Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 19:20
   Mon article consacré à l'actuelle exposition au Musée des Beaux-Arts de Lyon, posté sur ce blog le 3 novembre, est également lisible sur le site du mensuel "Lyon Capitale".
   Cliquez sur ce lien: 

 

   A noter que le dernier numéro du magazine, celui de novembre, consacre un passionnant dossier à "La grande saga des meilleurs vins du monde".

 

VOIR LE SOMMAIRE

 

Partager cet article
Repost0
19 novembre 2012 1 19 /11 /novembre /2012 22:11

     On l'attendait dimanche soir. On l'attendait hier matin à l'heure du premier pain au chocolat. On l'a attendu tout au long de ce lundi de psychodrame à droite. Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir? Non, on ne voyait rien venir. Sinon, la confusion, sinon l'imbroglio, sinon le chaos au sein du premier parti d'opposition. Et puis voilà que, soudain, sur le coup des 22h40, ça y est, c'était fait. L'UMP avait, ouf!, un président.

   Un président ou, du moins, quelque chose qui y ressemble. Car enfin quoi, de quelle légitimité peut se prévaloir l'homme qui a finalement été désigné - on n'ose pas dire "élu" - avec une avance de 98 petites voix et, surtout, au terme d'un tel micmac que le "rescapé"  ne semble devoir son "privilège"  qu'à la Cocoe et à son patron, Patrice Gélard, vedette inattendue de la soirée?

   Ainsi jouée sur le fil et entachée de pitoyables gesticulations et de soupçons d'irrégularités, la victoire à l'arraché de Jean-François Copé pose assurément plus de questions qu'elle n'en résoud. Non, s'il y a de vrais gagnants dans cette "affaire", il faut les chercher ailleurs, que ce soit du côté de François Hollande, de Nicolas Sarkozy ou de Marine Le Pen.

  Quoi qu'il en soit au terme - provisoire, même si François Fillon ne va pas jusqu'au recours - de la mascarade, le bilan est lourd. Avec un bateau à deux capitaines ennemis touché de plein fouet. Avec une UMP qui reste plus que jamais à écoper, si tant est qu'elle ne soit pas déjà coulée.  D.P.  
 

Partager cet article
Repost0
18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 22:41

       Sacrée soirée ce dimanche, comme dirait l'autre! Alors que le suspense de l'élection du nouveau patron de l'UMP était à son comble, la dépêche est tombée, sans ménagement aucun pour nous autres, pauvres auditeurs/téléspectateurs/internautes & Cie. Selon des premiers résultats très serrés, Arnaud Montebourg et Audrey Pulvar se séparent. Cette dernière, qui a elle même avisé l'AFP par SMS, a également mis en garde. Elle poursuivra quiconque s'aviserait de commenter sa vie privée et celle de ses proches. Ben voyons!
   On n'ira pas jusqu'à dire que l'annonce de ce "redressement affectif"  a perturbé la longue attente au pied des urnes du premier parti d'opposition. Mais tout de même, il y avait quelque chose d'étrange, sur les chaînes d'info continue notamment, à lire au-dessous des images de l'interminable décompte des voix, le "faire part intimiste" concernant la journaliste et son "inrockuptible"  (ex)-compagnon en marinière.

   Une fois de plus, l'actualité politique la plus sérieuse s'offrait donc ainsi des échappées du côté de Feydeau. On n'a pas oublié que c'est en plein coeur de la soirée du second tour des législatives de juin 2007 que Ségolène Royal avait cru bon de confier à la France entière qu'elle n'était plus en couple avec François Hollande.

   Rassurons-nous, François Fillon et Jean-François Copé ne sont pas allés jusqu'à commenter la rupture Pulvar-Montebourg. Il faut dire qu'ils avaient bien assez à faire de leur côté. Plus les heures passaient et plus la tension montait, à coup d'intox dans chaque camp et de soupçons d'irrégularités.

   A l'UMP aussi, ce dimanche soir, il y avait, plus que jamais, au-delà du fiévreux coude-à-coude, du divorce dans l'air... D.P.  

Partager cet article
Repost0
15 novembre 2012 4 15 /11 /novembre /2012 22:10

   Oh! évidemment, c'est trois fois rien. Juste une histoire de "r"  et de "u"  baladeurs. Deux lettres qui se sont vaguement bousculées dans la bouche d'un Français s'exprimant ce jeudi à Berlin dans la langue de Goethe et d'Angela Merkel. Sauf que, manque de bol, le lapsus a eu lieu lors d'un colloque officiel. Et que, pire encore, l'homme qui l'a commis s'appelle Jean-Marc Ayrault et qu'il était, avant d'être Premier ministre, professeur d'allemand.

