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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 21:28

   Etrange second round que celui qui vient de commencer. Bien sûr, si l'on fait les totaux calculette basique en main, les choses paraissent simples. Je pose tout, je retiens rien et François Hollande a gagné. Mais si l'on y regarde de plus près, ce sont carrément nos bonnes vieilles notions d'arithmétique qui sont mises à mal.

   Côté candidats d'abord. Il ne devait évidemment en rester que deux au terme de ce 22 avril, et pourtant nul ne le niera, c'est bien comme s'il y avait encore trois finalistes pour la bataille suprême. Avec une "absente"  qui risque bien d'être de plus en plus présente dans les jours qui viennent.
   Et le sacro-saint débat de l'entre-deux tours? Là encore, c'est à ne plus rien y comprendre. Nicolas Sarkozy en voit trois alors que son rival arrivé en tête n'en projette qu'un seul. Sans compter, si l'on ose dire, que chaque fois que la question revient sur le tapis, le débat sur les débats génèrent de nouveaux débats.
   Mais il y a plus surprenant, du côté du calendrier. Le 1er-Mai, journée unique s'il en est, s'annonce cette année démultiplié jusqu'au vertige républicain. Fête du "vrai travail" pour le président sortant. Occasion probable d'un vaste meeting parisien pour Hollande. Et pour l'"arbitre" du Front national, rassemblement sous l'égide de Jeanne d'Arc, à l'heure où, par ailleurs, chacun déjà entend les voix qu'il additionne.
   Vingt-quatre heures n'y suffiront sans doute pas. Au train où les choses vont, ne nous étonnons pas si demain quelqu'un propose qu'il y ait, exceptionnellement, trois 1er-Mai en 2012. D.P.
 
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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 22:31

    Souvenons-nous, il y a un an, on ne parlait que d'elle. La vague bleue "Marine"  allait tout submerger. Les sondeurs en étaient convaincus et les commentateurs ne cessaient de brandir le spectre d'une conjoncture "vingt-et-un-avrilesque". Et puis le temps a passé. Un très fédérateur élan populiste rouge a semblé balayer l'autre. Le "phénomène"  Mélenchon accaparait toutes les tribunes et on parlait même, ici ou là, à mi-voix, d'un "tassement"  de Marine Le Pen.
   Gare aux phénomènes d'optique! Car c'en était un, à l'évidence. Ce qui s'est passé ce dimanche n'est pas un 21 avril (à l'envers) proprement dit puisqu'aucun des des principaux candidats n'a été éliminé au premier tour. Mais c'est bien, qu'on le veuille ou non, quelque chose qui s'en approche. Comment faut-il appeler ça? Un quasi-21 avril? Un ersatz de 21 avril? Un 21 avril qui ne dit pas son nom? Toujours est-il que, outre l'excellent taux de participation, la surprise de la soirée fut bien celle-ci. Le score dérangeant, insolent, arrogant, historique, de celle qui a fait mieux encore que son père en 2002 et 2007.

   On répondra que cela ne change pas la donne générale qui reste à peu près conforme aux pronostics initiaux. Le président sortant a été désavoué et son rival de gauche est toujours donné favori pour le second tour. Certes mais tout de même... L'élu du 6 mai, quel qu'il soit, ne pourra pas ne pas ne pas tenir compte de cette croissante fraction de Français "déboussolés" - plus de sept millions - appelée à modifier non seulement la configuration de la droite traditionnelle mais aussi, au-delà, à infléchir l'ensemble de l'échiquier politique. D.P. 

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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 22:14
 Diffusion à partir d'aujourd'hui (mais on trouve déjà ce roman ici ou là depuis quelques jours):

 Avril 2012, Couleur de rocou en librairie 001-copie-1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Renseignements sur le site:

 

 

 

 

 

 

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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 21:25

   A la veille de ce premier tour de scrutin, on pensait sans doute un peu naïvement en avoir fini avec les grandes querelles. Après tout, on aurait mérité ça, chacun a eu sa dose, non? Et voilà pourtant que s'en rajoute une de dernière minute. Dernière minute, c'est le cas de le dire, puisque c'est une histoire de pendule qui s'immisce dans les ultimes débats.
   Faut-il, au temps de la frénésie des réseaux sociaux, respecter l'antédiluvien code électoral qui interdit la publication des résultats avant la fermeture des plus tardifs bureaux? Les deux "principaux" candidats s'opposent bec et ongle sur la question. Si Nicolas Sarkozy confie qu'il ne serait pas "choqué"  par une rupture de l'embargo, François Hollande réclame au contraire la plus grande sévérité avec ceux qui transcenderaient la règle. L'affaire s'est carrémment déplacée sur un plan judiciaire. Le parquet de Paris a ainsi fait part de sa volonté d’engager des poursuites en cas de diffusion d’estimation ou de sondage sortie des urnes. Une infraction punie d’une amende maximale de 75000 euros. Bigre, ça ne rigole plus!

