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28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 21:12

       De quoi la mort de Yasser Arafat est-elle le nom? D'un empoisonnement, cela ne fait plus guère de doute. Mais alors qu'on parlait jusque-là du polonium, voilà qu'une autre substance suspecte fait son apparition. Analysant les symptômes auxquels a succombé l'ex-leader palestinien, le Pr Marcel Francis-Kahn, ancien chef du service de rhumatologie de l'hôpital Bichat à Paris, évoque une intoxication fatale due à un champignon. Ce qui, à ses yeux semble en cause, ce serait la "la toxine de l'amanite phalloïde ou du cortinaire des montagnes".
   L'investigation, du coup, change de registre et nous plonge dans un univers romanesque noir qui donne une autre dimension à l'affaire. Un peu comme si le thriller politique se muait soudain en "polar botanique". L'un des champignons évoqué dans l'enquête, le cortinaire des montagnes, dit aussi "couleur de rocou"  (*) est, en effet, l'un des plus implacables et des plus pernicieux qui soient, dans la mesure où ses effets destructeurs ne se manifestent que très longtemps après l'ingestion.

   Avec l'ouverture ce mardi à Nanterre d'une information judiciaire contre X pour assassinat, les trois juges français chargés d'élucider les circonstances du décès d'Arafat, en 2004 à Clamart, doivent ainsi s'apprêter à devenir, malgré eux, des personnages à mi-chemin de ceux d'Agatha Christie et d'André Dhôtel. Toute la vie du "vieux combattant"  fut à sa manière un roman, d'espionnage, d'aventures et de guerre. Huit ans après sa disparition s'y ajoute in fine un autre registre, plus mystérieux encore. Et peut-être insondable à jamaisD.P.

_________ 
(*) Cf. mon récent roman précisément intitulé Couleur de rocou (éditions Le Temps qu'il fait).

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28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 10:19

   Avant Armstrong, Musset...

P8020464.JPG   La lune? Non, pas celle du vieil Armstrong remonté là-haut voir s'il y était encore, mais - pardon Neil - la mienne, la nôtre. Celle qui ne vient que pour nous dans les crépuscules d'août bressans poser son oeil rond sur le Revermont. Celle qui redit à l'oreille la strophe oubliée d'une complainte de Musset: "Sur ton front qui voyage, / Ce soir ont-ils compté / Quel âge / A leur éternité?"  © Photo D.P. (agrandir en cliquant).  

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27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 22:21

      Un instant dégarement? Une hallucination? Un léger contrecoup du blues de la rentrée? Toujours est-il que nous fûmes quelques-uns, ce lundi, à nous trouver soudainement en proie à un étrange sentiment. A croire qu'un petit malin avait dû dérégler le calendrier. Ou qu'un sorcier avait mis en marche la machine à remonter le temps.
   Et puis non. Vérification faite, nous étions bien à la fin août 2012, mais avouez qu'il fallait se frotter les yeux - ou les oreilles - pour y croire, au simple énoncé des infos du jour. Qu'on en juge: un nouveau camp de Roms démantelé, le chômage qui bat des records, la courbe des tarifs de l'essence à infléchir d'urgence. Mieux encore - ou pire: l'énergie nucléaire vantée comme "filière d'avenir"  par un ministre de la République. Pardon? Il y avait forcément erreur, nous n'étions pas à quatre mois de l'ère Hollande, quelque chose patinait.
   Il a fallu attendre le journal de vingt heures de France 2 pour revenir sur Terrre. Le Premier ministre s'appelait bien Jean-Marc Ayrault. Ouf! Homme d'"autorité et de dialogue", il a sollicité un délai avant qu'on ne juge son action, nous autres inguérissables impatients que nous sommes. Impossible là-dessus de lui donner tort. Et, concernant le nucléaire, il a apporté cette précision: "J'ai parlé avec Arnaud Montebourg et la position du gouvernement est très claire". Très claire? N'exagérons peut-être rien, tout de même. D.P.  