   Attention, on ne doutera pas un instant de ses capacités dans cette discipline - même au-delà du Rhin, on confond parfois, paraît-il, "fruchbar" (fructueux) et "furchtbar" (effroyable) - mais avouons tout de même qu'avec notre chef du gouvernement - à cause de l'émotion, sans doute -, c'est un peu bévue sans frontières.
   On se gardera bien, toutefois, d'en faire tout un plat (de choucroûte ou d'autre chose). Si le "dialogue" ("Austausch") entre nos deux pays a à souffrir, ce ne sera pas à cause de cela. D'ailleurs, aux dernières nouvelles, les relations vont plutôt mieux. Danke schön, Jean-Marc Ayrault! Et puis, après tout, quoi de plus humain qu'un tout petit lapsus?

   Ah! comme on aimerait qu'entre Irael et Gaza, il n'y ait qu'un différent de cette nature... D.P.

Partager cet article
Repost0
14 novembre 2012 3 14 /11 /novembre /2012 22:03
    Ah, hé, oh... L'actualité ne saurait donc être que ça, une suite d'exclamations? Exclamation d'effroi, d'abord, ce mercredi soir, à Ajaccio, après l'assassinat, dans son magasin, de Jacques Blacer, le président de la CCI de Corse du Sud. Un nouvel acte de violence insoutenable dans cette île que nous aimons.
    Exclamation d'étonnement aussi, dans un tout autre domaine, avec le rebondissement de l'incroyable affaire d'adultère qui a couté son poste au patron de la CIA, David Petraeus, et qui atteint désormais le chef de la coalition en Afghanistan.
   Exclamation de soulagement, par ailleurs - pour ses adeptes, en tout cas -, au lendemain de la première conférence de presse de François Hollande, plutôt réussie, aux dires des "observateurs".
   Ah, hé, oh... Le monde, décidément, est roman. Roman de mort et d'amour, roman noir d'aventures ou érotique... En obtenant il y a quelques heures, comme une espèce de lot de consolation,  le prix Interallié pour son livre "Oh..." (*), Philippe Djian a, en quelque sorte, mis un terme à la série des prix d'automne.
  Oui, le marathon (si court) s'achève. Avec son lot de satisfaits et de malheureux. Mais l'autre roman, celui de la vie, jalonné de tragédies et de psychodrames, eh bien, soyons sûrs, celui-là, il continue. Ah, hé, oh... D.P.
(*) Gallimard.
Partager cet article
Repost0
12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 23:05

   Normal, lui? Mais non! Que dalle. La réalité du pouvoir l'a rattrapé. Il avait juré, la main sur l'anaphore du "Moi président"  que jamais, oh grand jamais, il ne donnerait une conférence de presse à l'Elysée comme l'autre, là, vous voyez qui on veut dire... Et puis le temps a passé. Ce temps élyséen qui compte non pas double, mais au moins mille, voire dix mille. Et, du coup, donc, François Hollande, s'exprimera ce mardi, en direct du Palais, comme... Eh! oui, disons-le, comme de Gaulle. Et gageons que ça l'arrangerait bien d'avoir un Michel Droit parmi les questionneurs. Sauf que ça n'existe plus. Tant mieux! Le chef de l'Etat aura devant lui les Français. Et c'est très bien comme ça. Une question, Monsieur le Président? Oui, s'il vous plaît, dites, comment ça va la vie, comment ça va nos vies, où serons-nous demain, pouvons-nous faire confiance? Vous président, nous simples gens... D.P.

Partager cet article
Repost0
11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 06:14

      Après les commémorations - ou avant, ou après, ou pendant -, une seule occupation en ce 11-Novembre pluvieux (et toujours un peu plus vieux aussi): lire (ou relire) le dernier roman de Jean Echenoz sobrement intitulé 14 (Minuit, 124 p., 12,50 euros) et ainsi résumé en quatrième de couverture. "Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état". C'est tranchant, saisissant, fulgurant et, oserons-nous le dire, drôle. Oui, drôle, même si cette guerre-là ne fut en rien une "drôle de guerre". Ce livre a valu à son auteur, sacré Goncourt dès 1999 pour Je m'en vais, le très convoité prix des Vendanges littéraires de Rivesaltes. Santé, Echenoz! En plus d'une barrique, votre 14 mérite un 18. Au moins. D.P.  

 

Un extrait (p. 64): "Du côté de l'orchestre, l'un des clarinettistes était tombé, frappé au ventre, la grosse cisse avait culbuté, joue transpercée, avec son instrument et le deuxième flûtiste n'avait plus que la moitié de sa main".

