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10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 21:42

    Alors, elle est comment cette victoire socialiste telle qu'elle se profile au lendemain du premier tour des législatives? Ni riquiqui - bien loin de là -, mais ni, non plus, "vague rose"  façon exhubérance 1981. Elle est, lâchons le mot, "normale". Un tel résultat ne peut évidemment que satisfaire François Hollande en attente d'une majorité "large et cohérente" que, "normalement", il obtiendra. Ses amis l'ont répété tout au long d'une soirée au cours de laquelle les ministres affichaient un large sourire - à commencer par le chef du gouvernement réélu d'emblée dans son fief nantais - puisqu'il est fort probable qu'aucun(e) d'entre eux (elles) ne sera contraint(e) à la démission.
   Voilà pour l'enseignement essentiel de ce scrutin marqué également par une inquiétante abstention - on a un peu tendance à l'oublier -, par un tassement en trompe-l'oeil du Front national et par une droite qui, ayant sauvé l'honneur, prépare son délicat "ni-ni"  dans la perspective des triangulaires.

   Restent les deux échecs les plus marquants de ce 10 juin: celui de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont et la position très difficile de François Bayrou à Pau. Des situations qui, au demeurant et vu le contexte, n'auront probablement pas surpris grand monde. Bref, que du "normal", on vous l'avait bien dit...
   Pour trouver de l'"anormal", il fallait, en ce dimanche pluvieux, rejoindre une autre joute. Sur la terre battue de Roland-Garros, Novak Djokovic et Rafael Nadal se sont en effet retrouvés en ballottage, avec avantage à ce dernier. Mais là, le second tour, c'est maintenant. Ou presque... D.P.

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 10:18

 Juin 2012, Chambéry, Rousseau 054-copie-3C'était dimanche dernier, 3 juin. L'ultime page du Festival du premier roman se tournait à Chambéry. Cette 25e édition n'avait pas failli à sa règle d'or qui inclut attention, vitalité et convilialité. Loin de l'ambiance artificielle de certains autres rendez-vous littéraires, celui-ci a su, pourrait-on dire en s'inscrivant dans l'air du temps, demeurer "normal". Particularité 2012, quelques invités des années antérieures côtoyaient la "nouvelle vague". Citons, du côté de ceux qui ont déjà fait leur chemin Brigitte Giraud, Lionel Duroy, Stéphane Audeguy, Dominique Fabre, Christian Garcin, Boualem Sansal... Et, parmi les débutants Alexis Jenni (si tant est qu'on puisse rattacher le Goncourt 2011 à cette catégorie), Stéphane Chaumet, Virginie Deloffre,  Hélène Gestern, Raphaëlle Riol, Nicole Roland... Sans oublier des auteurs de langue étrangère n'ayant pas encore été traduits comme le Portugais Nuno Camarneiro, l'Espagnol Mario Crespo ou l'Allemande Astrid Rosenfeld...


   Juin-2012--Chambery--Rousseau-049.jpgLa seule fausse note de clôture est venu du ciel. La pluie n'aura, en effet, pas permis au final d'atteindre l'éclat que lui promettait, à quelques encâblures du chef-lieu savoyard, le très champêtre site des Charmettes où cependant, quel que soit le temps, les jardins restent à jamais imprégnés de fraîcheur et d'éternité, apanage rêvé de tous les premiers romans du monde. Le Festival s'est terminé le nez dans le ruisseau. Promis,juré: ce n'est pas la faute à Rousseau. D.P.  

 

Deux scènes parmi d'autres de la journée de clôture du Festival:

- Alexis Jenni ou l'art français du buffet.

- La rêverie de deux promeneurs solitaires - et mouillés - dans le parc des Charmettes. Photos D.P.  

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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 21:15

Photo AFP   Ce qu'on voit de chez nous, c'est ça, entre un reportage sur la campagne des législatives en France, les préparatifs de l'Euro en Ukraine et les commentaires sur l'excès de vitesse de François Hollande. Des images qui tremblent un peu. Des plans panique qui se succèdent. L'écran de la télé qui se diffracte. Et soudain ces visages. Petites bouilles de bambins empaquetés dans des draps blancs. On dirait qu'ils dorment. Mais non, là-bas chez eux, en Syrie, on ne ferme plus l'oeil. Ou alors si on le ferme, c'est pour toujours. Voilà, c'est ça qu'il leur est arrivé. Ils ont clos leurs paupières. Eux, les enfants morts sous les obus et les couteaux des miliciens. Elles, les femmes, leurs mamans, leurs voisines. Eux, les hommes, les pères, les aînés, leurs protecteurs réduits à leurs rôles de cibles mouvantes d'un régime plus sanguinaire que jamais.
   Cela s'appelle un massacre. Un de plus. Dix jours après l'horreur de Houla, c'est à celle de Al-Koubei, province de Hama, centre du pays, que l'on assisté. Choqués, révoltés, honteux, impuissants. Impuissants comme Ban Ki-moon, comme Kofi Annan, comme l'ensemble de "la communauté internationale"  de laquelle on n'ose plus rien attendre face au tyran Bachar suspendu au criminel soutien de la Russie et de la Chine.