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 21:40

  

   Sale temps pour les Armstrong! Au lendemain de la déchéance sportive de Lance, c'est l'autre qui fait défection, du côté de Cincinnati, dans l'Ohio, à l'âge de 82 ans. L'autre? Pas n'importe lequel. Un grand aîné et un fichu héros. Neil fut rien de moins que le premier homme à marcher sur la lune. C'était le 20 juillet 1969. Une journée particulière, aussi bien dans le ciel qu'ici-bas sur la Terre.
   Au même moment, en effet, s'achevait sur les Champs-Elysées le premier Tour de France gagné par un certain Eddy Merckx. Pingeon finissait deuxième et, pour une fois, Poulidor troisième. Une époque bénie, à coup sûr, bien antérieure en tout cas à notre ère moderne de soupçons permanents. Pour les coureurs de l'époque, tout était permis. Pour l'équipage d'Apollon 11 aussi.
   Neil Armstrong avait-il pris des "substances"?  Une chose est sûre: son exploit, à lui et à ses deux compagnons, Edwin "Buzz" Aldrin et Michael Collins, avait dopé la planète entière. Une injection de rêve, une dose de défi, une pilule d'utopie. Or, voilà, au fond, ce qui nous manque tant aujourd'hui. Car, depuis quelque temps, ça n'a pas pu vous échapper, comme le scandait aussi à cette époque-là, un chanteur nostalgique d'encore un autre Armstrong: "Rien rien rien ne luit là-haut, les anges zéro..."

   Allez, Good bye Neil! Et n'oubliez  de faire une nouvelle escale sur le croissant en repartant. Un petit pas de plus pour un homme. Un trépas de géant pour l'humanité. 

D.P.

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24 août 2012 5 24 /08 /août /2012 22:34

   On savait Lance Armstrong apte à se transformer en fusée pour gagner les Tours de France. Ce qu'on ignorait, en revanche, c'est qu'il pouvait être plus rapide encore pour les perdre. Dans la seule journée d'hier - sacrée performance, quand on y songe -, il y en a sept, pas un de moins, qui se sont virtuellement éclipsés de son palmarès. Virtuellement, dis-je, parce que, dans les faits, les choses sont un peu moins simples. Certes, en renonçant à poursuivre sa bataille judiciaire contre l'agence américaine antidopage (l'Usada), le Texan a, en quelque sorte, signé sa résignation à une disgrace multiple. Mais reste tout de même un problème de taille.

   Le vainqueur officiel éliminé, qui, du coup, a remporté les Grandes Boucles 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005? Fastoche. Il n'y a qu'à sacrer après coup ceux qui se hissèrent alors sur la seconde marche du podium. Sauf que ceux-là ne sont pas, eux non plus, blancs de blanc. Souvenons-nous, ils se nomment Alex Zülle, Jan Ullrich, Joseba Beloki, Andreas Klöden ou Ivan Basso et tous ont été, au minimum, l'objet de soupçon. Ne nous voilons pas la face: la vraie solution consisterait à réorganiser chacune de ces épreuves. Mais quand? Et avec qui? Décidément, Lance Armstrong aura jusqu'au bout défié le chrono.
   La sincérité existe-t-elle dans le domaine des sports? "Ca se discute"  aurait sans doute répondu Jean-Luc Delarue qui n'a pas eu le temps de programmer un débat sur ce thème. Champion dopé lui aussi, à sa manière, il vient, à 48 ans, d'abandonner la course. La grande, la vraie, celle où il n'y a pas jamais de deuxième. D.P.  
 
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23 août 2012 4 23 /08 /août /2012 22:31

 Image illustrative de l'article Gevrey-Chambertin   Le vignoble de Gevrey-Chambertin, c'est quelque chose comme une cathédrale de Chartres bâtie sur échalas. Rien qu'à prononcer le double nom magique, on se recueille. A moins qu'on ne puisse s'empêcher d'émettre quelques bruits de langue comme si l'on dégustait les syllabes. Pensez donc: ses 310 hectares de pinot noir produisent à eux seuls huit des trente-trois grands crus AOC de Bourgogne.

   Et voilà qu'on apprend, au coeur de l'orageuse torpeur du mois d'août, que le fleuron des côtes de Nuits s'apprête à fiche le camp dans "L'Empire du Milieu". Enfin, pas tout à fait. Les Chinois ne vont pas déraciner nos ceps, non, ils ont "simplement"  arraché le marché. Et cela en poussant le bouchon au maximum: huit millions d'euros! Plus du double de la somme évaluée par les experts français. La Safer n'a rien pu faire. Les viticulteurs du coin voient rouge. Ils redoutaient la grêle, ils n'ont pas pu repousser cette autre intempérie de saison nommée mondialisation.

   Quant à nous, pékins moyens qui ne goûtons pourtant pas tous les jours au précieux breuvage, nous ne savons plus trop, avouons-le, à quelle dynastie - pardon: à quelle confrérie - nous vouer. Tiens, pour se remettre, on trinquerait bien un petit coup au Gevrey. Allez, Chine, Chine! D.P.