Partager cet article
Repost0
10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 12:20

 Nov.-2012--Beny--Musee-Gr.-023.jpgAube de novembre en Bresse, à l'heure où la brume ouate les bas-fonds. Dans le ciel, les avions ont laissé les traces de leur brouillonne géométrie rose. Sur la terre, les ombres gardent encore des secrets d'herbe et d'arbres noirs. Plus pour longtemps. Ah! comment suspendre le temps? Peut-être en tournant la manivelle du vieux puits... Photo Gh. P. ( Cliquez pour agrandir).

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 23:42

    Plus fort, soudain, que le duel Obama-Romney de l'autre côté de l'Atlantique, il y a, chez nous, le rapport Gallois. "The" rapport! Eclipsant provisoirement le débat sur le "mariage pour tous", ce document décidément très tendance célèbre l'union de la baisse des charges et de la relance de l'investissement, les noces du budget de la recherche et de la poursuite de l'extraction du gaz de schiste, l'hyménée du dialogue social et des aménagements de l'assurance-vie. Bref, une super star, cet opus... Si ça continue, on va lui donner le Goncourt.
   Ah! il fallait voir, hier soir au "vingt heures"  de France 2, la fierté affichée de la chaîne annonçant un invité qui n'était autre que l'auteur même des vingt-deux propositions. A la fois grave et jovial, docte et décontracté, l'ex-PDG de la SNCF avait, avec son long crâne dénudé, quelque chose du Raymond Aron de l'époque où certains pensaient qu'il valait mieux avoir tort avec Sartre que raison avec le philosophe de Démocratie et totalitarisme.
   Ce qu'il y a d'extraordinaire dans tout cela, c'est moins le contenu des mesures, sans véritable surprise il faut bien l'admettre, que leur théâtralisation faite d'annonces graduées préalables, d'aveux anticipés de dédain gouvernemental et, dans la dernière ligne droite, de focalisation exacerbée. Car, après nous avoir longuement laissé entendre que François Hollande avait d'emblée enterré le fameux rapport, voilà qu'on nous dit qu'il s'apprête à en retenir l'essentiel. Attendons encore quelques heures que le chef de l'Etat soit rentré du Laos et qu'il tranche enfin en mettant carrément en jeu, dit-on, son quinquennat. Mais ne soyons pas dupes. Quelle que soit la part d'adhésion de nos dirigeants à ce "catalogue de la redite", il y a peu de chance qu'il change la face d'un pays aussi inapte à la réforme qu'il est en proie au "décrochage industriel".
   A l'heure où l'on nous rebat les oreilles avec le "choc de compétitivité", osons le dire: le rapport Gallois nous apparaît d'abord comme un magnifique choc d'expectativité. D.P. 

Partager cet article
Repost0
3 novembre 2012 6 03 /11 /novembre /2012 14:21

Soulages-0.jpgSoulages-1.jpgSoulages-4.jpg Soulages-2.jpg

   Il y a comme une étrange continuité à passer ainsi, aux confins de novembre, des  terres fraîchement labourées de la Bresse à l'exposition Soulages au Musée des Beaux-Arts de Lyon. A peine, peut-être, les nuances marron d'ici se sont-elles, là, transformées en noir. Ou en blanc. Car oui, contre toute attente, l'immaculé - ou ce qui semble en tenir lieu - est également présent dans les oeuvres récentes de celui auquel on associe pourtant, presque spontanément, l'inverse.
   Mais le blanc est-il le contraire de cet "outrenoir"  inventé par le peintre? Pas plus sans doute que la terre retournée sous le soc ne s'oppose à son état précédent. Rainures, sillons, mottes dans le champ voisin. Stries, fissures, glacis sur les toiles où l'artiste va chercher, au tréfonds des ténèbres, la source même de la lumière, celle de l'origine qui sera aussi celle, foudroyante, des fins dernières.

   De salle en salle, l'évidence s'impose: la démarche de Soulages est aratoire. Fermons à demi les yeux face à l'un de ses nouveaux polyptiques. Cet infime grain - de poussière, de charbon, de chaux... - perdu dans l'emblavure de la toile, c'est lui, c'est nous. Lui, le vieil enfant du Rouergue immigré à Sète ou à Paris, mais qui n'a pas plus oublié l'ombre des noyers de son "pays natal"  que le voile crépusculaire laissé sur les doigts par le brou des coques vertes. Nous, qui ne cessons d'arpenter le cadastre d'éclairs noirs et blancs où s'inscrivent les fragiles encres sur papier marouflé de nos destinées.
   A près de 93 ans, Pierre Soulages, métayer de nos domaines en perdition aussi bien que de nos territoires à naître, ne cesse de creuser, de herser, de semer. Et si nous marchons avec un tel ravissement dans son sillage, c'est que nous l'avons compris depuis longtemps: son inlassable quête de l'enfoui et de l'enfui ramène mieux que nulle autre au grand jour la clarté première qui nous aveugle. D.P.  
 