   Le secrétaire général des Nations unies s'est "contenté", cette fois-ci, de dénoncer une "barbarie invisible". Invisible? Oui, sans doute. Surtout à qui, à l'instar du peuple supplicié, jour après jour ferme les yeux. D.P.    

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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 21:15

    Soyons honnêtes, on le croyait mort depuis longtemps. Ou pire encore, la question ne nous venait même pas à l'esprit. C'est que, pour nous, le nom de Ray Bradbury évoquait moins un individu qu'une légende. Et pourtant, quelques heures avant que, tout là-haut, Vénus pousse ses pions devant le soleil, l'extraterrestre auteur des Chroniques martiennes et de Fahrenheit 451 s'en est allé comme tout un chacun. A 91 ans,il avait derrière lui une vie presque aussi remplie que les fanzines dans lesquels il noircissait ses nouvelles. Il en aurait signé un demi-millier, dit-on. L'admirateur d'Edgar Poe, de Jules Verne et de Wells adorait faire court. Pas d'épanchement, pas de lyrisme, juste un magnétique attrait pour l'anticipation.
   Le temps était en effet sa grande affaire. Moins le présent que le futur. De quoi se voir sacré presto pape de la science-fiction, titre un peu usurpé à ses yeux. "La SF, c'est l'art du réel ; le fantastique, l'art de l'irréel", répétait-il et, on l'aura compris, il se revendiquait plutôt du second registre. Ses fameuses Chroniques martiennes  parues en 1950, près de deux décennies avant la conquête de la lune, en témoignent. Et en 1966, lorsque Truffaut, avec le succès que l'on sait, porta à l'écran Fahrenheit 451, on oublia parfois que le premier dénonciateur des autodafés s'appelait Bradbury.
   Faut-il rappeler que le thème est particulièrement d'actualité aujourd'hui, alors que l'objet livre est une fois encore menacé? "Raymond"  n'avait pas d'ordinateur et pestait volontiers contre internet. Il ne possédait pas de voiture non plus. Même pas une petite fusée pour s'envoler. L'autodidacte à la crinière blanche et aux lunettes en hublots a pourtant réussi son décollage, mardi, depuis sa base de Los Angeles. A son âge, c'est un véritable exploit. Il faudrait au moins un auteur de son acabit pour écrire l'histoire du plus terre à terre des martiens chroniques de la littérature américaine de l'après-guerre. D.P.

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 21:07

   On ne sait pas si le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt, mais le cosmos c'est sûr. Il sera, en effet, entre 5h50 et 6h55 lorsqu'en ce mercredi de juin s'offrira aux matinaux un spectacle céleste exceptionnel. Qu'on en juge: la planète Vénus, de la taille de la Terre, va tranquillement passer devant le soleil. Evidemment, résumé comme ça, ça n'est pas très sexy. Mais les spécialistes sont formels: des phénomènes pareils, ça ne court pas la voie lactée. Le prochain est prévu pour 2117. N'oublions pas d'entrer la date sur nos BlackBerry quoiqu'en dépit de l'allongement programmé de la vie, on ne sera sans doute plus très aptes alors à lever la tête vers les galaxies. Ou alors on sera là-haut, au premier rang pour ne pas en perdre une miette, allez savoir.
   Mais que découvrira-t-on, au juste, cette fois-ci? Eh bien on verra "l'étoile du Berger" - c'est ainsi qu'on l'appelle depuis l'Antiquité -, pas plus grosse qu'un grain de beauté, posée à la manière d'une araignée sur l'astre censé nous réchauffer.Je dis "censé"  parce que, par ces temps d'anticyclone en rade, c'est carrément l'inverse. Il est d'ailleurs fort probable que, rapport à la lumière maigrichonne, on n'aperçoive pas grand'chose de la fameuse conjonction sidérale.

   Avouez qu'on aurait pourtant bien aimé sortir un peu de nos trop terre à terre préoccupations sociales et politiques. Las! A quelques jours du premier tour des législatives, il y a peu de chance que Vénus nous détourne de l'institut... de sondages. D.P.
 