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13 août 2012 1 13 /08 /août /2012 21:15

     Même au coeur de ce mois si particulier, lorsque tout semble pétrifié, le temps va, la saison s'oblitère. Certes, nous sommes au faîte de l'été, cette drôle de période où le moindre instant présent se prend pour l'éternité, mais il faudrait être aveugle derrière ses lunettes de plage pour ne pas percevoir les signes d'un basculement à l'approche du 15 août. La lumière est un peu plus courte, la canicule se fait touffeur acide, les aubes s'ourlent d'un feston de brume.
   Et puis il y a ce frémissement dans l'actualité. Le monde soudain ne paraît plus seulement propice aux festivals, aux faits divers, à la grandiose Odyssée des sports, sinon aux cigales des rediffusions et des bêtisiers. Voilà, tout doucement, le bruissement politique qui se réinstalle. Oh, il ne s'était pas beaucoup éloigné en cette année qui lui fit la part si belle. Il avait juste pris le maquis quelques jours. Il s'était à peine offert une parenthèse pour laisser l'euphorie olympique règner sur nos congés payés. Mais ça y est, on dirait que la récré est déjà finie.

   La droite, qui s'ennuie sur le transat trop grand de l'opposition, renoue précocement avec les petites phrases qui sont ses mots fléchés à elle. Le nouveau président de la République "ne se proccupe que de sa normalitude". Parole de François Fillon. Haro sur "l'inertie de la diplomatie française". Petite pique signée Jean-François Copé. François Hollande aimerait s'en moquer. Il rêve de laisser dire et de souffler, léger, les bougies de ses "cent jours". Mais il sait bien, au fond de lui-même, qu'il ne peut pas. La question syrienne est plus accaparante encore lorsqu'elle se propage ainsi, à travers ce qu'on pourrait appeler un stratagème politique de bonne guerre.
   Le bus bleu des champions impériaux a quitté les Champs. Le ciel d'azur de Brégançon ne masque pas les gros nuages. La droite secoue sa serviette. La gauche s'apprête à replier son parasol. Adieu le gros dos, fini le ronron. "A la mi-août, l'hiver se noue", disait-on jadis dans les campagnes. Pourvu, bon sang, qu'il ne vienne pas trop vite! Please, encore une minute, monsieur le bourreau automnal... D.P.   

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13 août 2012 1 13 /08 /août /2012 19:54

 Juin-2012--Ile-d-Eubee--Delphes-002-copie-1.jpg   Image furtive saisie l'autre matin à travers la fenêtre. Dans la contre-allée, un peu en retrait, une voiture à l'arrêt. De type "familiale", glaces à demi baissées, clignotant enclenché. Et, dans l'encadrement du haut de portière, côté passager avant, une main fine qui s'agite, un index qui s'électrise, qui montre un point, puis un autre. Sur les genoux blancs de la femme est ouverte une carte. Ou plus exactement un de ces lourds volumes qui prétend les rassembler toutes. En jalons, en raccords, en charpie parfois. Vous en avez peut-être encore un, vous aussi, quelque part sous un siège, sur la banquette arrière, sinon dans le coffre de votre véhicule. Ne parlons pas des boîtes à gants devenues de plus en plus exiguës au fur et à mesure que les modèles se sont équipés de GPS, reléguant, il est vrai, au rang d'accessoire désuet ces encombrants "Guides du voyageur".
   Mais là, en bas de chez moi, en ce temps de grand chassé-croisé, c'est bien encore à cette antique bible de la route qu'on semble se fier. Bientôt, le doigt baladeur corne une page gravée au 1/250.000e  et j'aperçois un visage qui se contorsionne pour tenter de décrypter à la fois le recto et le verso. Car si l'avantage de ces "atlas buissonniers"  est d'offrir en lecture l'ensemble d'un territoire, il n'en reste pas moins que chaque repère convoité a curieusement tendance à se situer à l'extrémité du feuillet marqué du numéro renvoyant au foliotage suivant, quand il ne figure pas pile sur l'axe du rabat. S'ils évitent en effet - encore que ce soit discutable -, le morcellement des cartes traditionnelles, les ouvrages compacts en question en ont, en revanche, rajouté dans leur délectation à voir s'égarer l'oeil dans ces no man's land que sont les marges, les lisières et les plis. Certes, la vie est dans les plis, le poète Henri Michaux l'a dit à sa manière dans un contexte très différent, mais tout de même...
   La scène n'a duré que quelques minutes, sans doute parce qu'il ne fut pas question pour nos automobilistes de passage de traquer dans l'index, généralement écrit en caractères si fins qu'une loupe est nécessaire, le nom de lieu qu'il faut ensuite découvrir sur la page annoncée, dans un espace délimité par un code d'abscisses et d'ordonnées fort d'une précision mathématique à laquelle il arrive pourtant que la meilleure investigation résiste.

