qui ont un statut qui les protège".
   Bon, voilà, c'est dit, et pas n'importe où: les profs, ces privilégiés, sont d'éternels ronchons qui nous les brisent menu. Ok, ok, mais alors d'où provient ce sentiment, à nous autres qui ne sommes ni ministres, ni chef de l'Etat, avec peu de chance de le devenir, que ce rendez-vous, réunissant pour la première fois public et privé, a été quelque chose d'important? Non pas un succès, ce mot aux accents festifs n'est pas celui qui convient pour évoquer une initiative sur laquelle pesait l'expression d'un désarroi générationnel, mais l'affirmation collective d'une identité blessée. Quelque chose comme une sourde clameur supplémentaire dans un pays où la chambre haute ose désormais hausser le ton.

   Nos dirigeants ont tort. Plutôt que de botter en touche avec "les indignés de l'école", ils feraient mieux  de les écouter. Ce qui monte au-delà de ce qui peut ressembler à un rituel saisonnier, c'est le craquèlement de la plus belle et la plus fragile des missions. C'est la voix multiple et nourrie d'une France qui avance à un train de sénateur à l'heure où l'on sait enfin ce que l'expression sait aussi dire. D.P. 
 
 

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27 septembre 2011 2 27 /09 /septembre /2011 19:00
 

sept.oct.-2010-249.jpg- Certes, le temps des vendanges est déjà terminé, mais pas à Rivesaltes. Là-bas, c'est ce week-end que ça va se passer. Attention, comme désormais chaque année à la même époque, il ne s'agit pas de raisin au pays du muscat, mais de fête et de partage sous le signe des mots, du langage, de la chaleur humaine.  Après Michel Onfray en 2009, les "Vendanges littéraires" avaient célébré l'an dernier Charles Juliet, Christian Oster et Michel Arcens.

   En 2011, le lauréat du prix principal ne sera autre que Bernard Pivot, ex-Monsieur Apostrophes, bien sûr, mais aussi auteur, tout récemment, de cet épatant abécédaire qu'est Les Mots de ma vie (Albin Michel). Le catalan Javier Cercas se verra, pour sa part, remettre le prix Jean-Morer pour Anatomie d'un instant (Actes Sud) , alors que le Vendémiaire reviendra à Bernard Combes et Gérard Salgas et le prix coup de foudre à Philippe Georget pour son polar Le Paradoxe du cerf-volant (Jigal).

   Ah oui, il  faut encore préciser que lorsqu'on est distingué par la tonique (tanique?) équipe roussillonnaise, on ne reçoit pas une médaille, ni même une bande rouge, mais une barrique de vin. Pivot, l'homme du Beaujolais, appréciera. Et, du coup, on aura compris pourquoi ce rendez-vous possède autant de contenance. Présentations, rencontres, débats seront menés par Christian Discipio, Marie Bardet, Sylvie Coral, Chantal Lévêque, sans oublier Henri Lhéritier, le pétulant vigneron-écrivain du domaine de Crest et, évidemment, Bernard Revel, président d'un jury dont la municipalité complice se fait fort de respecter l'indépendance. A noter encore le spectacle gratuit donné par Jean-Claude Drouot autour des Contes libertins de La Fontaine le samedi à 18 heures.

(Ce samedi 1er octobre - à partir de 15h30 - et dimanche 2 - toute la journée, dès 10h30 -, à Rivesaltes, Pyrénées-Orientales).

 

- C'était il y a un an autour du platane de Rivesaltes: Bernard Revel et  Christian Discipio à l'écoute des trois lauréats 2010: Charles Juliet, Christian Oster et Michel Arcens. Photo D.P.

 

 

- Le talentueux peintre et photographe Pierre Gaudu a délaissé, au cours des semaines passées, ses habituels sentiers du Valbonnais ou du Vercors, pour s'imprégner de l'esprit du Musée Hébert, près de Grenoble. Les jardins, la Nymphée, les sculptures (celles d'Olivier Giroud, en l'occurrence), rien n'a échappé à l'oeil de ce visiteur pas tout à fait comme les autres, y compris, on l'aura deviné, les salles de ce lieu d'exception, véritable enclave italienne dans la capitale des Alpes, où l'univers d'Ernest Hébert (1817-1908) reflète tout particulièrement le monde des femmes de  la société du XIXe siècle.

(Photographies de Pierre Gaudu, cabinet des dessins, du 1er octobre au 2 janvier 2012,  Musée Hébert 38700 La Tronche 04 76 42 97 35).

 

- Initiative à ne pas manquer, tout à la fois pour ses dimensions esthétiques et humanistes: l'association "Osons l'art sans frontières" organise en effet, très prochainement, une exposition d'art contemporain en soutien à la recherche sur la leucémie et les cancers du sang. Avec de nombreux plasticiens présents parmi lesquels Christine Bry.