("Soulages XXIe siècle", ensemble d'oeuvres récentes, réalisées entre 2000 et 2012, dont certaines encore inédites, jusqu'au 28 janvier 2013, Musée des Beaux-Arts de Lyon. Renseignements au 04 72 10 17 40). 

 

En arpentant les salles du Musée des Beaux Arts de Lyon. Photos D.P.  (Cliquez pour agrandir).

 

____________________
 
   On découvrira également, en contrepoint, le regard que pose Christian Bobin sur l'univers du peintre lors d'une visite au musée Fabre de Montpellier. "Je suis un enfant dans une buanderie, devant des draps noirs mis à sécher sur une corde. Les tableaux sont de grandes bêtes vivantes allongées, un peu engourdies d'être là. Une lumière d'or bat leurs flancs. Leur souffle est lourd, lent, imbibé de silence. Je ne sais quoi faire devant elles qui ruminent les herbes noires de l'éternel. (...) La vision de Soulages est plus puissante que la mort, elle l'arrête comme jadis on arrêtait un vampire avec une croix. Ce noir charpente mon cerveau, y tend ses poutres maîtresses dont le deuil n'est qu'apparent: le noir est l'éclair d'un sabre de cérémonie, une décapitation qui ouvre le bal des lumières", écrit ainsi, Bobin, aux pages 32 et 33 de L'Homme-joie, son nouveau livre dont les chapitres s'intitulent par ailleurs "Un prince", "Le Laurier-rose", "Vita Nova", "Trésors vivants" ou "Les minutes suspendues", et dont la "quatrième de couverture"  porte ces mots, en reproduction de graphie manuscrite: "J'ai rêvé d'un livre qu'on ouvrirait comme on pousse la grille d'un jardin" (L'Homme-joie de Christian Bobin, L'iconoclaste, 183 p., 17 euros).
..
 

 
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Didier Pobel
  • : L'usage des jours (livres, poésie, voyages, journal, impressions...)
  • Contact

Texte Libre

Ces révolutions que

nous n'avons pas vu venir

   De retour à Bény, en ce bel hiver de givre, je relis cette carte postale que mon père garde, avec celles des étés précédents, sur le buffet de la cuisine. "Sous le ciel encore chaud de la Tunisie, nous pensons bien à toi. Ici, on ne se croirait pas à la veille de la Toussaint. À bientôt. On t'embrasse". Des mots tout simples, écrits comme toujours à la hâte, au moment de reprendre l'avion. 

   C'était à peine trois mois plus tôt. Du Cap Bon où nous faisions halte, nous avions effectué de cahotants trajets à travers le pays. Le Temple des eaux au pied du djebel Zaghouan. Le site romain de Dougga, pur poème de pierre, de vent et d'oliviers, où Abdallah, notre guide, nous avait imposé une visite pour le moins exhaustive. Les villages poussiéreux où la population s'ennuie sous les palmiers flétris. Les charrettes, les bourricots, les antiques mobylettes. La pauvreté, la dignité et, pensions-nous, la résignation.

     La résignation? Eh oui, même lorsqu'on est le témoin d'un régime sans ambiguïtés, il n'est pas toujours si simple de pressentir l'histoire en marche. Avec le recul, pourtant, il y avait eu des scènes éloquentes. Ces barrages de police un peu partout, justifiés alors par un enlèvement d'enfant. Ce jeune diplômé quêtant quelques dinars dans les majestueuses ruines de Thuburbo Majus et qui se cachait pour aborder les "nantis" que nous étions à ses yeux. Un feu couvait en lui, c'est sûr. Il n'aurait peut-être pas fallu grand-chose pour qu'il parle. Mais nous étions pressés, comme souvent.

     Et, disons-le aussi, la méfiance nous gagnait. Un soir, du côté de la cité viticole de Grombalia, un 4X4 aux vitres fumées avait rattrapé notre "Symbol" de location. Une impression se confirmait: nous étions suivis. Sans doute vaut-il mieux ne pas écrire "journaliste" à la rubrique "profession" sur les fiches de douanes à l'arrivée lorsque, quelques mois plus tôt, on a utilisé le mot "dictature" pour rendre compte de la dernière parodie de réélection présidentielle au palais de Carthage.

     Les touristes européens flânaient dans les souks. Les cornes de gazelles étaient sucrées, le vin gris de Mornag montait à la tête, octobre avait de superbes rousseurs de désert et la tiédeur des plages invitait à fermer à demi les yeux. Que voulez-vous, c'est comme ça: exportées sur place, les plus solides notions de droits de l'homme se dissolvent parfois dans le bleu de la mer...