   Reste que brandir une telle menace n'empêchera probablement pas la toile de défier le chrono. Après tout, on ne peut pas aller contre le progrès, soupirera-t-on. Qu'on nous permette cependant un petit rappel. Imaginons qu'Internet ait existé en 1981, nous n'aurions pas alors vécu en direct live cet extraordinire moment où le crâne pixelisé du vainqueur apparut à l'écran des deux "Vingt heures" de l'époque en un un compte-à-rebours hitchcockien qui ressemblait à une éternité.
   "Dans quelques instants, nous saurons qui est le nouveau président de la République. Quatre, trois, deux, un..."  Ne serait-ce qu'en souvenir de cet historique émoi, ne changeons rien, dites, ne changeons rien. Ou pas trop vite. Il y a parfois comme du retour à l'imagerie d'enfance dans une soirée de mai. Et ne l'oublions pas, le Père Noël passe à minuit, pas avant. Même au temps des twitts et des followers. D.P.

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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 21:46

      "Vivement dimanche!" Jamais le titre du dernier film de François Truffaut n'aura paru autant d'actualité. Truffaut qui, soit dit en passant, est l'un des cinéastes préférés du candidat Hollande. Oui, vivement dimanche et qu'on en finisse avec l'interminable "vote"-movie  que constitue de nos jours une campagne présidentielle. Des mois et des mois de surenchères, d'empoignades, de coups fourrés, de petites phrases et de bonnes intentions. Une éternité d'instantanés médiatiques découpée en temps de paraboles. Un pêle-mêle de programmes disséminés comme des fleurs de pissenlits dans l'air d'avril. Mais enfin bon, cette fois-ci, nous y sommes. Dans la toute dernière ligne droite. Ou plutôt, à en croire les sondages, la toute dernière ligne gauche.
   Les sondages? Les voilà une nouvelle fois scrutés comme l'oracle de Delphes. Avec, d'un côté, le camp qui espère le plantage du siècle et, de l'autre, celui qui est prié de ne pas surfer trop tôt sur la sérénité de circonstance. "Il y aura une surprise!"  s'exclament ceux qui n'y croient sans doute déjà plus beaucoup. "Rien n'est joué",  répondent ceux qui sont pourtant fondamentalement persuadés du contraire. Arrogant tourbillon de la dialectique électorale. En attendant, les marathoniens du suffrage universel jettent, comme on dit, "leurs dernières forces dans la bataille". Ils vont boire à la source, ils avalent des couleuvres, ils mangent leurs convictions par la racine, ils regardent s'enfuir les rats du bateau dans la tempête. La course à l'Elysée, c'est Koh-Lanta  sur l'archipel Marianne.

   Sans oublier cette taraudante question qui plane à la veille du premier tour et qui atteindra son paroxysme le 6 mai. A quelle heure saura-t-on? Qui osera défier "la règle d'or"?  Qu'encourent les contrevenants? Vaste hypocrisie évidemment que ces cris d'orfraie dans un système qui "facebooke"  et qui "twitte"  et où les études d'opinion dévoilent les "résultats"  avant même que les citoyens ne se soient rendus aux urnes.
   Mais tout de même, espérons que l'urgence sache patienter un peu. La "soirée d'élection"  est une sorte de rite républicain qui fonde notre identité. Quelque part entre l'image d'Epinal et les "Mythologies" de Barthes. Vivement dimanche, oui, mais dimanche soir si possible! D.P.

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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 21:10

   Ecoutez-le, ce drôle de bruit que fait la France à quelques encablures du premier tour. Plus fort que la rumeur des meetings et des ultimes invectives, plus prégnant que le silencieux tourment des indécis, il y a, comme un battement d'horloge comtoise, comme la pulsion d'un coeur à vif, le choc régulier des petits séismes intimes.
   Un balancement qui peut ébranler le plus solide sanctuaire d'amis et sans doute plus encore l'univers feutré d'une famille. Ce n'est pas parce qu'on partage une vie qu'on fait opinion commune. L'urne n'est pas un lit conjugal. Loin de la chambre, il y a l'isoloir, cette alcôve républicaine où l'on guette à la sauvette les reflets de ses résolutions dans l'étroit miroir de papier d'un bulletin.