 
 

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 22:03

     Certes, ce n'est qu'une image de plus dans un siècle où nous en sommes, à chaque instant, bombardés. Mais tout de même, ce n'est pas banal, le portrait du nouveau chef d'Etat. On sait qu'il sera là, comme une vigie discrète, accroché dans la ferveur claudelienne de nos ambassades ou sur les murs républicains de nos écoles et mairies. C'est face à cet iconographique "polaroïd"  garant des institutions qu'on procèdera à nos apprentissages et aux rites administratifs qui, pour faire court, vont de la vie à la mort. C'est sous son regard qu'on se mariera dans le crépitement de l'éphémère éternité des flashes nuptiaux.
   Mais c'est sans doute pour l'élu lui-même que la symbolique est la plus forte. Le document recèle en quelque sorte sa carte d'identité. "Voilà qui je suis vraiment, moi Président, si différent de mon prédécesseur... François Hollande n'a pas échappé à ce désir pictural de rupture. Peut-être plus que les autres encore. Le voici dans le parc de l'Elysée, comme surpris par l'objectif lors d'une promenade où l'on toise l'état des arbres qui font de l'ombre sur la pelouse. Plan américain, petit sourire, drapeau mural lointain. Un homme "normal", bras ballants, comme encombré de ses deux mains vaguement de guingois dans leur retombée. Il y a presque du paysan corrézien endimanché dans ce décor empruntant son vert bovin au plateau de Millevaches.

  L'auteur de l'instantané n'est pas n'importe qui. Dans l'album existentiel de Raymond Depardon, se cotoient de Gaulle et Jan Palach, Bardot et Françoise Claustre, les scènes de guerre et les vestiges d'un monde rural qui meurt. Avec toujours, en prime, comme un supplément d'âme, cette perpétuelle attention que lui, le fils de fermier caladois du Garet, porte aux autres. Et pourtant, comment dire?, les photos qu'il signe, si vivantes, si évidentes, on jurerait souvent qu'on pourrait les faire soi-même.
   Celle-ci ne fait pas exception. Loin de la solennité des figures pétrifiées jadis dans leurs bibliothèques emplies de vieux cuirs, le successeur de Nicolas Sarkozy est saisi ni à l'arrêt, ni en pleine déambulation. Disons: entre les deux. Dans le fragile équilibre arraché à l'"intranquillité"  conjoncturelle des années 2012. D.P.  

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 16:38

magazine Europe    A lire, dans le dernier numéro de la revue Europe, outre le riche  dossier consacré à Jacques Dupin et un pertinent ensemble réunissant, "Dans l'amitié des poètes", Esther Tellermann, John Ashbery, François Zénone, Emmanuel Laugier et Franck André Jamme, une note de lecture de Didier Pobel consacrée à Fraternité secrète, le beau recueil de "Correspondance 1975-2009" entre Jacques Chessex et Jérôme Garcin paru en début d'année chez Grasset (25 euros).

 

   (in Europe, juin-juillet 2012, n° 998-999, 18,50 euros).

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3 juin 2012 7 03 /06 /juin /2012 20:44

   Comme pour mieux communier avec nos voisins d'outre-Eurostar, on avait tous arboré, en ce dimanche de juin, la couleur british de circonstance. Brume, crachin, pluie... Je ne sais plus quel écrivain - Paul Morand peut-être - a dit: "Ce qu'il y a de grisant à Londres, c'est le gris". Pas étonnant dans ce cas si la grandiloquente fête dominicale en l'honneur de la Reine fut aussi "jubilatoire"  malgré son ciel d'octobre. Et pas seulement vue des rives de la Tamise. En France aussi, on a applaudi au spectacle. Il faut dire que, météo oblige, on n'avait tout de même pas grand'chose d'autre à faire.

   Ce qui nous a plu dans ce gigantisme en l'honneur d'une vieille dame très digne et d'une monarchie parlementaire pour le moins exotique à nos yeux, c'est, outre son faste, sa puissance à fédérer une union sacrée nationale dont on n'a pas la moindre idée dans notre République "normale". Nous avons assisté aux soixante ans de règne d'Elizabeth II comme on aurait tourné les pages glacées d'un magazine de "fabulous stories". Plein de vues et usages du monde. Chapeau la parade nautique! Wonderful le feu d'artifice diurne tiré depuis London Bridge! A moins de deux mois du coup d'envoi des Jeux olympiques, la plus souveraine des championnes a déjà remporté la médaille d'or. Et une performance comme ça, à la fois inscrite dans l'histoire et dans un instant hors du temps, ça n'a pas de prix.