     Pour notre part, nous aurions dû prêter davantage attention aux ardents regards noirs de toute une jeunesse rivés aux téléphones portables. La "génération Ben Ali dégage!" préparait, dans la retenue, le grand soir arabe. Le fantoche président de fer était encore omniprésent. Piètre sosie d'un acteur de série B aux cheveux teints, posant, la main sur le cœur à chaque coin de rue, dans chaque lieu public, à côté des pubs pour les biscuits "Tigato" et pour les firmes corrompues se partageant le gâteau.

     Et voilà. Maintenant nous sommes au début 2011. Dans l'odeur du jasmin et de la poudre, dans le bruit des youyous et des balles, la Tunisie a fait sa "Révolution Facebook". Bonheur de découvrir ces incroyables images à la télévision qui en rappellent d'autres. À Berlin non plus, nous n'avions rien vu venir en novembre 1989. Pas plus qu'à Bucarest le mois suivant. Pas plus qu'au Caire ces dernières semaines...

     Nous parlons de tout cela, ce soir, dans cette ferme de Bresse où, depuis plus de trois ans, mon père veille seul avec son chien et ses cartes postales. Celle-ci, un peu plus ancienne, a été postée de Louxor: "Le printemps égyptien est doux. De part et d'autre du Nil, des merveilles nous attendent. À bientôt. On t'embrasse". Tout à l'heure, il nous rappellera comment lui aussi a retrouvé un jour la liberté. C'était en janvier 1945. L'armée russe avançait. Les portes du stalag de Silésie où il venait de passer plus de cinq ans s'ouvraient. Il allait encore mettre plus de quatre mois pour traverser, à pied et la faim au ventre, un no man's land de charniers, de ruines et de spectres hagards.

     Mais ceci est une autre histoire, direz-vous. Bien sûr. N'empêche, la Liberté, d'où qu'elle vienne, d'où qu'elle revienne, est la même. Au Nord ou à l'Est hier. Au Sud aujourd'hui. Dans nos sursauts collectifs. Dans nos émois partagés. Par l'étroite fenêtre aussi, parfois, de nos petites perceptions occidentales. D.P.

(Cette chronique a été publiée

dans l'hebdomadaire "Voix de l'Ain",

n° 3433, semaine du 11 au 18 février 2011). 

  

La carte de la gloire,

le territoire de l'oubli

   Le triomphe de Michel Houellebecq nous réjouit. Nous fûmes suffisamment déçus par ses échecs au Goncourt en 1998, avec Les Particules élémentaires, et en 2005, avec La Possibilité d'une île, pour ne pas nous féliciter de sa victoire, lundi dernier, à la troisième "tentative". Et cela d'autant plus que La Carte et le territoire (Flammarion) est un roman, à la fois désenchanté et jubilatoire, qui s'inscrit à merveille dans l'air du temps de ce mois de novembre 2010 où, sous la résignation apparente, se profile une très énergique "extension du domaine de la lutte".
   Le lendemain du prix, nous écoutions l'"heureux"  lauréat, sur France Inter, exhorter les auditeurs à ne jamais baisser les bras. "Ne vous laissez pas emmerder, soyez libres!", clamait-il. Magnifique, Michel! comme dirait Drucker qui ne va sans doute pas tarder à programmer un"Vivement dimanche"  houellebecquien. Il faut dire que ce matin-là, le malicieux écrivain à la paupière lasse comme ses anoraks réussissait une sacrée performance. Il volait carrément la vedette au général de Gaulle dont on célébrait pourtant, un peu partout ailleurs, le quarantième anniversaire de la disparition. Et lorsque l'invité déclara un brin péremptoire: "On n'a pas de devoirs envers son pays, on est des individus, c'est tout!", on a bien cru entendre, en bruit de fond radiophonique, le héros de Colombey se retourner dans sa tombe, pour autant que sa gigantesque stature posthume le lui en laissait le loisir.
   Tant pis pour "l'homme du 18 juin", c'est celui du 8 novembre qui était ici à l'honneur! La gloire est ainsi faite. L'enthousiasme du moment peut balayer d'un insolent revers de manche de parka fripée la majestuosité d'un uniforme. Voilà bien à quoi nous songions en écoutant ce drôle de fan de Jean-Pierre Pernaud et de Julien Lepers nous rappeler que "la France est un hôtel, pas plus".
   Injustice? Affaire de circonstances, c'est tout, évitons les grands mots. D'ailleurs, s'il y en a un qui est déjà rompu aux fatals soubresauts de la renommée, c'est à l'évidence Michel Houellebecq lui-même. "C'est curieux comme les choses changent..." fait-il dire au père de son double, à la page 217 de son opus désormais ceint de la prestigieuse bande rouge. Oui, les choses changent vite et bien malin qui pourrait évaluer la durée du rayonnement de celui qui, il n'y a pas si longtemps encore, était conspué à l'unanimité, ou presque.
   Comment pouvait-on, dans un contexte analogue, ne pas penser, au moment de l'attribution du prix, à un lauréat précédent qui vient de disparaître dans une assez scandaleuse indifférence? Lorsqu'il fut sacré, en 1968, pour Les Fruits de l'hiver, lui aussi capta tous les regards. Lui aussi éclipsa momentanément de Gaulle, avant que la chienlit ne déferle. Lui aussi fit des déclarations brutes de décoffrage. Lui aussi pesta contre les travers de la société du moment. Lui aussi réhabilita l'âme des provinces et des bourgades. Lui aussi fut traité de populiste. Lui aussi aimait les chiens. Lui aussi lorgnait vers l'Irlande. Lui? Il s'appelait Bernard Clavel et il a signé plus de quatre-vingts ouvrages dévorés, loin des chapelles, sinon celles du Jura aux toits de pierre et de bois, par des millions de gens.
  Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de comparer les mérites respectifs du "dépressif" du Gâtinais et du bûcheron franc-comtois. Leurs oeuvres, pas plus que leurs démarches, leurs postures et leurs convictions - quoi que... - n'offrent de vraies similitudes. Qu'on nous permette simplement d'y mieux mesurer, parfois jusqu'au vertige, l'indécent grand écart auquel sont soumises, au fil des ans, ces notions floues que sont, en art, le goût et la reconnaissance, l'emballement et la postérité, le lâchage et la fidélité.
   Allez, terminons par une hypothèse. Et si, un de ces quatre, Michel Houellebecq rédigeait un vibrant éloge de Bernard Clavel? Dans La Carte et le territoire, il rend bien un hommage aussi inattendu sous sa plume que mérité pour l'intéressé, à un autre laissé-pour-compte de l'ingrat monde des Lettres: Jean-Louis Curtis (1917-1995). Curtis avait lui aussi obtenu le Goncourt. C'était en 1947 pour Les Forêts de la nuit. Ces forêts où il rôde aujourd'hui, si loin des splendeurs de chez Drouant, avec Clavel et tant d'autres, avant que l'histoire littéraire ne rende son jugement dernier. Au minimum dans un siècle ou deux, "particules élémentaires" comprises. D.P.
(Cette chronique a été publiée,