   L'exemple le plus flagrant de ces fêlures au sein d'un monde clos, sinon d'un cénacle, nous vient bien évidemment d'"Eux". Eux? Appelons-les les Ch. Le patriarche, au soir d'une vie de pouvoir, de manigances et d'"humour corrézien", s'apprêterait à voter à gauche, à l'instar d'une bonne partie du clan. L'épouse, mère et grand-mère, collectionneuse d'abnégations et caparaçonnée de pièces jaunes, restera pour sa part fidèle à la majorité.
   Emblématique distorsion idéologique dans laquelle de nombreux anonymes se reconnaîtront. Au moment où les deux principaux candidats à l'élection présidentielle se retrouvent au coude-à-coude, beaucoup de Françaises et de Français sont donnés, eux, dos à dos. Ainsi va la gestuelle de la démocratie. Ainsi s'établit, une fois de plus, l'intime chorégraphie des convictions. D.P.

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16 avril 2012 1 16 /04 /avril /2012 21:31

   Le cinéma? Ils en font un peu mais ils y vont aussi. Ou alors on les briefe quand ils n'ont pas le temps. Une petite fiche par ci, une antisèche par là. Des fois qu'un esprit fûté s'amuserait à sonder leurs goûts... Pile ce qui vient de se passer. Le site Allociné a en effet demandé aux candidats à la présidentielle de fournir leur Top 5  du septième art. Séquence séduction: dis-moi ce que tu regardes, je te dirai si je vote pour toi...

   François Bayrou aime La Fille du puisatier, Les Tontons flingueurs et Pretty woman. Bon, pourquoi pas, même si on n'aura pas manqué de noter, en passant, une petite infidélité au "produire français". La préférence nationale de Marine Le Pen, qui avoue admirer Ridley Scott et Mel Gibson, a aussi ses limites mais, ouf, elle sauve l'honneur - si l'on ose dire - avec Le Père Noël est une ordure. D'une façon générale, il apparaît de bon ton d'affirmer un certain éclectisme. Le coeur cinéphilique de Jacques Cheminade balance ainsi entre Renoir et Werner Herzog, celui de Nicolas Dupont-Aignan entre Tavernier et Woody Allen, alors que Nathalie Arthaud dit apprécier tout à la fois Thelma et Louise et Chicken run.
   On sourit en découvrant que si Eva Joy plébiscite La Liste de Schindler, Le Parrain et Le Guépard, elle retient également, pas rancunière pour un sou, le récent 38 témoins de Lucas Belvaux, film au terme duquel, on s'en souvient, elle chuta pourtant lourdement. François Hollande fan de Rohmer et Truffaut? Gageons que c'est surtout le terme "Nouvelle vague" qui avive en lui le désir de réinventer "le rêve français". Quant à Philippe Poutou, on pensait depuis son fameux clip parodique, qu'il ne faisait que regarder Questions pour un champion à la télé. Hé bien non, il est, sans surprise, accro aux Temps modernes de Chaplin.
    Le palmarès le plus décoiffant, c'est évidemment celui de Nicolas Sarkozy. En cinq ans de pouvoir, ses aspirations l'ont conduit de Gérard Oury à Dreyer, Rossellini et Kubrick. Des maîtres que l'ami de Christian Clavier visionne sans doute entre deux livres de Roland "Barthès". On connaissait l'inclination du président sortant à l'"ouverture" mais à ce point-là... Sans compter qu'une question nous taraude. A supposé que le mot "fin" ne s'inscrive pas pour lui le 6 mai, qui va-t-il découvrir au cours de son second mandat? Bon, c'est vrai, il y a encore le Coréen Im Kwon Taek, l'iranienne Maryam Keshavarz ou le malgache Solo Ignace Randrasana.
   Et Mélenchon, direz-vous? Il n'a, paraît-il, pas eu le temps de répondre au questionnaire. Dommage. On l'aurait bien vu prôner les vertus rouges d'Einsenstein. A moins que Godard soit son favori. Entre Jean-Luc, on devrait se comprendre... D.P. 
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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 21:23

A noter, ce vendredi 20Avril-2012--Couleur-de-rocou-010.jpg avril, en librairie, le premier roman de votre serviteur blogueur, Couleur de rocou (ou La Saison du poison), aux éditions Le Temps qu'il fait, dont on peut consulter le site en cliquant sur le lien qui suit:

 

 



  Les éditions Le temps qu'il fait

 

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 20:39

       Il reste donc une toute petite semaine avant de savoir de quel côté tournera véritablement le vent. Le vent? On oublie un peu trop son rôle dans cette "dernière ligne droite". Il suffisait pour s'en persuader de zapper, ce dimanche, des images de Vincennes à celles de la Concorde. Ici un François Hollande, mèche rebelle, sono sifflante, voix grésillante. Là, un Nicolas Sarkozy pas le moins du monde soumis aux caprices d'Eole. Tous deux pourtant, dans la mouvance des grands meetings d'agoras initiée par Jean-Luc Mélenchon, s'exprimaient en extérieur face à la foule, à seulement quelques kilomètres de distance.