   Quelques minutes, pas plus, oui, avant que l'auto immatriculée "ailleurs"  ne reparte avec ses présences furtives et ses fantômes imaginés. Mais comment ne pas voir dans cet instantané, me disais-je, l'illustration qui résume par excellence les prérogatives des vacances? Cette quête d'un site salutaire à l'écart des grands axes trop fréquentés de la routine. Cette traque d'un lieu qui, à n'en pas douter, se trouve à portée de main mais qui, lui aussi, comme par mimétisme pernicieux - à moins que ce ne soit l'inverse - se cache dans les plis. D.P.     

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12 août 2012 7 12 /08 /août /2012 20:28

Amélie Cazé   Mais dites, de quoi on va parler maintenant, sur quel sujet on va s'extasier? Parce qu'enfin, qu'on le veuille ou non, c'est fini et ni-ni-ni. La flamme anglaise s'est éteinte ce dimanche soir dans l'apothéose. L'apothéose? Tiens, justement, voilà un mot de plus dans le vocabulaire de l'exultation sans limite qui aura constitué notre environnement sonore lors de ce grand-rendez vous british.

   Certes, c'était bien ces Jeux, ne soyons pas bégueules. Le spectacle a eu belle allure et notre compte de breloques est épatant. Mais tout de même... Sans vouloir jouer les trouble-(après) fête, avouons que la course effrénée aux superlatifs nous a souvent paru frôler l'indécence. Dieu, qu'on en côtoyé des "rois de la planète" et des héros "de légende"  qui "tutoient les étoiles"!  Et que penser de ce présentateur de JT qui, encore sous le coup de la performance de Renaud Lavillénie, l'a vu d'emblée "perché sur le toit du monde avec vue imprenable sur l'éternité"? (sic)

   A ce train de surenchères verbales, il ne sera pas facile de redescendre sur terre. A plus forte raison après la parade géante que donneront ce lundi sur les Champs les athlètes de retour du... Allez, n'ayons pas peur des hyperboles, nous non plus: de retour du "paradis". "Magique!", "Magnifique!", "Grandiose!" nous exclamerons-nous encore une fois avant de ranger, la mort dans l'âme, l'euphorie au vestaire tricolore. Les lendemains de victoire chanteront moins, on le sait. Post médaillum, animal triste... La Syrie, la crise et la rentrée occuperont les trois marches d'un podium beaucoup moins glorieux. C'est comme ça, on n'y échappera pas. Good bye Londres, bonjour big peine! D.P.

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9 août 2012 4 09 /08 /août /2012 22:01

   Heureusement, vraiment, qu'il y à Londres. Son effervescence, ses cocoricos, ses directs à la télé. Oui, heureusement qu'il y a les Jeux et ce tintinnabulement de médailles à nos oreilles qui nous rappelle Montand réveillant son maître dans La Folie des grandeurs: "Il est l'or, mon seignor!"  Mais dans quelques jours, finie la comédie, c'en sera fini de la grande fête british qui tout à la fois nous euphorise et nous anesthésie et il nous faudra redescendre sur Terre.

   Un ici-bas qui - qu'on nous pardonne l'expression - fait obstinément du sur-place. En Syrie, bien sûr, où le pire paraît désormais routinier. Mais en France aussi. Pendant que nos esprits se divertissent outre-Manche, une visiteuse s'est introduite en douce chez nous. Ou du moins a-t-elle envoyé ses émissaires pour préparer le terrain. Cette intruse s'appelle la récession et on la sait rôder dans la banlieue interlope de notre économie, traînant sa valise (vide) de vieux cuir cabossé, comme le plus louche des personnages de Modiano.
   Pas facile à expulser, celle-là. Pas comme les Roms. Parce qu'enfin, s'il a une autre ombre à notre été, c'est bien celle-là. On se frotte les yeux. On croit rêver. Ou cauchemarder. Sommes-nous encore en 2010 au temps détestable du "Discours de Grenoble" ou sommes-nous en 2012? Avouons que, face à ces démantèlements de camps et ces envols de charters, on ne sait plus trop. Non pas que l'angélisme soit en pareil contexte l'attitude qui convient, ça on l'a bien compris, mais tout de même... On a le sentiment qu'à quelques nuances près, "les choses" recommencent. Les opérations médiatisées. La vision à court terme. Bref, le malaise.
   Rassurez-nous, dites-nous que ce n'est qu'une impression. Qu'on a été victimes d'une hallucination. Ou d'un assoupissement. Réveillez-nous, réveillez-nous. "Il est l'or, mon seignor!" D.P.    
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Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
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Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

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