dans une version légèrement modifiée,

dans l'hebdomadaire "Voix du Jura",

n° 3452, semaine du 20 au 26 janvier 2011). 

 

Ferrat, Chabrol:

l'émotion consolatrice
   Drôles d'hommages, quand on y pense. Il y a quelques mois, la France, larme printanière à l'oeil et lyrisme aragonien aux lèvres, n'en finissait plus de saluer Jean Ferrat. La télévision nationale, on s'en souvient, n'hésita pas à retransmettre en direct les obsèques de l'"échappé"  ardéchois, un peu à la façon d'une étape de la "Grande boucle" dans un col cévenol. Et les foules bigarrées ne cessent, depuis, de se bousculer dans l'étroit cimetière basaltique, lors d'un fervent ballet qui ne manquerait pas d'agacer le discret compagnon des petites routes et des pensées rebelles.
   C'était en mars dernier, entre les deux tours d'une élection que les "bonnes gens"  boudèrent en une obstination inversement proportionnelle à celle qu'ils insufflèrent dans leur "au revoir" au chantre de La Montagne. Et voici donc qu'un semestre plus tard disparaît Claude Chabrol, sous un concert de louanges et face une émotion, certes pas tout à fait de la dimension de la précédente, mais néanmoins étonnante par son impact à la fois médiatique et intimiste.
   Holà, que se passe-t-il donc pour qu'un pays peu réputé pour aimer ses artistes - c'est un euphémisme - manifeste ainsi, coup sur coup, sa sympathie et son chagrin? Un tel engouement se justifie évidemment, au-delà de la force des couplets ou des films des deux créateurs, par la somme d'admiration et de proximité qu'ils inspiraient, chacun de son côté. Le premier par son insolente tendresse et ses engagements jamais feints. Le second par son observation espiègle et grinçante de la société. Mais sans doute faut-il voir également, dans ces effets conjugués de complicité populaire, des éléments d'ordre plus circonstantiels. L'interprète de Ma Môme et le cinéaste du Boucher, dans des registres répétons-le fort différents, n'en incarnaient pas moins l'un et l'autre, y compris sans doute jusque dans les propres limites de certaines de leurs oeuvres, une honnêteté, un goût du travail bien fait, un attachement à la mémoire et un indéfectible respect des individus. Autant de valeurs, faut-il le rappeler, qui font particulièrement défaut en une époque de cynisme roi, de politique dévoyée, de chasse aux minorités ethniques, de charters vrombissant d'indécence sur le tarmac glissant des campagnes électorales...
   Impossible de réécouter une chanson de Ferrat ou de se "repasser" un film de Chabrol sans s'imprégner des bénéfiques célébrations de la patience, de la malice, de la tolérance et de la liberté. Et puis, avons-le, nous ressentions une vraie consolation à les voir l'un et l'autre, moustache frémissante ou pipe en bouche, parler soupes d'autrefois, vins de terroir et pourfendre en se marrant "les cons qui n'arrêtent pas de voler et les autres de les regarder", cela en une époque où la fumée conviviale, le verre entre amis et l'humour décapant tombent sous le coup de la loi, alors que la "bêtise d'Etat" entache le pays du droit de Roms. 
   Entre "ombre faite humaine" et "oeil de Vichy", entre "amour cerise"  et adultères provinciales, Jean Ferrat et Claude Chabrol étaient tous deux, à leur manière, d'Antraigues à Sardent, d'éloquents refrains en travellings suggestifs, inscrits à l'inventaire de nos monuments historiques familiers. Continuons à nous précipiter pour la visite en groupes de leurs battements de coeur, de leurs ricanements, de leurs univers, de leur exemplarité. Alléluia et Moteur! D.P.