   Alors quoi? C'est bien simple. Le candidat socialiste parlait à découvert alors que le sortant avait surmonté sa tribune d'un petit chapiteau. Un choix probablement pas aussi innocent qu'il y paraît. Alors que le chantre du "peuple de France"  invoquant Péguy et Hugo prônait très terre-à-terre les valeurs de la "civilisation", son rival, "prêt"  pour gouverner, s'amusait à plusieurs reprises à guetter le ciel. "Le soleil brille mais il ne chauffe pas encore", a-t-il d'abord noté. Avant de constater: "Ca se réchauffe. Même en haut on nous écoute...".
   Qu'on se rassure: on n'esquissera pas, à partir de là, les préceptes de quelque météorologie politique bon marché. Mais on n'empêchera pas le symbole. A un président "protecteur"  sous abri s'opposait un "guetteur d'atmosphère" , visage au vent, réitérant sa volonté d'être en phase avec "le souffle de la jeunesse". Façon pour lui, on l'aura compris, de s'inscrire dans l'air du temps. Sinon de clamer tout haut, lorgnant vers le tribun du Front de gauche: une campagne électorale, il faut que ça décoiffe!  D.P.  
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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 10:50

Avril 2012, Villard-de-Lans 012Avril-2012--Villard-de-Lans-005.jpg   Par le hublot rond de la Bibliothèque municipale qui jouxte la piscine et le casino, on voit la neige tomber à gros flocons sur les toits des chalets. Un sursaut hivernal de circonstance puisque ce sont notamment des poèmes de La Vie blanche (Ex Aequo éditions) qu'est venu lire là votre serviteur blogueur. Ainsi que des inédits comme celui-ci: "Son ombre seule l'arrime, / son silence est en clé de fa, / la neige est un spectacle de mime / qui vaut bien mieux qu'un opéra". Cela s'est passé ce samedi 14 avril, à l'heure du petit-déjeuner, à Villard-de-Lans, à l'initiative de l'association "Livres en scène"  qui, dans le prolongement, du rendez-vous de "L'Anecdote"  à Autrans à la fin du mois d'août dernier, invite à nouveau les participants dans divers centres d'animation du Vercors. Un rendez-vous qui n'est pas seulement littéraire. Le moment poétique d'hier à Villard était ainsi enchâssé entre deux prestations des Zondits, une talentueuse et tonique troupe de comédiens-chanteurs qui ont interprété Trénet (Ah! La Folle complainte...), Brassens, Aznavour, Boby Lapointe, Anne Sylvestre, Allain Leprest, Vincent Delerm, Michèle Bernard, Maxime Leforestier, Michel Jonasz, Clarika ou encore le trop méconnu Gilbert Lafaille (magnifique Neuilly Blues!). Les matinaux des "Quatre montagnes" étaient là. Les flocons aussi. Merci à tous. A bientôt. D.P.

 

   Les Zondits au grand complet dans leur spectacle Chanson sur un plateau, accompagnés au piano par Emmanuel Le Poulichet et, en médaillon, Didier Pobel lors de sa lecture.

Photos Gh. P.

 _______________

   

 
  Après Sylvie Fabre G., avec Luc Mortier au chant-guitare, le 9 mars à Autrans ; après Didier Pobel et les Zondits le 14 avril, on retrouvera:
- le samedi 5 mai à Lans-en-Vercors (10 h.) Marie Marais qui lira des extraits de son livre Il ne se passe jamais rien autour de nous avec, à ses côtés, Sandrine Guinard, Rémi Adriens et Lily Thévenot au violon,
-  le vendredi 15 juin, à Villard-de-Lans (20h30), la lecture musicale de Les Giètes, d'après le roman de Fabrice Vigne avec ce dernier et Christophe Sacchettini,
- le vendredi 29 juin, à "L'Anecdote" d'Autrans (18h), Hervé Bougel, éditeur à l'enseigne du Pré carré et auteur lui-même, en contrepoint du décrochage de l'exposition de Claudie Rajon, "Couleurs vies") et
- le samedi 7 juillet, à Lans (10h), Jackie Plaetevoet, éditrice et auteur.
Une multiple initiative en lien avec les bibliothèques d’Autrans, Lans-en-Vercors, Villard-de-Lans et la MPT 4 Montagnes. Prochaine édition de "Livres en scène", sous le signe de Georges Pérec, les 25 et 26 août à Villard-de-Lans. Renseignements au 06 83 35 46 88.

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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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