(Hôtel de Ville de Grenoble, du 4 au 14 octobre).  D.P

 

  

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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 09:57

   aout-09-159.jpgEt pendant que Dominique Strauss-Kahn préparait dimanche son exercice de "com" contrite, Berlin s'en fichait, Berlin votait. Certes, cette affaire-là ne regarde que nos "cousins germains", direz-vous. Pas si sûr... A l'heure où nous n'avons de cesse de nous projeter en 2012, il n'est probablement pas inintéressant de scruter les courbes d'opinion venues d'outre-Rhin. La surprise, ce n'est pas tant que les sociaux-démocrates du SPD soient arrivés en tête dans une ville-état qui leur est historiquement favorable, ni même la légère progression des conservateurs de la CDU loin cependant de leur score "tournant"  autour des 40% au lendemain de la chute du Mur.

   Non, le choc vient d'ailleurs. Les libéraux du FDP (2% contre 7,6 en 2006), éjectés du Parlement régional, ont dû s'effacer devant les Verts et, plus humiliant encore, face à des "Pirates" utopistes (9% des voix!) que nul ne prenait vraiment au sérieux. Un camouflet supplémentaire pour le parti allié fédéral de la chancelière qui subit elle-même, de ce fait, sa sixième défaite depuis le début de l'année, lors de ce type de scrutins.

   Gageons que Nicolas Sarkozy, l'homme qui ne cesse de peaufiner sa stature "anti-crise"  internationale, ne perd pas une miette de ce qui se passe chez sa voisine, elle qui prouve qu'on peut être "la femme la plus puissante du monde"  et échouer chez soi. A méditer, qui sait, au masculin. Et en français dans le texte. D.P.

 

Photo D.P

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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 21:07

   Ca fait deux fois qu'il nous fait le coup, Dominique Strauss-Kahn. Deux fois qu'il est l'invité vedette d'un JT dominical de vingt heures et qu'on laisse tout en plan - vaisselle et Masque et la plume - pour ne pas le rater. La dernière fois, c'était le 20 février. Allait-il être candidat à la présidence de la République? Le pays tout entier était suspendu à ses lèvres (à l'époque on osait encore l'expression). Moyennant quoi, bernique, on n'avait rien su. En fait, il suffisait d'être patient. Parce qu'hier soir, pour son grand retour (!), il a bel et bien craché le morceau. Oui, il avait l'intention de se présenter. Sauf que là on s'en fichait tous. Car depuis, nul ne l'ignore, il y a eu "l'affaire du Sofitel" et c'est justement pour ça que Claire Chazal l'avait convié. Pour qu'il s'explique enfin sur cet épisode qui nous a tous sidérés.
   Alors que s'est-il passé le 14 mai à Manhattan, dans la suite 2806? Avouons-le, ce fut assez extraordinaire. Nous avons eu devant nous quelqu'un qui, en constante posture d'aveu, la mine grave, le ton tour à tour repentant et véhément, n'a apporté absolument aucune précision. Nous attendions des faits, nous n'avons eu que leur prégnance. L'ex-patron du FMI a parlé de "relation inappropriée", de "faute". Pire: de "faute morale", vis-à-vis de sa famille et des Français avec qui il a "manqué son rendez-vous". OK, mais de quoi s'agit-il exactement puisque, dans le même temps, celui qui se dit vraiment "pas fier" de tout cela et qui a "perdu pour toujours sa légèreté"  jure la main sur le coeur - et rapport du procureur à l'appui -  qu'il n'y a eu "ni viol, ni contrainte, ni agression, ni aucun acte délictueux"?

   Soudain excès de pudeur? A ce niveau de contradictions, ce n'était plus un personnage de Philip Roth qui s'exprimait, mais carrément une figure nietzschéenne cherchant son salut par-delà le bien et le mal. Lorsque la mari penaud de cette "femme exceptionnelle" qu'est Anne Sinclair recourait aux inflexions contrites, c'était pour aussitôt accuser Nafissatou Diallo, la justice américaine (à cause de laquelle il a eu "peur, très peur"), la presse (ce "tabloïd qu'est devenu L'Express"), Tristane Banon, en effleurant même la thèse du piège et des complicités. L'exercice de haute voltige communicative s'est d'ailleurs terminé sur un ultime paradoxe à l'heure du retour de la leçon d'économie. "Je ne suis candidat à rien" a clamé l'hôte de TF1, avant de se retirer sur deux petits mots plus ambigus qu'ils n'y paraissent: "On verra".  D.P. 

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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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