   

 La rentrée littéraire,

quelle vacherie!
 Elle est retrouvée. Quoi? La rentrée littéraire qui n'a, avouons-le, pas grand'chose à voir avec l'éternité rimbaldienne. Les libraires transpirent. Les attachées de presse s'enfièvrent. Les chroniqueurs frottent leurs lunettes et affûtent leur sens critique. Un peu partout on compte, on compare, on spécule. Au juste, 701 romans, dont 497 français, ça fait combien de plus, de moins ou de pile poil pareil que l'année dernière qui, elle-même, etc. Drôle de phénomène bien de chez nous que cette espèce de foire d'automne où l'on remplace les bestiaux par des bouquins et les viriles clameurs des enchères par des maquignonnages autour des prix. Palpez un peu cette Nothomb, vous m'en direz des nouvelles. Et le dernier fleuron de la race Houellebecq, visez-moi cette encolure. 
   S'il y en a une qui ne risque pas de s'offusquer de la métaphore bovine, c'est bien Claudie Gallay. La petite femme aux yeux bleu pervenche, propulsée directement de ses terreuses origines nord-iséroises aux "déferlantes" du succès, a écrit son nouvel opus, L'Amour est une île, (Actes Sud), dans sa bergerie du Charolais. Avec des broutards crème meuglant sous sa fenêtre. Avec un ciel pluvieux comme vache qui pisse. La-bas, du côté de La Clayette et de Semur, il y a les prés sans Saint-Germain. Et les éleveurs, qui tordent leurs casquettes à l'heure d'écorner leurs troupeaux, se fichent de l'embouche romanesque comme de la première litière de leur stabulation.
   Ils ne dévoreront ni Despentes, ni Forest, ni Volodine. Ni Linda Lê, ni Adam, ni Claudel. Et encore moins Breat Easton Ellis et J.M. Cootzee. Pas le temps. Propos un brin savants. Bref, un monde qui n'est pas le leur. Claudie, ce n'est pas pareil. Elle est presque d'ici. Elle cause comme l'ultime épicière du coin qui fait dépôt de pain et de journaux. Pas mince, le compliment.
    Cette fois-ci, c'est vrai, elle s'est embarquée du côté du festival d'Avignon l'année de la grève des intermittents. Evidemment, on s'en fiche un peu sur les rives de la Grosne, de la Guye ou du Grison. Mais sûr, la prochaine fois, elle parlera des gens du cru. A commencer, peut-être, par les habitants de Saint-Ythaire. Saint-Ythaire, c'est entre Bonnay et Curtil-sous-Burnand. 122 âmes en colère contre le projet d'implantation de cinq éoliennes. Un super sujet pour l'écrivain qu'on a même aperçue l'autre soir au "Vingt heures" de TF1.
    Les révoltés de Saint-Ythaire? A moins que ce ne soient les Don Quichotte de Bény. Bény, c'est au coeur de la Bresse, de l'autre côté de la Saône. Là, c'est contre la future Ligne à grande vitesse qu'on se mobilise à coups de calicots et de banderoles accrochés aux barrières des fermes et des villas avec, parfois, des slogans en patois: "LGV, to ka t'nallo!" ("LGV, tu n'as qu'à t'en aller"!).
   Des hélices géantes bientôt essaimées dans le paysage si cher jadis aux abbés de Cluny ou des trains fous écrasant prochainement l'AOC des célèbres volailles aux pattes bleues. Fichue alternative, quand on y pense. D'autant plus que, dans ce décor de pseudo-polar rural, on ne discerne pas la moindre librairie à l'horizon. Alors, dites, où c'est qu'on va les trouver, à Saint-Ythaire, à Bény ou ailleurs, les 701 titres annoncés? Houellebecq a raison: il convient de revoir de toute urgence "La carte et le territoire". Ah! quelle vacherie, par ici, la rentrée littéraire. (Fin août 2010). D.P.