   Pas de prix? Shoking, of course! Quand on fait le compte de tout ce tralala frappé du sceau de l'Union Jack - y compris les quatre jours fériés prévus -, ça coûte quand même, paraît-il, quelque 300 millions de livres (371 millions d'euros). Où ailleurs qu'au pays de Shakespeare, de David Hockney, des Clashs et du fish and ships oserait-on adresser pareil pied-de-nez à la crise et à la rigueur? Ne cherchez pas, il n'y a qu'eux pour cela. Messieurs les Anglais, dépensez les premiers! Sa Majesté le mérite, elle qui est unique en son genre. S'il n'en reste Queen... D.P.

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2 juin 2012 6 02 /06 /juin /2012 10:55

     C'était il y a quelques jours. Le mardi 22 mai. L'Académie de Bresse avait sollicité plusieurs auteurs de l'Ain - qu'ils y vivent à plein temps ou épisodiquement -  pour une séance de dédicaces dans les salons de la Préfecture de Bourg. Présentés par l'inégalable François Belay, Juin-2012--Fete-des-quartiers---coupures-Progres--copie-1.jpgprésident de l'Association, les invités ont pu, grâce à l'efficace Lydie Zannini, Préfecture, Bény 002-copie-1"passeuse culturelle"  à l'enseigne voisine de "La Librairie du Théâtre", non seulement signer leurs ouvrages mais aussi, avant tout, rencontrer une multitude de passionnés de mots, d'images et de saveurs. Il y avait là le "M. Foot" de L'Equipe, Vincent Duluc (Le Livre noir des Bleus, Laffont 2010, 50 héros pour l'Euro 2012, Solar 2011...), Jean-Jacques Coltice (Cormemin, apôtre du suffrage universel, L'Harmattan 2012), le "Top-chef" Grégory Cuilleron (Dans la cuisine de Grégory, M6 éditions, 2010), le créateur de BD Olivier Martin (Les Enquêtes auto de Margot, éditions Paquet) et, donc, l'auteur de ces lignes venu présenter son roman Couleur de rocou (éditions Le Temps qu'il fait). L'air était doux comme un bruit de pages sous les ors de la République, le buffet convivial, l'ambiance propice aux échanges et aux retrouvailles, alors que le soir se posait lentement, de l'autre côté des baies, dans le vénérable parc bressan aux allures de jardin anglais larbaldien du XIXe siècle. Merci à celles et ceux qui sont à l'origine d'une telle initiative. D.P. 

Retrouvailles entre Didier Pobel et Henri Bonnet, éminent "nervaliste" (ou "nervalien"?), qui fut son professeur de français au Lycée Lalande, lors de cette séance de dédicaces annoncée le jour même par Le Progrès. Photo Gh. P.  

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31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 21:59

  

   Elle est née, comme ça, d'une simple idée de prendre un verre un soir de presque été sur un trottoir du 17e arrondissement de Paris. Non pas à la terrasse d'un bistro, mais en bas de chez soi, en bas de chez eux, en bas de chez vous. En bas de chez lui, d'abord.

   Lui? Atanase Périfan, drôle de nom et coeur gros comme ça. C'était en 2000. Le bug nous avait épargnés et nous venions tous de réchapper de la fin du monde. Le président de la Fédération européenne des Solidarités de proximité venait de lancer une initiative qui allait bien vite dépasser toutes ses espérances. Trente pays sont aujourd'hui concernés. Des milliers de partenaires seraient impliqués. Et le chiffre des participants "avoisinerait"  les dix millions de personnes.
   Mais c'est quoi exactement la Fête des voisins? C'est une invitation à la rencontre, à l'échange, au partage. C'est une Fête de la musique qui ne fait pas de bruit. Ou si peu. Ce sont des noms sur des boîtes au lettres qui prennent soudain des visages. C'est Facebook en chair en os dans la cour de l'immeuble. Entre "followers" grandeur nature, on prend un pot, on avale des chips, on fait un peu mieux connaissance, on parle, on se regarde dans le miroir de l'autre.
   Alors bien sûr, dira-t-on, il y a sans doute un brin d'hypocrisie dans cet "Aimons-nous Folleville!"  de circonstance. On ne tord pas le cou à l'indifférence et à la solitude par la magie programmée d'une date "officialisée"  sur le calendrier pré-éstival. Certes, mais que cela ne nous empêche pas - la gauche revenue de surcroît -, de rêver d'un "Mieux vivre ensemble" durable et, au-delà des frontières, d'un vrai "European neighbours' day". Nos voisins, ce sont aussi les Grecs, les Espagnols, les Portugais... Le respect pourrait devenir alors un de ces mots fétiches que l'on se glisse, que l'on se transmet. Bref, que l'on passe à son voisin. D.P.      
 
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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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