 

Quelques nouvelles de par ici
 
 
    Je vais vous donner un peu des nouvelles de par ici. C'est où par ici? C'est chez moi. Enfin, je veux dire pas loin. A la rigueur juste à côté. Le décor, vous le connaissez. Il y a un village avec son clocher vaguement roman. Le presbytère transformé en gîte rural. L'épicerie où l'on vend des caramels pour les gosses et des asticots pour la pêche. Le calme règne jusqu'au milieu de l'après-midi. C'est à ce moment-là que les tracteurs ramènent les voitures de foin dans les fermes. Les travaux agricoles, cette année, quelle galère: on est passé directement de l'hiver du mois de mai à la canicule du solstice! Vers dix-huit heures, dix-huit heure trente, les gosses font des pirouettes à bécane et les ados, sur la placette, gloussent dans leurs téléphones portables sans jamais déclarer forfait. Ensuite, le boulodrome de fortune prend  doucement des allures de petit G20 provincial.
    Imperturbable, l'employé municipal arrose les fleurs. Ou ce qu'il en reste. Le week-end dernier, des dadais en goguette ont piétiné les terre-pleins. "Saloperie de désoeuvrés!" maugrée Jean en lisant l'entrefilet dans la chronique locale. Jean, c'est le facteur. Après sa tournée, il aime bien prendre un verre. Le seul café qui n'a pas encore baissé rideau aligne trois tables sur le trottoir. Les autres troquets ont tous fermé. Trop de travaux pour se mettre aux normes. En sirotant son panaché, le préposé s'attarde sur le journal du coin. Les décès, les mariages, les naissances, les accidents... Il lit aussi le billet, en haut à gauche de la page 2. Il y a même la photo du chroniqueur qui tient un bouquin dans ses mains. En regardant de près, on découvre le titre et l'auteur. C'est Après beaucoup d'années de Philippe Jaccottet.
    Jaccottet est un immense poète qui vit dans les parages. Mais personne ne le connaît vraiment. Jean s'en fiche. Lui, ce qu'il recherche dans son canard, ce sont les infos pratiques. Ou les échos du conseil municipal. L'annonce des fêtes d'été. Les vide-greniers des alentours. Mais à la Une, il y a cette photo. Un ministre et sa femme "dans la tourmente". Eric et Florence Woerth, ils s'appellent. Pierrot, le patron du café, qui vient faire un brin de causette à Jean, prononce ce nom à sa façon. Il dit "Voerte" et ça sonne un peu comme un hommage aux absinthes verlainiennes d'autrefois. "Tous pareils, hein, y'en a pas un pour racheter l'autre!". Jean, le regard rivé aux résultats du "Mondial" de foot et au classement général du Tour de France, ne répond rien. Ou alors il fait "hum hum" et bien malin qui pourrait comprendre si c'est une approbation ou l'inverse. 
  Rien ne bouge, ou presque. Il y a juste un soupçon d'électricité dans l'air. La grêle est annoncée pour le soir mais, c'est bien connu, "à la météo, ils se trompent tout le temps...". N'empêche, il faut hâter la fenaison. Demain à l'aube, les fourches hydrauliques des colossaux Renault ou John Deere payés à crédit planteront leurs dents dans ces rouleaux herbeux qui, au mitan des parcelles de la PAC, ressemblent aux chignons lavande des aïeules de ce "pays". Ce "pays" qui pleure et qui rit, qui meurt et qui vit. Ce "pays" qui attend les touristes. Ce "pays" en jachère où, dans les villas des lotissements en extension, Internet remplace désormais l'épicier qui faisait jadis sa tournée en klaxonnant à travers des hameaux pleins de vieux taiseux et de chiens tout en gueule. 
  Voilà, ça se passe par ici un jour brûlant de juillet. Plus tard, peut-être, je vous donnerai des nouvelles de par là-bas. C'est où par là-bas? C'est du côté de par ici. Si jamais, un de ces quatre, vous avez l'occasion, arrêtez vous quelques instants, on parlera un peu de Jaccottet. "Faites passer, disait la terre elle-même, ce matin-là, de sa voix qui n'en est pas une. Mais quoi encore? Quelle consigne?" (Juillet 2010). D.P.
 

    

Recherche

Archives